Vous êtes nombreux et nombreuses, issu-e-s de cette génération, aujourd'hui, et pourtant rien de particulier n'est mis en place pour s'adapter à vous ? R.M : C'est vrai, alors que nous sommes une génération unique dans l'histoire : nous sommes les premiers à atteindre cet âge sans avoir connu de guerre, nous avons vécu les trente glorieuses (
période de forte croissance économique entre 1945 et 1973, ndlr), une jeunesse extraordinaire, avec la découverte de plein de choses. Les études étaient bien plus faciles à aborder, nous avons pu faire des choix et dire "je veux". Nous avons découvert la liberté sexuelle, alors que nous avions 25 ans. Pas une sexualité désordonnée, mais libre.
En parlant de sexualité, c'est quelque chose qui est aboli et tabou en maison de retraite, non ? R.M : Oui, et c'est un grand tort. La sexualité continue jusqu'à la fin de la vie, et il faut des rencontres, des couples.
Le projet "libres jusqu'au bout" dans lequel vous vous lancez, est-il justement là pour trouver une issue à toutes ces problématique ? R.M : Le but du
site web est d’arriver à réunir des gens pour créer un lieu de vie. Un lieu de vie où nous serons totalement indépendants les uns des autres, sans obligation collective. Ce n'est pas l'équivalent des “
Babayagas” : on veut des hommes avec nous (
les Babayagas veulent vieillir entre femmes, ndlr.
Nous voulons continuer à vivre ensemble dans un même lieu, parce qu'on n’est plus très jeunes et qu'on peut avoir besoin d'un voisin qui est disponible et qui vit quelque chose de similaire. Il faut que l’on trouve un lieu existant, à aménager. Pour permettre à 5 ou 6 foyers de vivre ensemble. C’est un immeuble ou tout type de lieu qui conviendra. Les gens qui y vivront ont la même problématique : celle de l’âge, d’être seuls… Ce ne sera pas un ghetto, comme ça peut l’être aux Etats-Unis, parce que ce ne sera pas un village de retraités, ce sera une construction existante, au milieu du reste. Rien n’empêche que des étudiants puissent venir louer des chambres, par exemple. Les gens qui se retrouveront là se choisissent. C’est un lieu de retraités autogéré.
Qu'est-ce que vous aimeriez dire aux femmes comme vous, qui atteignent l'âge de la retraite et doivent faire face à cette période de leur vie très particulière ? RM : En fait, ce qui me semble important, ce n'est pas ce que je pourrais leur dire, mais plutôt poser la question “
comment peuvent-elles se parler entre elles ?” Je pense qu’un site qui leur est dédié est un bon début, mais pas seulement pour les femmes. La présence d’hommes est très importante, c’est un équilibre.
Il faut faire changer les structures, il faut résister. Moi-même je suis devant ce problème. Il faut étendre l’idée : il y a des pays comme la Belgique, la Hollande qui ont commencé des démarches dans ce sens. Je crois qu’il y a une très belle maison à Bruges de personnes âgées qui se sont réunies par choix.