États-Unis : le droit à l'IVG renforcé dans plusieurs États

Alors que Donald Trump fête sa victoire à la présidentielle, un autre enjeu était sur la table lors de cette élection américaine. Des référendums se sont tenus dans dix États sur la question de l'avortement. Si certains, comme l'Arizona ou New York, ont renforcé leur législation en faveur du droit à l'IVG, le "oui" n'est pas passé en Floride – une déception pour les défenseurs de ce droit. 

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Missouri IVG

La joie des militantes en faveur du droit à l'avortement après l'adoption d'un amendement à la Constitution du Missouri, le 5 novembre 2024, à Kansas City. 

©AP Photo/Charlie Riedel
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Le sujet s'était retrouvé au coeur de la campagne présidentielle. Si Kamala Harris s'est placée en protectrice des droits des femmes, son rival Donald Trump avait, lui, déjà profondément remanié la Cour suprême avant que celle-ci ne prenne, à l'été 2022, une décision historique passant la main aux États sur le droit à l'avortement.

Pendant que les électeurs choisissaient leur futur président, des référendums d'initiative citoyenne étaient organisés en parallèle dans le Montana, l'État de New York, l'Arizona, le Missouri, le Nebraska, le Colorado, la Floride, le Maryland, le Nevada et le Dakota du Sud. Parmi ces États, huit d'entre eux avaient interdit l'interruption volontaire de grossesse depuis juin 2022. 

Ces scrutins offraient la possibilité de revenir sur des restrictions ou des interdictions adoptées depuis deux ans, ou alors au contraire de consacrer le droit à l'avortement dans des États où il est resté légal. Le Colorado et le Maryland sont dans ce deuxième cas, et les référendums qui y étaient organisés l'ont emporté, selon des médias américains. 

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Un droit conforté

En Arizona, un État clé pour le résultat du scrutin présidentiel, les électeurs se sont prononcés pour amender la Constitution étatique. La proposition rétablit la possibilité de réaliser un avortement jusqu'à la viabilité du foetus (environ 24 semaines de grossesse) au lieu de 15 semaines actuellement.

Sans surprise, l'État de New York a ​​dit "oui" à la proposition numéro un qui consacre le droit à l'avortement en ajoutant un texte anti-discrimination à la Constitution de l'État. L'avortement est déjà légal à New York, mais cet amendement rend plus difficile toute restriction future. Si cette loi ne contient pas le mot "avortement", elle interdit la discrimination fondée sur "l'issue de la grossesse, les soins de santé reproductive et l'autonomie", précise l'agence de presse américaine Associated Press. 

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Dans le Maryland, où l'avortement est légal, ce droit sera désormais protégé par la Constitution. 

Si dans ces trois Etats démocrates – New York, Colorado, Maryland –, les électeurs ont doc voté pour l’accès à l’IVG. C’est également le cas dans quatre Etats qui sont plutôt de tradition républicaine, le Nevada, l’Arizona, le Montana et le Missouri. Ce dernier fut le premier État à interdire l'avortement (sauf en cas d'urgence médicale). Les électeurs ont approuvé un amendement constitutionnel qui protège ce droit et l'avortement sera désormais possible jusqu'à 24 semaines de grossesse.

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La Floride dit "presque oui"

À l’issue du scrutin, les électeurs ont rejeté des mesures pour une meilleure protection du droit à l’IVG dans seulement trois Etats sur les dix : dans le Nebraska et le Dakota du Sud, une majorité des suffrages s’est prononcée ; en Floride, la majorité de 57 % s’est révélée insuffisante, puisque la Constitution ne peut être amendée qu’avec plus de 60 % des suffrages.

Coup dur pour les défenseurs du droit à l'interruption volontaire de grossesse en Floride, l'État le plus peuplé des États-Unis. L'amendement visait à réinstaurer la possibilité de procéder à un avortement jusqu'à la viabilité du foetus (environ 24 semaines de grossesse)

Mais la limite dans cet État est actuellement de six semaines, soit avant que beaucoup de femmes ne réalisent qu'elles sont enceintes. En cas de viol, d'inceste ou de danger pour la mère, ce délai peut être porté à quinze semaines. Si une personne souhaite avorter avant la sixième semaine, la Floride exige deux visites en personne dans une clinique, à vingt-quatre heures d'intervalle.

Dans cet État, qui a voté majoritairement pour le républicain Donald Trump à la présidentielle, la mesure devait recueillir 60% de "oui" pour être adoptée, soit le seuil le plus haut des dix États américains où des référendums étaient organisés ce 5 novembre.

Les défenseurs de l'amendement espéraient que la Floride, entourée d'États très restrictifs sur la question de l'avortement, puisse redevenir un refuge pour les femmes du sud-est des États-Unis. Mais selon les médias, avec 57% des électeurs se prononçant pour cette mesure, la barre des 60% n'a pas été atteinte.

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"Refus de soins"

Dans un communiqué d'une association anti-avortement, Christina Pena, gynécologue à Miami, s'est félicitée du rejet d'une mesure qui "aurait été désastreuse pour les femmes et les médecins".

À cause d'un seuil élevé de 60% et de la campagne de désinformation de l'Òtat, les électeurs doivent continuer à vivre dans la peur, l'incertitude et le refus de soins. Nancy Northup, présidente du Center for Reproductive Rights.

"Une majorité d'électeurs floridiens a clairement fait savoir ce soir qu'ils voulaient retrouver leurs droits reproductifs. Mais à cause d'un seuil élevé de 60% et de la campagne de désinformation de l'État, ils doivent continuer à vivre dans la peur, l'incertitude et le refus de soins", regrette Nancy Northup, présidente du Center for Reproductive Rights.

Ce résultat constitue le premier échec d'un scrutin direct sur l'avortement aux États-Unis depuis que la Cour suprême a annulé la protection fédérale de ce droit en 2022. Depuis plus de deux ans, le droit à l'avortement l'avait toujours emporté dans les urnes, même dans des États conservateurs comme le Kansas et le Kentucky.

La défaite du combat de Kamala 

Depuis la décision historique annulant l'arrêt "Roe v. Wade", qui garantissait depuis 1973 le droit constitutionnel à l'avortement, les États ont toute latitude pour légiférer dans ce domaine. Une vingtaine d'entre eux ont mis en place des restrictions partielles ou totales.

Tout au long de sa campagne, Kamala Harris a dénoncé les situations tragiques dans lesquelles certaines femmes se retrouvent à cause de ces interdictions ou restrictions. Nombre d'entre elles sont obligées de voyager dans d'autres États pour obtenir un avortement, et certaines ont subi de graves complications, les médecins pouvant craindre d'intervenir en cas de fausses couches ou d'autres problèmes, sous peine d'être accusés de procéder à un avortement illégal.

À trois jours de l'élection présidentielle, des milliers de femmes avaient défilé dans les rues de Washington pour apporter leur soutien à la candidate démocrate.

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Et sous Trump II ? 

Que peut-on attendre du 47e président élu des États-Unis sur le droit à l'avortement ? Durant sa campagne, Donald Trump a adopté une position ambiguë. Tout en se réjouissant d’avoir remis entre les mains des États cette question, il a reconnu que certains "étaient allés trop loin"

Une de The Week

La Une de The Week, le 11 octobre 2024. 

Capture d'ecran

Son épouse, Melania Trump avait, de son côté, publiquement dit son soutien à l'avortement dans ses mémoires. "La liberté individuelle dont dispose une femme lui donne l'autorité d'interrompre sa grossesse si elle le souhaite", écrit-elle. Questionné sur ce point, son mari avait répondu : "On en a parlé, je lui ai dit ‘il faut que tu écrives ce que tu crois, je ne vais pas te dire ce que tu dois faire’".  Quelques mois plus tôt, sur la chaine Fox News, totalement acquise à sa cause, il disait pourtant tout le contraire, estimant que les femmes n'avaient pas "l'indépendance d'esprit nécessaire pour prendre leurs propres décisions".

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Difficile aujourd'hui de rassurer les défenseurs du droit à l'IVG qui ne cachent pas leurs craintes car le nouveau président élu aurait les mains libres d'utiliser son pouvoir présidentiel pour limiter l’accès à la pilule abortive utilisée pour les avortements médicamenteux. 

Peu avant sa victoire écrasante, celui qui, il y a quelques années "incitait à prendre les femmes par la chatte", pour reprendre ses propres mots, a fait la promesse que son administration serait "formidable pour les femmes". Reste à savoir ce qu'il entend par formidable...

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