Âgée de trente ans, Dilek ne supporte plus son mari, Adem Tuncer, en situation de chômage récurrente. Voulant intenter une procédure de divorce, elle décide de quitter le foyer conjugal en compagnie de ses deux enfants. Originaire de Bursa, sa famille les accueille en attendant. De son côté, son mari, Adem, veut se réconcilier avec elle, mais en vain. Un jour, prétextant de voir ses enfants, il sonne à la porte de la famille de Dilek. Armé d’un long couteau, il la poignarde à plusieurs reprises et, pour finir, tranche la tête de la jeune femme.
Certains meurtriers ne sont pas des bouchers aguerris Chaque jour, en Turquie, deux femmes sont assassinées pour les mêmes raisons, sous les mêmes prétextes et à l’arme blanche. Dans ce beau pays, on dirait qu’il existe un rituel de déchiquetage : certaines victimes sont frappées 11 fois, d’autres reçoivent jusqu’à 30 coups de poignard, dont le record en la matière se chiffre à 43 lacérations ! Plus le nombre de coups monte, moins de force il reste à l’assassin pour trancher la gorge de sa victime, ce qui n’est pas une mince affaire. Mais, pour un peuple qui perpétue les rites d’Aid El Kebir, ces hommes savent comment s’y prendre... Cela n’empêche que certains meurtriers ne sont pas des bouchers aguerris et, de ce fait, ils s’y prennent autrement. Ainsi, deux autres femmes sont assassinées quotidiennement par divers procédés. Certaines sont victimes des “crimes d’honneur” : pendues, ensevelies vives ou étouffées par les membres de la famille. D’autres meurent de violence conjugale, soit battues, soit abattues par balles.
Une complaisance “masculine” de la part des administrations Souvent citée en exemple pour son Etat laïc,
la Turquie a permis des avancées notables pour les femmes comme le droit de vote en 1934, bien avant la France (1946) et la Suisse (1971). Les Turques jouissent, non seulement, de l’égalité citoyenne sur tous les plans, mais elles sont protégées et favorisées par une juridiction qui leur donne des avantages. Or, ces mesures ne servent à rien. A chaque meurtre de femme, la presse rapporte un laxisme sinon une complaisance “masculine” de la part des policiers, des procureurs ou des juges qui n’ont pas tenu compte des plaintes déposées par ces femmes persécutées, et, ainsi, les ont presque livrées à leurs assassins. Sans contradiction possible, les statistiques démontrent que les violences faites aux femmes suivent la même courbe que celle de l’islamisation de la Turquie. Pendant les sept premières années du pouvoir AKP, des assassins, tous du genre masculin, ont tué quatre mille cent quatre-vingt-dix femmes dans le pays. Le nombre de victimes de féminicide se situe, pour l’année 2009, à mille cent vingt-six tuées, tandis qu’il était seulement de soixante-six, il y a neuf ans... Et la courbe n’est pas prête de décliner.