Fil d'Ariane
Les femmes ne doivent plus être des victimes. Il est temps qu’elles soient au côté des hommes pour gouverner !
Fati Tauqi, universitaire et féministe
Ses compétences l’ont propulsée à la tête de l’association « 50/50 ». Comme son nom l’indique, l’association milite pour l’égalité parfaite entre les hommes et les femmes, notamment aux postes de pouvoir. « Les femmes ne doivent plus être des victimes. Il est temps qu’elles soient au côté des hommes pour gouverner ! » scande la féministe.
En Sierra Leone, les femmes restent pourtant largement réduites à un statut de victimes. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les taux de violences sexuelles envers les femmes sont très élevés dans le pays. Quant aux données dans les milieux de pouvoir, elles montrent que la parité est un sacré défi. Si les femmes représentent 52% de la population, 15% du parlement sierra-léonais est féminin. Et dans ce pays, divisé en quatorze districts, 19% de femmes se trouvent parmi les conseillers locaux.
« Nous avons des femmes ministres, des femmes députées, des femmes ambassadeurs mais leur nombre reste trop faible ! » s’indigne Fati Tauqi. Pour elle, il y a urgence à travailler à cette égalité au plus vite. Avec les jeunes candidates du concours, la féministe se montre donc la plus intransigeante des jurés.
« C’est quoi ça ? De la langue des signes ? » demande Fati Tauqi à Sybil, une participante de 13 ans. Une question vient d’être posée à cette jeune fille par un membre du jury. Pour lui répondre, l’adolescente fait ‘non’ d’un signe de la tête. « Parle ! » ordonne Fati Tauqi.
Cela fait des jours que Claire et moi marchons. Où allons-nous ? Si seulement nous le savions…
Esther, 14 ans
Parler : Esther n’a pas ce problème. Et lire non plus d’ailleurs. « Cela fait des jours que Claire et moi marchons. Où allons-nous ? Si seulement nous le savions… ». Venue d’un prestigieux collège pour filles de la capitale, Freetown, la jeune fille de 14 ans est pleine d’assurance.
Intonation, déplacement dans la pièce, regards complices avec le jury : tout y est dans sa lecture. Les sourires des jurés trahissent leur futur jugement. « Ta lecture m’a touché droit au cœur ! » s’extasie Fati Tauqi. Depuis le début du concours, c’est la première fois qu’elle montre autant d’enthousiasme face à une candidate.
C’est au tour d’Aminata. Elle porte un t-shirt coloré. Sur celui-ci est inscrit « don’t look at my shoes » soit « ne regardez pas mes chaussures ». Comme un message adressé aux jury et qu’elle ne s’applique pas à elle-même. Certes, ce ne sont pas ses chaussures qu’elle regarde mais elle ne lève pas son nez du livre durant toute la lecture. Face à Fati Tauqi et ses comparses, elle adopte aussi une posture plutôt gauche. Tous les défauts de son interprétation n’échappent pas au jury.
« Tu dois avoir plus confiance en toi ! » lui conseille Charles Hubbard. « Donne-moi de la personnalité ! » assène Fati Tauqi. La jeune fermière leur fait part de ses rêves de prétoire. « Rien n’est impossible, à condition de travailler dur ! » lui assure la féministe.
Aminata ne fera pas partie du trio des gagnantes. Mais elle repart « motivée », prête à figurer parmi les femmes qui feront la Sierra Leone de demain. La vision d’un pays davantage portée par les femmes que partage le gouvernement. Son objectif affiché : que la parité soit effective d’ici à 2030.
Fati Tauqi va elle aussi apporter sa pierre à l’édifice de l’égalité. Dans les locaux de son association, une école pour former les futures femmes leaders est en construction. Ce sera la première du genre en Afrique de l’Ouest.