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"C'est officiel", s'est réjoui mercredi le centre d'études spécialisé Center for American Women and Politics (CAWP), "nous avons battu le record de femmes nommées sous la bannière de grands partis pour la Chambre".
Les élections primaires début août 2018 aux États-Unis ont finalement porté au nombre de 185 les femmes candidates aux élections de mi-mandat (midterms) au Congrès américain, en novembre prochain. Un chiffre qui pourrait encore augmenter avec les primaires restantes à venir.
Cette "vague rose" (pink wave), comme l'appellent certains médias américains, survient après une année marquée par le mouvement #MeToo et la défiance envers le président Donald Trump, dont l'élection a été un signal d'alerte et d'engagement pour de nombreuses candidates : "L'élection du président Trump a retenti comme un signal d'alarme pour les femmes à travers le pays", a lancé Rashida Tlaib, après sa victoire à des primaires démocrates mardi 7 août, dans une circonscription du Michigan quasi-acquise à son parti.
"Autre record. 2018 compte le plus de femmes nommées pour les élections à des postes de gouverneur.e", avec au moins onze candidates après les primaires, a ajouté l'organisme indépendant CAWP sur Twitter. "Le précédent record, établi pour la première fois en 1994, était de dix". A l'époque, c'était Bill Clinton qui présidait aux destinées des Etats-Unis...
It's official. With polls closed in KS, MI, MO, we've broken the record for women major party nominees for U.S. House in any year.
— CAWP (@CAWP_RU) 8 août 2018
The previous record was 167. With 5 women candidates unopposed and one all-female primary, we've hit 168 tonight with possibly more to come. pic.twitter.com/KGwEm18AIq
Les victoires de Gretchen Whitmer dans le Michigan et Laura Kelly au Kansas, toutes deux démocrates, en sont des exemples frappants. Whitmer, par exemple, se présente avec trois colistières. Les démocrates sont, pour le moment, optimistes pour la victoire en novembre, le bilan plutôt mauvais de l’ancien gouverneur Rick Snyder, en poste depuis huit ans ne faisant pas l’unanimité.
Dès le 1er juin, le plafond avait été dépassé pour les candidates au Sénat américain, avec 42 femmes ; 24 démocrates et 18 républicaines ; contre 40 en 2016, toujours selon le CAWP.
Et pas question cette fois de reléguer systématiquement les candidates dans des élections perdues d'avance, histoire de se donner bonne figure. Les candidates sont "en plus en lice dans certaines des courses les plus serrées de ce cycle" électoral, écrivait alors la directrice du CAWP, Debbie Walsh.
Nous devons vraiment nous présenter aux élections et exiger d'avoir notre place à la table, parce qu'il est évident que tout le reste s'effondre.Rashida Tlaib, candidate Démocrate du Michigan
Les élections du 6 novembre attribueront les 435 sièges de la Chambre des représentants, 35 sièges de sénateurs sur 100 ainsi que les postes de gouverneurs de 36 États.
Portraits de quelques unes de ces pionnières.
"C'est comme si nous nous étions dit: ‘C'est notre heure, nous devons avancer et nous ne pouvons plus rester hors du ring. Nous devons vraiment nous présenter aux élections et exiger d'avoir notre place à la table, parce qu'il est évident que tout le reste s'effondre’", a confié sur CNN mercredi 8 août Rashida Tlaib, cette quadragénaire qui devrait devenir la première musulmane, et la première Américano-Palestinienne, à entrer à la Chambre des représentants.
En effet, elle se présentera sans adversaire en face d’elle en novembre prochain, ce qui garantit sa victoire. Elle succédera officiellement en janvier 2019 au démocrate John Conyers, 89 ans, poussé à la démission par des accusations de harcèlement sexuel après avoir passé plus d'un demi-siècle au Congrès.
En août 2016, Rashida Tlaib s’est fait connaître en interrompant un meeting du candidat Donald Trump à Détroit. “Nos enfants méritent mieux”, avait-elle lancé, avant d'être expulsée de la salle par le service d'ordre. “J'ai fini au poste. C'est bon. C'était la chose la plus américaine que je pouvais faire”, a-t-elle raconté à CNN.
Désormais, la police américaine y regardera à deux fois, sans doute, avant de l'arrêter. "Le 13e district voulait une combattante et ils en ont une. Je suis très humblement touchée par la confiance que les familles de travailleurs ont placée dans ma promesse de m'attaquer aux intimidateurs du monde de l'entreprise et dans celle d'élaborer des politiques qui nous permettent à tous de prospérer. Je ne vous décevrai pas." a-t-elle tweeté à ses électeurs au lendemain de sa victoire.
The 13th District wanted a fighter and they're getting one. I am so humbled by the trust working families have put in my pledge to take on the corporate bullies and make policy that allows us all to thrive. I will not let you down. pic.twitter.com/Zj1zCH3DIp
— Rashida Tlaib (@RashidaTlaib) 8 août 2018
L'avocate défend un programme résolument progressiste qui va de l'égalité salariale femmes - hommes à l'université gratuite, en passant par la santé publique, les droits LGBT, l'abrogation du décret migratoire de Donald Trump ou la protection de l'environnement. Un programme aux antipodes de celui du 45e président américain.
Ce mouvement progressiste démocrate a permis à de nombreuses femmes de se présenter et de gagner leurs primaires. Comme Rashida Tlaib, plusieurs candidates bien parties pour remporter un siège sont issues de minorités encore sous-représentées au Capitole.
C'est le cas d'Alexandria Ocasio-Cortez, jeune Hispanique déjà devenue, à 28 ans, grande figure de l'aile progressiste démocrate depuis sa victoire surprise à une primaire de New York en juin, qui pourrait devenir la plus jeune élue au Congrès américain.
"Forte, Résistante, Indigène", peut-on lire sur le tee-shirt que porte Sharice Davids sur sa vidéo de campagne. Amérindienne, gay, avocate et anciennement championne d'arts martiaux mixtes (MMA), la jeune femme a remporté elle aussi sa primaire sur les terres conservatrices du Kansas.
Il est évident que Trump et les Républicains à Washington s'en fichent de moi et de ceux qui me ressemblent ou de tous ceux qui ne pensent pas comme eux.Sharice Davids, candidate Démocrate du Kansas
"C'est dur d'être une femme ici", dit-elle dans son spot qui la montre en pleine séance d'entraînement. "Et il est évident que Trump et les républicains à Washington s'en fichent de moi et de ceux qui me ressemblent ou de tous ceux qui ne pensent pas comme eux". Elle a battu cinq autres candidats Démocrates, dont Brent Welder qui avait pour soutien deux stars de la gauche progressiste, le Sénateur Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez.
“Avoir des personnes LGBT qui participeront aux prises de décission de ce pays va changer les choses", a indiqué Sharice Davids au NY Times. "Je pense que c'est important que les vies, et les points de vue des personnes LGBT soient inclues dans les décisions qui nous affectent tous." En plus du nombre record de femmes candidates, il est important de signaler le nombre record de candidats LGBT.
"Aux milliers d'entre vous qui m'avez tendu la main au cours des dernières 24 heures : merci. Et WOW ! C'est votre passion, votre excitation et votre énergie qui changeront le visage de la politique du Kansas et apporteront de réels progrès en novembre prochain." a-t-elle dit pour remercier ses partisan.es.
To the thousands of you who have reached out in the past 24 hours: thank you. And WOW! It is your passion & excitement & energy that will change the face of Kansas politics & bring real progress to #KS03 this November. 1/3 pic.twitter.com/5XZ5WhMRkw
— Sharice Davids (@sharicedavids) 9 août 2018
Donald Trump et les autres milliardaires devraient considérer cette victoire comme une mise en garde.Debra Haaland, candidate Démocrate du Nouveau Mexique.
"Ce soir, le Nouveau Mexique est entré dans l'Histoire" a déclaré Deb Haaland lors de son discours après la primaire. Elle a parlé de "victoire pour la classe prolétaire, une victoire pour les femmes, et une victoire pour tous ceux qui ont été mis de côté par les milliardaires." Elle a rajouté un message direct à la Maison Blanche : "Donald Trump et les autres milliardaires devraient considérer cette victoire comme une mise en garde ."
Il y a 23 tribus indigènes au Nouveau Mexique selon le département d'état des affaires indiennes. Ils représentent environ 10% de la population totale.
Aucune amérindienne "n'a jamais été élue au Congrès américain", souligne le CAWP. Les sondages donnent Debra Haaland gagnante en novembre.
Anciennes combattantes, enseignantes, économistes ou serveuses, ces candidates se présentent au coeur de la présidence de Donald Trump, qui avait été accueillie à la Maison Blanche par une manifestation historique de défense des droits des femmes, la Women's March, en janvier 2017.
A retrouver dans Terriennes :
> Aux Etats-Unis et ailleurs, les femmes marchent pour défier Donald Trump
Cette vague de femmes ponctue également plusieurs mois tourmentés par les accusations en cascade de harcèlement et de viol contre des personnalités, du cinéma, des médias et de la politique.
Mais avec 24% de candidates déclarées pour la Chambre cette année et 20% seulement d'élues au Congrès, la parité reste loin d'être atteinte. Et l'élan n'est pas le même dans les deux partis, avec 42 Républicaines et 143 Démocrates sur les 185 candidates à la Chambre.
Lors d'un débat sur Twitter mercredi, l'association indépendante She Should Run, poussant les femmes à se présenter, a toutefois jugé que l'effet 2018 était là pour durer : "Nous en verrons les répercussions dans les vingt prochaines années, avec des petites filles grandissant en pensant qu'elles peuvent aussi se présenter aux élections".
A6: We will see the ripple effects of this in the next twenty years with little girls growing up believing they can run for office too. (4/4) #90toMT #SheShouldRun
— She Should Run (@SheShouldRun) 8 août 2018
À retrouver dans Terriennes :
> Alexandria Ocasio-Cortez, le nouveau phénomène politique des États-Unis
> Ces cinq Américaines, élues le 8 novembre 2016, qui nous font oublier Donald Trump
> Linda Sarsour, de la Women’s March à la défense des migrants, icône malmenée des droits civiques aux Etats-Unis
> #Metoo, contre les violences sexuelles, partout les femmes passent à l'offensive