En Namibie, une première femme présidente, mais peu d'attente pour les droits des femmes

Première femme élue à la présidence de l'histoire de la Namibie, Netumbo Nandi-Ndaitwah n'a pas particulièrement la réputation d'une championne des droits des femmes dans ce pays pourtant très bien classé par le Forum économique mondial en matière d'égalité. La nouvelle présidente reste partisane d'une législation stricte en matière d'avortement.

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Netumbo Nandi-Ndaitwah

Netumbo Nandi-Ndaitwah, du parti SWAPO au pouvoir, lors d'une conférence de presse à Windhoek, capitale de la Namibie, le 5 décembre 2024, après l'officialisation de son élection. 

AP Photo/Dirk Heinrich
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La première femme élue présidente de Namibie, Netumbo Nandi-Ndaitwah, a affirmé avoir "brisé le plafond de verre" dans un discours austère prononcé lors de sa première rencontre avec la presse depuis l'annonce de son élection. A 72 ans, elle a été élue début décembre 2024 dès le premier tour avec 57,31% des suffrages, selon la commission électorale de ce pays désertique d'Afrique australe.

En tant que femme, je suis la première à admettre que mon élection à la plus haute fonction du pays a certainement brisé le plafond de verre des femmes namibiennes. Netumbo Nandi-Ndaitwah

"En tant que femme, je suis la première à admettre que mon élection à la plus haute fonction du pays a certainement brisé le plafond de verre des femmes namibiennes", a lancé celle qui est actuellement à l'issue de scrutins présidentiel et législatifs marqués par de nombreux dysfonctionnements. 

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La candidate du parti au pouvoir depuis l'indépendance de ce pays d'Afrique australe en 1990 a salué dans la foulée Ellen Johnson-Sirleaf, première femme présidente du continent, qui "a montré la voie" au Libéria. Ces quelques mots en une heure et demie d'intervention sont demeurés la seule référence à la première historique qu'est son élection en Namibie.

Classée 8ème au Global Gender Gap Index 2024 du Forum économique mondial, la Namibie dispose de 88,9 % de cadres juridiques favorisant, appliquant et suivant l’égalité des genres dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD), avec un accent sur la violence contre les femmes. En février 2024, 44,2 % des sièges au Parlement étaient occupés par des femmes.

Légitimité morale et constitutionnelle 

Fille de pasteur anglican passée par Moscou du temps de la lutte en exil pour la libération du pays, "NNN" a fait ses classes au Komsomol, l'organisation de jeunesse du parti communiste soviétique, et reste une figure de la lutte pour l'indépendance. Partisane d'une législation stricte en matière d'avortement, interdit sauf circonstances extraordinaires dans le pays, elle n'a pas endossé le costume de championne des droits des femmes. 

Sans son habituel doek (couvre-chef local, ndlr), Netumbo Nandi-Ndaitwah a en revanche revendiqué la "légitimité constitutionnelle et morale de gouverner". Et ce même si l'opposition a annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats des élections - initialement prévues le 27 novembre mais prolongées deux fois et qui se sont achevées le 30 - où elle dit avoir constaté "de multiples irrégularités". Netumbo Nandi-Ndaitwah, ministre depuis 2000, a refusé d'accabler la commission électorale quand elle a été interrogée à deux reprises sur sa gestion du scrutin : "Ils ont mené le processus à son terme", s'est-elle borné à déclarer. 

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Candidate du pouvoir

La Swapo a également remporté les élections législatives qui se tenaient en même temps, en obtenant 51 sièges contre 20 pour l'IPC. Ce score est toutefois en baisse par rapport aux 63 sièges détenus par la Swapo dans l'assemblée précédente. 

Le pays, fier de sa paisibilité et de la solidité de sa démocratie, s'est largement déplacé avec une participation à plus de 76% des inscrits, soit bien plus élevée que lors de la précédente présidentielle (61%), mais elle a été extrêmement inégales, selon la commission électorale. 

Le premier jour du vote, d'interminables files d'attente ont obligé certains électeurs à abandonner, après avoir attendu jusqu'à 12 heures. Les régions d'Ohangwena et Omusati, fiefs du parti historique au pouvoir dans le nord du pays, où "NNN" a signé ses meilleurs scores (respectivement 79,7% et 82,6%), ont été marquées par des participations spectaculaires de 91% et 92%, très supérieures au reste du pays. La région densément peuplée de Khomas, englobant la capitale Windhoek, où les dysfonctionnement ont été nombreux, n'a par exemple enregistré que 67% de participation. "Nous sommes légitimes pour faire en sorte que le 21 mars 2025", a assuré NNN, "je prêterai serment".

A la tête d'un pays jeune et riche en minerais

L'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (Swapo), l'ex-mouvement d'inspiration marxiste du temps de la lutte contre l'occupation de l'Afrique du Sud de l'apartheid, a récemment vu sa popularité s'éroder sous le poids du chômage massif des jeunes, devenus une large part de l'électorat. La Swapo, parti de l'actuelle vice-présidente, dirige le vaste pays riche en minerais, qui compte seulement trois millions d'habitants, dont les deux tiers ont moins de 30 ans, depuis son indépendance en 1990. "

L'abondante activité minière ne se traduit pas vraiment par une amélioration des infrastructures, ni par des opportunités d'emploi. Marisa Lourenço

La Namibie, qui figure parmi les premiers fournisseurs mondiaux d'uranium, demeure pourtant, après l'Afrique du Sud, le deuxième pays le plus inégalitaire de la planète, selon la Banque mondiale. "L'abondante activité minière ne se traduit pas vraiment par une amélioration des infrastructures, ni par des opportunités d'emploi", observe l'analyste indépendante Marisa Lourenço, ce qui "alimente la frustration des jeunes". Quelque 46% des 18-34 ans étaient sans emploi en 2018, selon les derniers chiffres officiels.

Netumbo Nandi-Ndaitwah

La vice-présidente de la Namibie, Netumbo Nandi-Ndaitwah, au centre, de la SWAPO au pouvoir, assiste à un rassemblement électoral à Windhoek, en Namibie, le 24 novembre 2024. 
 

AP Photo/Esther Mbathera

 

Pendant une campagne où elle s'est évertuée à faire rimer vieillesse et sagesse, NNN a notamment promis la création en cinq ans de plus de 250 000 emplois, avertissant que "le monde de l'entreprise ne peut prospérer que si la politique est stable". Elle s'est aussi engagée à attirer des investissements "grâce à la diplomatie politique". 

"Merci pour votre confiance", a sobrement déclaré la nouvelle présidente, en robe longue de soie orangée, fines lunettes et chapeau assorti, affirmant qu'elle tiendrait ses engagements pris auprès des électeurs.

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