En savoir plus sur le syndrome des ovaires polykystiques qui touche une femme sur 10

Acné, pilosité excessive, infertilité... Le syndrome des ovaires polykystiques est un dérèglement hormonal qui touche plus d'une femme sur dix. Pourtant il reste méconnu et laisse les femmes souvent seules face à des symptômes parfois très invalidants. Septembre est le mois de la sensibilisation au "Sopk". 

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Spok

Les follicules ne parviennent pas à maturité dans l'ovaire d'une femme souffrant de Spok - capture d'écran video RTBF

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Florine Gérardin, vendeuse, en a souffert dès ses premières règles, survenues tôt, vers 11 ans : "j'ai pris beaucoup de poids, 10 kilos en un an, et beaucoup d'acné, et j'ai développé une pilosité importante. J'ai aussi commencé à souffrir de dépression". Quelques années plus tard, encore adolescente, la jeune fille subit des règles "très irrégulières", qui durent parfois trois semaines. Elle consulte alors un gynécologue, qui malgré "tous les signes du Sopk", ne lui apporte aucun diagnostic ni solution.

Ce n'est que bien plus tard, vers 20 ans, qu'un endocrinologue, au vu de ses symptômes, lui prescrit un bilan hormonal et une échographie, et lui parle du syndrome. "Un soulagement" après des années d'errance médicale, aussitôt gâché par le discours du médecin, qui lui dit que "ce n'est pas grave et qu'il n'y a rien à faire. Il m'a aussi asséné que ce serait compliqué d'avoir des enfants". Un diagnostic synonyme de fatalité pour Florine Gérardin.

L'infertilité : pas une fatalité

Le Sopk se caractérise par la production excessive d'hormones mâles et la présence anormalement élevée de follicules - et non de kystes comme son nom le laisse entendre - sur les ovaires. Il est souvent facteur d'infertilité, même s'il ne condamne pas à ne jamais avoir d'enfants. Tandis qu'au début d'un cycle menstruel normal, chaque ovaire contient 5 à 10 petits follicules, dont l'un devient un ovocyte fécondable, dans le Sopk les follicules sont très nombreux mais leur développement est bloqué par les hormones mâles.

Quand j'ai arrêté la pilule à 31 ans pour tomber enceinte, mes règles ne sont pas revenues. Emilie Cotta

Dans le cas d'Emilie Cotta, 33 ans, c'est justement l'infertilité qui a été le signal d'alerte : "quand j'ai arrêté la pilule à 31 ans pour tomber enceinte, mes règles ne sont pas revenues". Sous pilule depuis plus de dix ans, la jeune cadre souffre aussi d'acné, sans en connaître la cause. Au bout de 9 mois sans règles, la jeune femme se dirige vers un spécialiste de l'infertilité et est rapidement diagnostiquée, ce qui lui permet d'entamer directement un parcours de PMA (procréation médicalement assistée).

Ça touche à l'intime, je ne voulais pas en parler à mes proches. Emilie Cotta

Aujourd'hui enceinte, Emilie Cotta estime avoir eu "la chance" d'avoir été "bien prise en charge". Malgré tout, elle se souvient, comme Florine, du sentiment de solitude à l'annonce du diagnostic : "ça touche à l'intime, je ne voulais pas en parler à mes proches, et faire peser sur eux ce que je voyais comme une mauvaise nouvelle".

Seules et démunies

Les patientes sont souvent démunies. Les traitements actuellement prescrits ne visent qu'à répondre isolément à ces symptômes, par exemple en compensant les effets physiques par l'usage de pilules contraceptives chargées en hormones féminines : oestrogènes et progestérone. Comme Florine Gérardin, Emilie Cotta a rejoint l'association de patientes Asso'SOPK : "En parler à des inconnues mais qui me comprenaient m'a beaucoup aidée".

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Avant cela, Florine s'est "débrouillée toute seule" : il y a dix ans, elle ne trouve aucune information sur sa maladie sur le web. Jusqu'au jour où elle a l'idée de faire la recherche en anglais, et là "un monde s'est ouvert à moi" : "J'ai enfin compris les mécanismes de la maladie, et grâce à une routine alimentaire saine, à une meilleure gestion de ma glycémie, j’ai réussi à perdre du poids, régulariser mes cycles et mieux gérer les troubles de l’humeur". Aujourd'hui, assure la trentenaire, elle a réussi à "calmer la plupart des symptômes à part la fatigue".

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"Tueur silencieux"

Après des années de recherche, on ne dispose toujours pas d'un traitement pour répondre spécifiquement au Sopk. Emilie Cotta souligne la méconnaissance du corps médical, qui selon elle vient du fait qu'"on n'en parle pas lors des études de médecine, et pour beaucoup de médecins, ces symptômes physiques n'ont pas d'impact sur la vie future, c'est presque un traitement de confort". 

Pourtant, mal traité, le Sopk engendre des complications à long terme : un risque accru de diabète, de maladies cardiovasculaires, de problèmes de santé mentale et de cancer de l'endomètre.

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La fin de l'errance médicale ?

Les résultats préliminaires d'une étude publiée par la prestigieuse revue médicale Science en juin 2024 donne un petit espoir aux patientes. Elle ouvre la possibilité d'un premier traitement de fond qui limiterait directement la production d'hormones mâles par les ovaires des patientes. Les chercheurs ont, pour ce faire, utilisé un antipaludique courant, l'artémisinine, et constaté une amélioration globale de l'état d'une vingtaine de patientes. Largement salués par la communauté médicale, ces résultats ne sont pourtant que très préliminaires : pour dire si l'artémisinine marche vraiment contre le SOPK, il faudra la tester sur de nombreuses autres patientes et comparer les résultats à un placebo.

Il y a toujours beaucoup de choses que nous ignorons, mais on ne peut pas dire que les progrès soient inexistants. Elisabet Stener-Victorin

"Il y a toujours beaucoup de choses que nous ignorons, mais on ne peut pas dire que les progrès soient inexistants", explique l'endocrinologue Elisabet Stener-Victorin, l'une des références mondiales sur le SOPK. D'un côté, les mécanismes physiologiques du syndrome sont mieux connus. Son diagnostic a également été affiné pour devenir plus précis. Enfin, on identifie plus précisément ses menaces pour la santé : c'est notamment le cas des risques cardiovasculaires et des effets sur la santé mentale, encore négligés voici quelques années.

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D'où vient le Sopk ?

On ignore encore à quel point le syndrome prend racine dans les ovaires eux-mêmes, ou dans un dysfonctionnement du système nerveux. En 2023, des experts internationaux ont dressé le bilan des connaissances sur le SOPK pour orienter les médecins sur le sujet. Reste qu'à plusieurs titres, leur rapport peine à apporter des réponses définitives. Ainsi, la nécessité d'adapter le mode de vie des patientes, souvent en surpoids, fait consensus. Mais ce document admet aussi que les données manquent pour savoir précisément quoi recommander en matière d'alimentation et d'activité physique.

Dispositif de "rééquilibrage ovarien"

L'industrie pharmaceutique peut-elle se saisir du sujet et lui apporter de précieux financements ? De petits signes témoignent d'un début d'intérêt, telle une levée de fonds récente par une startup qui promet d'élaborer une réponse à l'infertilité spécifique au SOPK. Ce groupe, May Health, a réuni une vingtaine de millions d'euros, notamment auprès de la banque publique française BpiFrance, pour développer un dispositif de "rééquilibrage ovarien" dont l'efficacité reste à prouver.

Force est de constater que les financements dans ce domaine sont inférieurs à ceux attribués à d'autres pathologies d'incidences comparables, comme la polyarthrite rhumatoïde. Jamila El Bougrini

D'autres groupes suivront-ils ? Le contexte est actuellement porteur pour la santé féminine, avec notamment la forte médiatisation récente de l'endométriose. "Le SOPK représente une population assez conséquente, donc en théorie un marché attractif, d'autant plus qu’il s'agit d'un désert thérapeutique", admet l'analyste financière Jamila El Bougrini, spécialiste du secteur pharmaceutique. "Cela étant dit, force est de constater que les financements dans ce domaine sont inférieurs à ceux attribués à d'autres pathologies d'incidences comparables, comme la polyarthrite rhumatoïde", conclut-elle, soulignant là encore combien les troubles du métabolisme comme le SOPK représentent un défi pour la recherche.

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