Etats-Unis : Nancy Pelosi, troisième personnage de l'Etat

Nancy Pelosi conserve la présidence de la Chambre des représentants américains, après une réelection plutôt serrée. A 80 printemps, elle reste le troisième personnage de l'Etat. Elle fut la plus fervente opposante à Donald Trump, on lui doit l'ouverture d'une enquête pour destitution dans l'affaire ukrainienne, qui finalement n'avait pas abouti. 
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Nancy marteau
©Bill Clark/AP
Nancy Pelosi brandit le marteau et reste au perchoir, comme "speaker", tout juste réélue présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Washington, le 3 janvier 2021. 
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nancy pelosi
©AP Photo/J. Scott Applewhite
La démocrate Nancy Pelosi, 78 ans, élue cheffe de la majorité à la Chambre basse, retrouve son statut de femme la plus puissante de la politique américaine.
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On entendrait presque la musique du générique de la série américaine House of Cards, ponctuée par le bruit de talons aiguilles de Claire Underwood claquant sur le marbre des couloirs de la Maison Blanche. Si des bruits d'escarpins résonnent bel et bien mais dans les couloirs du Capitole, ce sont ceux de Nancy Pelosi, star démocrate rompue aux rouages de la nébuleuse politicienne de Washington.

A 80 ans, elle est une figure devenue incontournable, voire indétrônable, de la scène politique américaine. Mais la démocrate Nancy Pelosi a eu chaud. Réélue, mais de justesse, lors de la première session de travail du 117e Congrès américain, dimanche 3 janvier 2021, elle est reconduite comme "speaker" (oratrice, ndlr) pour les deux ans à venir. L’élue de Californie a obtenu 216 voix contre 209 pour son rival républicain Kevin McCarthy. Tous les élus républicains présents ont voté pour ce dernier, tandis que cinq élus démocrates n’ont pas donné leur vote à Nancy Pelosi. Elle emmènera derrière elle une courte majorité à la Chambre, rétrécie après les élections de novembre dernier.
[Notre travail #ForThePeople continue, même face à cette crise sans précédent. ]
 
Les 435 sièges des élus de la chambre basse ont été en partie renouvelés en même temps que le scrutin présidentiel. La Constitution prévoit qu’un nouveau Congrès prête serment tous les deux ans le 3 janvier, d’où cette rare session pendant un week-end. 

Les nouveaux arrivants à ce 117e Congrès de l’histoire des États-Unis sont au nombre de 59, dont par exemple la démocrate Nikema Williams et, à l’autre extrémité de l’échiquier politique, la représentante républicaine Marjorie Taylor Greene, favorable au mouvement conspirationniste QAnon, toutes deux élues de Géorgie.

Bras de fer avec Donald Trump

Le 3 janvier 2019, lors du 116e Congrès américain (435 nouveaux élus à la Chambre des représentants, désormais contrôlée par les démocrates dont un record d'élues femmes retrouvez ici notre article> Elections de Midterms aux Etats-Unis : les femmes font la différence), Nancy Pelosi obtenait 220 voix, contre 192 pour le candidat des républicains, qui était déjà comme en 2021, Kevin McCarthy. 
 
Promettons que lorsque nous ne serons pas d’accord, nous nous respecterons et nous respecterons la vérité.
Nancy Pelosi
"Nous ne nous faisons pas d’illusions, notre travail ne sera pas facile, a-t-elle déclaré , Mais promettons que lorsque nous ne serons pas d’accord, nous nous respecterons et nous respecterons la vérité." Elle prête serment entourée de ses petits-enfants et des enfants d’autres élus venus assister à la cérémonie.

Ce vote sonnait alors  comme une belle revanche. La démocrate avait été la première femme à occuper le perchoir en 2007 et ce jusqu'en 2010.
nancy with journalists
Nancy Pelosi, le 2 janvier 2019, face à une meute de journalistes, à l'issue de son entrevue avec le président Trump, à la Maison Blanche (Washington, Etats-Unis)
©AP Photo/Evan Vucci

Sans doute quelque peu jaloux de ne pas être au centre de toutes les attentions depuis quelques heures, c'est en tout cas ainsi que les médias l'ont interprété, Donald Trump n'avait alors pas hésité à faire irruption alors que Nancy Pelosi donnait sa première conférence de presse, officiellement pour la féliciter ... 

"Madame Speaker"

"Personne n'a jamais gagné en pariant contre Nancy Pelosi", affirme sa fille, Alexandra sur CNN. "Elle est du genre à vous arracher la tête sans que vous vous rendiez même compte que vous saignez", ironise-t-elle.

Donald Trump et Nancy Pelosi n'en étaient pas à leur première joute. Le républicain en avait fait un épouvantail lors de sa première campagne électorale, qu'il cite à l'envi pour dénoncer l'establishment démocrate et les maux de Washington. D'autres conservateurs dénoncent l'"arrogance" de cette épouse d'un homme d'affaires millionnaire.

Dans ses rangs mêmes, cette habituée des rouages de la politique a reçu de rudes critiques lors des élections parlementaires, lorsqu'une jeune garde progressiste a renié son autorité en allant jusqu'à jurer de ne pas voter pour elle comme "speaker". Mais en acceptant de limiter la durée de son mandat et en distribuant plusieurs postes à responsabilités, elle a su finalement convaincre un nombre suffisant de rebelles.
 

Je ne me sens pas forcément haïe. Je me sens respectée. On ne me critiquerait pas si je n'étais pas efficace.
Nancy Pelosi
"Je ne me sens pas forcément haïe. Je me sens respectée. On ne me critiquerait pas si je n'étais pas efficace", a-t-elle confié dans un entretien au magazine Elle.

"Je me vois comme une législatrice experte", notamment en grande partie responsable du passage houleux de la grande réforme de la santé de Barack Obama, et qui sait aussi facilement lever des millions de dollars pour les candidats démocrates aux élections parlementaires. "C'est pour ça que les républicains me craignent", lache-t-elle. Interrogée sur son rôle en tant que femme politique et d'exemple à suivre, elle répond: "Je dis tout le temps aux femmes: ce n'est pas un jeu sans gain. Le succès d’une femme n'empêche pas celui des autres. C’est l’inverse. Le succès de chaque femme aide d’autres femmes. "

Une modérée qui défend l'IVG et les minorités

Nancy Pelosi, à la tête de sa majorité, a tenté de bloquer le programme du président Trump. Parmi les batailles qu'elle a menées, on retiendra notamment celle contre le mur à la frontière mexicaine censé endiguer l'immigration clandestine.

[@realdonaldtrump a donné aux démocrates une excellente occasion de montrer comment nous gouvernerons de manière responsable et que nous adopterons rapidement notre plan visant à mettre fin à l'irresponsable #TrumpShutdown - juste le premier signe de l'avenir de notre nouvelle majorité démocratique résolue à travailler pour le peuple]

L'un des moments les plus commentés et emblématiques de son combat contre Donald Trump fut sans-doute celui où elle a déchiré le discours de Trump en direct devant les caméras de télévision. Accusée de manque de respect, elle a plus tard défendu cette décision, qualifiant ses propos de "contre-vérités manifestes". 
 


Mais parmi ses nombreux faits d'armes anti-Trump, le plus important restera sans nul doute l'annonce de l'ouverture d'une enquête en vue d'une destitution (empeachment, ndlr) sur les soupçons de collusion entre l'équipe de campagne du milliardaire et la Russie lors de la campagne présidentielle de 2016. "Il y a assez de preuves pour destituer le président.",  lançait-elle, dimanche 12 janvier 2019, lors d’une interview sur la chaîne ABC. D’une durée de deux semaines, le procès en destitution de Donald Trump devant le Sénat aboutit finalement à son acquittement, le 5 février 2020.

Une modérée pro-minorités et pro-IVG 

Considérée comme une modérée dans sa circonscription de San Francisco, elle défend avec ferveur la protection des minorités sexuelles et du droit à l'avortement.

Mère de cinq enfants, Nancy D'Alesandro est née le 26 mars 1940 à Baltimore dans une famille italo-américaine catholique. Son père et son frère ont été maires de cette grande ville. Diplômée du Trinity College de Washington, elle s'installe ensuite à San Francisco avec son époux, Frank Pelosi, qui fait fortune. C'est en 1976 qu'elle entre en politique, utilisant ses anciennes relations familiales pour aider le gouverneur de Californie Jerry Brown à remporter la primaire du Maryland alors qu'il se présentait à la présidence. Elle a ensuite gravi les échelons du Parti démocrate de l'État, devenant finalement sa présidente. Parce qu'elle représentait une ville où vit une importante communauté gay, elle a fait de l'augmentation du financement de la recherche sur le sida une priorité. Elle gravit ensuite peu à peu les marches du parti démocrate et remporte à 47 ans sa première élection à la Chambre. Elle s'illustre aussi comme l'une des opposantes les plus virulentes à l'invasion américaine en Irak. En 2003, elle devient la patronne de la minorité démocrate.

Pour réussir dans le monde politique américain, dit-elle, il faut être capable de "prendre des coups". En voici l'un d'eux : les révélations du journal Hawaii reporter racontent ses vacances de Noël passées dans une suite de luxe d'un hôtel à 10 000 dollars de l'archipel. Le journal ajoute quelques détails "Le Four Seasons Resort Hualalai décrit son site luxueux et ses aménagements luxueux sur son site Web: «Glorieusement revitalisé, ce paradis tropical naturel offre plus que jamais à explorer - avec un spa récemment agrandi, des restaurants en bord de mer, des boutiques de mode et de nouvelles suites de luxe, en plus de Signature de Jack Nicklaus. Situé sur la côte exclusive Kona-Kohala de Big Island, ce complexe hôtelier saisit l'essence du design, de la culture et de la tradition hawaïennes." Le même article relate aussi des vacances "dispendieuses" de la famille Obama dans la région.

Sur Twitter, d'autres internautes s'amusent du choix de la démocrate comme speaker, en la voyant à la fois en Mary Poppins, volant dans le ciel accrochée à son parapluie ...

Aujourd'hui reconduite à son poste, à l'aube de l'ère post-Trump, certain.e.s n'hésitent pas à lui déclarer encore leur admiration sans faille...

[L'un des plus grands stratèges politiques de notre pays.
Il m'a fallu beaucoup de temps pour respecter pleinement et faire confiance à @SpeakerPelosi. Elle continue de gagner les deux ]


Mais comme on peut le lire sur le site de la BBC, "Avec Kamala Harris sur le point d'être la première femme vice-présidente du pays, Pelosi ne peut plus revendiquer le rôle de la femme la plus puissante de la politique américaine".