En Tunisie, le Challat fait son retour... dans le regard percutant de la cinéaste Kaouther Ben Hania
C'était il y a 11 ans, un homme armé d'une sorte d'épée sillonnait les rues de Tunis à la recherche de fesses féminines à mutiler. On l'appelait le Challat (le balafreur ou l'homme à la lame selon les traductions). Il ne fut jamais attrapé. Dans la Tunisie nouvelle, la jeune cinéaste Kaouther Ben Hania s'est emparé du sujet, pour en faire un objet filmique étrange, un docu-menteur, comme elle le qualifie, en salle depuis le 1er avril 2014 en Tunisie. La réalisatrice était à TV5MONDE sur le plateau du 64' pour en parler.
C'est un objet cinématographique non identifié que ce "Challat de Tunis". Un docu-menteur et pas un documentaire, pour reprendre l'expression de Kaouther Ben Hania, c'est à dire un mélange de réalité et de fiction, d'images "vraies" et de dessins animés. La réalisatrice a même fait de ce Challat un personnage plutôt sympathique. Du reste, a-t-il vraiment existé ? Devenu une sorte de légende urbaine en Tunisie comme dans plusieurs pays du Moyen-Orient, il aurait agressé plusieurs femmes tunisiennes de sa lame de barbier, habillées trop légèrement. Le président Ben Ali était au pouvoir, et la cinéaste est certaine que jamais elle n'aurait pu mener à terme une telle oeuvre sous son règne, tant l'affaire montrait une image de la Tunisie contraire au mythe de modernité alors en cours.
Par un curieux hasard, Kaouther Ben Hania est née à Sidi Bouzid, là où tout a commencé avec un l'immolation d'un jeune marchand ambulant, facteur déclenchant de la révolution de jasmin et à sa suite de tous les printemps arabes. Elle place d'ailleurs le début de son histoire fin 2011, après le soulèvement tunisien. En une 1h30, elle y dresse le portrait d'une société tunisienne en pleine effervescence où où le corps féminin reste objet de tabou et de désir. Des spectateurs interviewés ne lancent-ils pas que "cela ne serait pas arrivé si les femmes restaient prudes et voilées" ?
Un défi de réalisation, vu de Tunis, mais pas encore d'ailleurs...
15.04.2014
Où l'on voit, dans un reportage réalisé à Tunis, lors de la projection du Challat de Tunis, que les réactions ne sont pas les mêmes selon que l'on soit femme ou homme. Etonnant, non ?