Le 13 novembre dernier, Nassera Dutour, membre fondatrice et porte-parole du Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), a reçu le prix Oscar Romero des droits de l’Homme de la Chapelle Rothko à Houston, aux Etats-Unis. Ce prix a été créé en l’honneur de l’archevêque de San Salvador, assassiné le 24 mars 1980, pour s’être opposé à la dictature militaire.
Nassera est née à Marseille
en 1955 et y a vécu toute son enfance. Elle est fille et petite fille
d’immigrés algériens venus en France à la fin des années 40 pour y
travailler.
En 1965, après l’indépendance, ses parents décident de retourner en
Algérie pour « participer à l’effort de construction de leur pays ».
Mais la grande joie du retour au pays de ses parents s’est vite
estompée.
A l’âge de 16 ans ses parents
décident que Nassera sait assez de choses pour arrêter ses études. Elle
se marie à 18 ans avec son cousin avec qui elle a trois enfants puis
divorce après cinq ans de mariage.
En 1984, elle décide de refaire sa vie en France avec l’espoir qu’une fois bien installée, elle pourrait ramener ses enfants. Entre temps le code de la famille entre en application.
A leur majorité, les enfants demandent un visa d’entrée en France. Mais
au bout de deux ans de démarches et trois refus, elle écrit une lettre
aux services des visas à Nantes qui lui répondent en novembre 1996 de
suivre la procédure normale. Deux mois après la nouvelle tombe :
Amine a disparu. Nassera monte dans le premier avion et débarque à
Alger avec l’intime conviction qu’elle allait vite le retrouver.
Au bout de six mois de recherche, Nassera prend conscience de la gravité de la situation et qu’elle n’était pas la seule à faire le même parcours. D’espoir en désespoir, de joies en déception ces mères de disparus s’accrochent au jour le jour à la moindre information ou à la moindre piste de recherche.
C’est ainsi que leurs chemins se croisent dans les commissariats, les casernes et chez les deux rares avocats Maître Tahri et feu Maître Khelili qui ont accepté de les soutenir dans leurs investigations. De ces rencontres naîtra en 1998 l’association des familles de disparus et depuis chaque mercredi elles se rassemblent devant l’Observatoire des droits de l’homme en Algérie pour demander qu’ « on leur rende leurs fils morts ou vifs».