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©Day for night production /Public Sénat - C.Hamet et S.Robin
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En Irlande, les femmes quittent leur pays pour avorter

Sur leur île, l’avortement est interdit sauf en cas de danger pour la santé de la mère. Pour avorter, les Irlandaises doivent se rendre au Royaume-Uni en avion ou en bateau. D’où le titre du documentaire Take the boat (Prendre le bateau) dans lequel deux réalisatrices françaises reviennent sur la situation de l’avortement en Irlande. Rencontre.

Certaines vérités sont toujours bonnes à rappeler. « Aucune femme ne recourt de gaîté de coeur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. » Simone Veil prononce ces mots en 1974. Devant une Assemblée nationale composée à majorité d’hommes, elle se bat pour légaliser l’avortement en France.
 
L’extrait du discours de Simone Veil ouvre le documentaire Take the boat réalisé par Camille Hamet et Séréna Robin. Il a été sélectionné cette année au Festival international de films de femmes de Créteil (en région parisienne) dont Terriennes est partenaire.
 
Si depuis quarante ans, les Françaises bénéficient du droit à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) désormais possible jusqu’à la 12e semaine de grossesse, en Europe des inégalités persistent.

carte avortement europe 2015
En rouge : avortement interdit ou autorisé si la vie de la mère est en danger. 
En orange : avortement autorisé pour des questions de santé.
En jaune pâle : avortement autorisé en fonction de considérations socio-économiques. 
En vert : avortement autorisé. 
©Center for Reproductive Rights

Comme en Irlande où l’avortement est encore illégal sauf, depuis 2013 (!), en cas de danger pour la santé de la mère. L’avortement reste interdit même en cas de viol ou de malformation très grave du fœtus.
 

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En cas d’avortement, donc illégal, les femmes ou le médecin qui le pratiquent, encourent 14 ans de prison. Vanessa, émouvante témoin du documentaire qui a avorté, raconte que son violeur a écopé de deux années dernière les barreaux après récidive. Ça fait réfléchir…

Un secret

Alors pour bénéficier d’un avortement dans un cadre médical, les Irlandaises sont contraintes de partir. Pas question de régler cela sur l’île. Elles sont « envoyées au loin », presque considérées comme des pestiférées par un pays qui ne veut ni les prendre en charge, ni les accompagner dans cette démarche douloureuse. En avion ou en bateau, direction le Royaume-Uni pour avorter.

Dans le documentaire, trois femmes et un couple témoignent de la difficulté et de la douleur de cet épisode de leur vie qu’il faut, en plus, taire à tout prix.
 

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Gerard le mari de Gaye qui a dû avorter à cause d’une maladie nerveuse grave de son fœtus, explique qu'à cause du caractère illégal de l’avortement en Irlande, « cela fait de nous des criminels » de l’avoir fait. Il ajoute : « Quand vous commettez un crime, vous ne pouvez pas le dire aux gens.(...) Alors, vous gardez ça secret. » Autour d’eux, peu seront ceux qui connaîtront la vérité sur la perte de leur enfant.
 

Religion

Ce silence, cette omerta qui entoure l’avortement en Irlande reflète l’emprise de la tradition, de la religion catholique intégriste très ancrées dans cette société insulaire. Les groupes contre l’avortement, dits « pro-life », pour la vie, par opposition aux « pro-choice »,  pour le choix de disposer de son corps, sont très présents en Irlande et financés notamment par les Américains. Eux aussi prennent la parole dans le documentaire au cours de rassemblements dans le pays,ardents défenseurs de la vie dès le début de la grossesse.

Royaume-Uni

Partir avorter en se cachant est déjà difficile à vivre psychologiquement. Mais la décision s’accompagne aussi de complications matérielles lorsqu’il s’agit de subir l'intervention médicale dans un autre pays - même européen - dont on ne bénéficie pas de la couverture sociale.
 

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Les Irlandaises viennent souvent seules au Royaume-Uni même si certaines sont parfois accompagnées de leurs compagnons ou de leurs copains. Pour faciliter leur démarche, des associations se sont créées pour les accueillir dans un environnement serein. Un couple qui appartient à l’association « Abortion support network » , réseau de soutien à l'avortement, témoigne dans le documentaire, ouvre régulièrement sa maison à des Irlandaises qui ne restent qu’un ou deux jours en Angleterre.

Sans trop poser de questions personnelles, ils sont là pour offrir un cadre plus personnalisé qu’une chambre d’hôtel ou une auberge de jeunesse. Une parenthèse avant de revenir sur l’île où le secret s'impose et l’isolement qui l’accompagne souvent. L'Irlande va-t-elle faire évoluer sa législation ? Aujourd'hui, un changement semble s'amorcer après plusieurs cas tragiques qui ont fait la Une des journaux : un refus d'avortement d'une femme qui faisait une fausse couche et en est morte ; l'accouchement forcé d'une jeune femme qui voulait avorter.   

« Les langues se délient petit à petit, observe la co-réalisatrice Camille Hamet. Le sujet est de plus en plus abordé par les médias. Et c’est une question dont se saisissent les politiques contre leur gré. Le pays sera obligé d’évoluer sur cette question. » Alors à quand une légalisation de l’avortement ? Le documentaire Take the boat, sélectionné dans plusieurs festivals irlandais, pourrait participer à faire réfléchir certain(e)s.

Mais le chemin va sûrement être encore long alors qu’ailleurs en Europe certains pays comme comme l'Espagne tentent aujourd'hui de revenir sur ce droit fondamental des femmes à disposer de leur corps, chèrement acquis.

♦ BONUS - Regards croisés des réalisatrices 

Après la réalisation ce documentaire, quel regard portez-vous sur la situation en Irlande en tant que jeunes femmes vivant dans un pays où vous avez toujours connu l'avortement légalisé ?

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