Etre ou ne pas être YouTubeuse, telle est la question que les filles se posent

Le phénomène des Youtubeuses prend de plus en plus d’ampleur. Au point d’intéresser également les salons et les méga rencontres dans la vie réelle. Ainsi Get Beauty à Paris, un sujet aussi économique que sociétal...

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Emma CakeCup
Emma CakeCup, idole youtubeuse, qui dans sa dernière vidéo postée sur youtube le 24 mai 2016 parle de "l'odeur de ses pets", après une question posée par l'une de ses fans - sans commentaire
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On hésite presque à ponctionner 2 minutes de l’attention de nos lectrices et lecteurs pour leur parler de l’événement qui a surexcité tout un pan des réseaux sociaux francophones. On aurait pourtant tort d’avoir des scrupules, car l’événement est très symptomatique de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. On parle ici du salon des YouTubeuses, Get Beauty qui a eu lieu à Parisle 28 mai dernier. Mot-clé sur Twitter, #GetbeautyParis.
 

Malin parmi les futés, le Huffington Post joue franc-jeu : « Un rassemblement de YouTubeuses à Paris ? Le HuffPost devait forcément s’y rendre. Mais comment parler d’un sujet que l’on ne connaît qu’à peine ? En demandant à un expert bien sûr. Et en l’occurrence, le meilleur spécialiste de mon répertoire est une cousine nommée Adèle, 1m48, onze ans et demi, et surtout des heures de vidéos lifestyle, beauté et humour visionnées chaque semaine sur YouTube. Comme la plupart des filles de son âge, en fait ».

Où l’on apprend donc, en introduction, que l’une des activités préférées des adolescentes de ce début de XXIe siècle est de visionner ces vidéos YouTube qui propulsent en majesté toutes ces jeunes filles qui tiennent salon numérique à l’enseigne des conseils beauté, de maintien, d’attitudes et autres petits trucs. Les héroïnes d’Adèle ont nom Horia, Sananas, Emma Cake Cup. Vous n’en connaissez aucune, ce n’est pas grave, Youtube est là pour vous.

Ainsi Horia, une vraie petite guêpe ironico-bienveillante qui, dans une vidéo de 4 minutes 28 secondes nous explique tout des filles et de ce qu’il faut pour les comprendre :
 


Et si ce sont les garçons qui vous plongent dans la perplexité, pas de problème, Horia y a pensé aussi :
 


BFMTV précise : « Inspiré du 'Beauty Con', son équivalent américain, cet événement installé sur 10 000 m2 au Parc Floral permet aux adolescentes de rencontrer en chair et en os leurs idoles qui cumulent des millions d’abonnés sur les réseaux sociaux […] Surfant sur le succès des 'meet-up' (les rencontres entre ces starlettes et leur communauté), le salon, sponsorisé par des marques de cosmétiques, est organisé par Finder Studios (filiale du groupe de production Makever), qui rassemble dans son réseau une trentaine des plus populaires youtubeuses beauté. L’an dernier déjà, quatre youtubeuses du réseau Finder avaient fait une tournée dans plusieurs grandes villes, réunissant à chaque fois plusieurs milliers de fans, venues parfois de très loin. »

On y apprend également que « Sur les plus de 500 millions de vidéos vues chaque mois dans le secteur lifestyle, seules une poignée de chaînes françaises dépassent le million d’abonnés : EnjoyPhoenix (2,4 millions), Horia (1,2 million), Sananas (1,1 million) et EnjoyVlogging, la chaîne de vlogs d’EnjoyPhoenix (1,2 million). »

Pour celles et ceux que ce tourbillon de noms et de concepts fait tourner la tête, la chaîne d’information en continu a pensé à tout en nous livrant un lexique pour comprendre les YouTubeuses, où plus rien de ce que sont une opération 'empty products', un 'swap', un 'haul', un 'vlog', une 'Morning routine', un 'GRWM' ne vous sera désormais étranger.

Oui, être YouTubeuse est un monde, et ce monde a son langage… Oui, être YouTubeuse provoque des émois et les clameurs sont son moyen d’expression 'irl', dans la vie réelle. En témoigne le magazine Paris Match qui a délégué un grand reporter familier du terrain, Catherine Schwaab, pour mesurer la température du salon : « Samedi, on sursautait périodiquement en entendant soudain des hurlements et des clameurs quand apparaissait sur un des podiums roses la blogueuse tant attendue. Les plus populaires : Sananas, Horia, Emma CakeCup, Shera, Mademoiselle Gloria, The Doll Beauty, Wild Pastel, Safia Vendome, Léa Jenesuispasjolie (jnspj pour les initiées), Clara Channel… Pardon si j’en oublie. Mais quand vous débarquez dans cet immense hall, vous perdez pied, partagé entre effarement et ravissement. Ces ados – certaines ont 10-12 ans- ont l’idolâtrie bruyante et en même temps une timidité touchante. Elles sont 'insecure' et pleines d’audace

Quant au journal Le Monde, il se livre lui aussi à une profonde immersion sur le terrain – qui vient donner ses lettres d’or à ce phénomène numérique – pour comprendre du haut de sa rubrique économique, ce nouvel écosystème médiatique.: « Dix mille ados se sont pressées au premier événement consacré aux jeunes filles les plus populaires du site de vidéos en ligne. Un nouveau star-system qui dépasse le Web. » constate Morgane Tual. Qui cite abondamment des parents présents au salon et qui livrent leur analyse : « Il y a une ferveur pour ces youtubeuses, une impatience, c’est fascinant ! Qu’est-ce qui nous fascinait, nous ? Les chanteurs, les acteurs… Ces youtubeuses, avec leurs ordis, elles sont devenues des stars. Ma fille a des étoiles dans les yeux, et c’est le plus important. C’est une passion qu’elle vit avec ses meilleures amies, ce sont de bons moments, des souvenirs. »

Toute à son immersion, Morgane Tual conclut : « Parmi les jeunes filles rencontrées, toutes ont déjà 'fait semblant' de réaliser leurs propres vidéos, équipées d’un téléphone ou d’une caméra, comme on joue à la marchande. Certaines ont franchi le pas, et ont publié les leurs sur YouTube. Plus rares sont celles qui envisagent de se lancer sérieusement. Mélody est de celles-là. Contrairement à la plupart des autres, elle est venue ici à la recherche de conseils, et s’apprête à suivre une conférence pour apprendre à 'créer sa chaîne YouTube et optimiser son audience'. Objectif : réussir à vivre de cette passion. Mais il lui reste encore beaucoup à apprendre : «Je veux savoir comment bien faire, quelles sont les erreurs à éviter. J’ai fait des essais, je ne suis pas encore contente, il faut que je travaille la voix.» Elle doit aussi s’initier au montage, et surtout, s’équiper de matériel de qualité. Mélody est consciente que, contrairement aux débuts du phénomène, il n’est plus possible de 'bricoler' une vidéo avec un simple téléphone, pour se faire une place au milieu de celles qui sont déjà devenues des professionnelles. Un projet qu’elle sait ambitieux : « Cet été, j’investis .»

Vous aviez cru être à la rubrique Lifestyle ? Vous vous trompiez : c’est le service Economie qui est à la manœuvre.

Article original paru sur le site de notre partenaire Le Temps à retrouver > ici