Espace : les femmes prennent leur envol

L’exposition « Space girls, space women »  pose un regard photographique sur l’espace « au féminin ». A travers une série de portraits, l’agence de photojournalisme Sipa et l’Agence spatiale européenne dévoilent des visages de femmes du monde entier, passionnées ou professionnelles de l’espace.
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Exposition "Space girls, space women", à Paris.
©L.Baron/TV5MONDE
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Fatoumata, Ksenia, Samantha, Armelle, Annuradha, … Autant de vies liées par une passion, celle de l’espace. En tout, dix-huit femmes et adolescentes, du monde entier, font l’objet de l’exposition « Space girls, space women » ouverte gratuitement aux visiteurs du 18 juin au 1er novembre à Paris.

Des Etats-Unis à l’Allemagne, des Pays-Bas à l’Inde en passant par la France et la Russie, elles sont astronautes, ingénieures, chercheures, instructrices, étudiantes ou simples passionnées. Trois générations de femmes partagent leur regard sur l’espace au travers de reportages photo réalisés par des femmes photographes de l’agence française Sipa en partenariat avec l’Agence spatiale européenne (ESA).

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Exposition "Space girls, space women" à Paris sur les femmes qui travaille sur l'espace.
©L.Baron/TV5MONDE

Une équipe 100% féminine pour raconter l’espace autrement. Montrer celles que l’on voit peu - ou pas assez - et qui sont encore trop peu nombreuses à nourrir les rangs de la recherche spatiale. Dans le monde, les femmes ne représentent, en effet, qu’un tiers des effectifs des chercheurs, en général, selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO.

Que font les femmes ?

Cette exposition est l’occasion de découvrir quels rôles tiennent les femmes dans ce domaine de recherche souvent méconnu du grand public. Au Chili, l’astronome Koralija Muzic, 33 ans, manoeuvre un télescope. En Inde, Anuradha (étoile en hindi) Tumkur Krishnamurthy, 53 ans, dirige un programme des satellites de communication. A Moscou, Alexandra Tyurina, 31 ans, forme les cosmonautes à l’arrimage de leur engin spatial habité. Mikaela, 13 ans, participe, elle, à un camp d’activités spatiales à Izmir en Turquie.

Mariana Eliano
Au Chili, l'astronome Koralija Muzic manoeuvre un téléscope.
©Mariana Eliano/Sipa/Space girls space women

En France, Fatoumata Kebe, 29 ans et mordue d’astronomie, représente cette nouvelle génération de femmes qui entrent dans le sérail de la recherche spatiale. Son Bac scientifique en poche, elle entame un master en mécanique des fluides à l’Institut Pierre et Marie Curie de Paris. Actuellement, elle écrit une thèse à l’Observatoire de Paris, où elle étudie les débris spatiaux. Comprenez « des déchets de l’activité humaine dans l’espace », c’est-à-dire des bouts de satellites, par exemple, issus d’une collision entre objets.

Son travail ? « Je suis femme de ménage de l’espace ou plutôt technicienne de surface spécialisée dans le nettoyage de l’espace », se plait-elle à dire dans la présentation de l’exposition. Plus précisément, son métier consiste à « étudier la trajectoire des débris sur le long terme et voir comment on pourrait s’en débarrasser. » Avec la multiplication des objets envoyés dans l’espace, son métier va attirer de plus en plus l’attention.

Fatoumata Kebe
Le portrait de Fatoumata Kebe dans l'exposition "Space girls, space women" à Paris.
©L.Baron/TV5MONDE

L’astronomie, elle en rêve depuis son enfance : « quand j’étais petite, je suis tombée sur des images d’étoiles et de planètes. Ça m’a tellement fascinée que j'ai voulu devenir astronome ou, au moins, travailler dans l’astronomie. Avec le temps j’ai commencé à avoir un coup de coeur pour l’environnement. Alors quand je suis tombée sur la thématique  des débris spatiaux, c’était parfait pour moi. C’était la combinaison de l’environnement et de l’espace. » La jeune femme voit dans cette exposition l’occasion idéale de mettre en avant les femmes de science.

Même si dans l’astronomie, les femmes restent peu nombreuses, pour Fatoumata aucune différence n'est faite entre elles et les hommes. « On est là pour revendiquer nos compétences et nos qualités en tant que chercheures. C'est tout. »

Si toutes ces femmes restent (souvent) dans l’ombre, celles qui partent dans l’espace et côtoient les étoiles attirent davantage la lumière. Comme Samantha Cristoforetti de retour sur Terre depuis le 11 juin après 200 jours dans la Station spatiale internationale.

Samantha Cristoforetti
Samantha Cristoforetti de retour sur Terre depuis le 11 juin après 200 jours dans la Station spatiale internationale.
© Martina Cristofani / Magda Rakita / Sipa Press / Space Girls Space Women

L'astronaute italienne vient de finir la plus longue mission pour une femme dans l’espace... malgré elle. Son séjour a été prolongé d’un mois après l’accident du vaisseau cargo Progress.

Depuis l'espace, elle n'a cessé de raconter son quotidien jusqu'à son départ de la Station Spatiale Internationale (ISS).

("Départ matinal en ce jour 200 dans l'espace. Cela a été un incroyable voyage, merci de m'avoir accompagnée ! Maintenant, il est temps de retourner à la maison sur Terre.")

("En dehors du vaisseau Soyouz: je me sens lourde de 500 tonnes et mes gyroscopes internes ont vraiment besoin d'un recalibrage.") 

Samantha Cristoforetti est la première femme européenne envoyée dans l’espace depuis la Française Claudie Haigneré en 2001 et 51 ans après la première femme soviétique.

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C'est d'ailleurs l'envoi dans l'espace de l’astronaute italienne qui est à l'origine de cette exposition qui vise à raconter « des belles histoires qui soient emblématiques », explique le (quasi) seul homme de ce projet, Benoît Delplanque, directeur de production.  Il voulait aller à la rencontre de femmes aux métiers peu ordinaires.
 


Selon lui, impossible de réaliser ces reportages sans les nombreux partenariats noués avec, notamment, l’Agence spatiale européenne (ESA), le Centre national d’études spatiales (CNES) ou encore l’Observatoire de Paris. « On n’aurait pas pu mener cette production sans eux, raconte Benoît Delplanque, car il faut pouvoir accéder à Kourou, entrer dans les centres de recherche et y rester un peu pour tisser des liens avec des femmes sur ces programmes spatiaux qui restent des programmes confidentiels. »

Ces partenariats permettent aussi à l’Agence spatiale européenne de communiquer différemment sur certaines de ses activités et de se rapprocher du public. Les Américains de la Nasa par exemple poussent leurs spationautes à raconter leur vie sur Twitter à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS). Sous couvert de pédagogie, cela ressemble beaucoup à une campagne de communication en direction des Terriens sur l'utilité de toutes ces missions en orbite.

> Lire notre article sur "Vis ma vie d'astronaute, à quoi ça sert ?"

En communiquant différemment, Nasa ou ESA pourraient susciter de nouvelles vocations en montrant ainsi des exemples de femmes qui exercent le métier de leur rêve : « L’ambition de cette exposition, explique Benoît Delplanque est aussi de donner des modèles auxquels tout le monde ait envie de s’identifier.» Pour féminiser un peu ce métier ? Après avoir suivi ce projet d'exposition, Benoît Delplanque a le sentiment que les femmes se lancent aujourd'hui davantage vers la recherche spatiale.


Chacune des scientifiques interviewées y va ainsi de son conseil à de plus jeunes filles qui se résumeraient en : croire en soi, poursuivre sa passion, en bref ne pas hésiter à se lancer dans l’aventure spatiale. « Parfois, en tant que femme, on a le sentiment d’imposture ou on va avoir tendance à se rabaisser. Mais il faut qu’elles croient en elles et doivent tout faire pour y arriver », martèle Fatoumata Kebe, déterminée, qui a notamment trouvé son inspiration dans le parcours d’autres femmes astronautes ou chercheures. Elle a ainsi décidé de fonder l'association Ephémérides qui a reçu un prix de la Fondation de France. "Cela nous permettra d'acheter des téléscopes !", se réjouit-elle.

Le message est lancé. Tutoyer les étoiles n'est une mission impossible pour personne. Ou presque.

Exposition gratuite "Space girls, space women" à Paris

Du 18 juin au 1er novembre.
Sur les grilles du musée des Arts et métiers et de l'Observatoire de Paris.

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