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C'est à son équipe féminine que l'Angleterre doit son premier trophée de football depuis des décennies ! La victoire historique des "lionnesses" contre l'Allemagne en finale de l'Euro 2022 est aussi l'apothéose d'une compétition qui révèle des progrès spectaculaires : interdit pendant cinquante ans en Grande-Bretagne, le football féminin reprend ses droits.
C'est au pays berceau du foot que s'est joué, du 6 au 31 juillet 2022, la treizième édition de l'Euro féminin. Au total, 16 équipes féminines se sont affrontées dans les stades anglais pour décrocher la Coupe européenne. Âpre, disputée, tactique, la finale a offert à l'Angleterre son premier trophée féminin, contre l'Allemagne (2-1 a.p.), ce 31 juillet 2022 à Wembley, devant une affluence record.
Grâce à son équipe féminine, l'Angleterre brise enfin sa longue attente, depuis le Mondial-1966, remporté par les hommes : "Football's coming home" ("Le football rentre à la maison"), l'hymne officieux des sélections nationales peut enfin être chanté sans ironie. "Dans tout le tournoi, on a eu tellement de soutien de nos fans", a souligné la coach Sarina Wiegman après le match.
No, you weren't dreaming!
— The Sun Football (@TheSunFootball) August 1, 2022
This was the moment England lifted their first major trophy since 1966! #WEURO2022 #Lionesses #ENG pic.twitter.com/yOlG3PWpUK
La liesse de la victoire gagne aussi la Couronne : "Votre réussite va bien au-delà du trophée que vous avez si bien mérité. Vous avez toutes montré un exemple qui sera une source d'inspiration pour les filles et les femmes d'aujourd'hui et pour les générations futures", écrit la reine Elizabeth II dans un message de félicitations.
Queen Elizabeth: "The Championships and your performance in them have rightly won praise. However, your success goes far beyond the trophy you have so deservedly earned. You have all set an example that will be an inspiration for girls and women today and for future generations pic.twitter.com/E88VcGZEfY
— The Football Culture⚽ (@m59173145) July 31, 2022
Infligeant aux Allemandes leur première défaite en finale d'un Euro, elles qui ont remportés 8 des 13 éditions, les "lionnesses" d'Angleterre ont achevé de conquérir le cœur d'un pays qui s'est progressivement pris au jeu. Trois ans après un Mondial-2019 en France, qui avait déjà concrétisé la trajectoire ascendante des femmes dans le football, et malgré la pandémie de Covid-19, l'Euro anglais se termine sur un succès incontestable.
Un succès populaire, d'abord, comme le prouvent les 87 192 spectateurs dans les tribunes, soit largement plus que le record pour un match de l'Euro masculin – 79 115 pour la finale de l'édition 1964 entre l'Espagne, pays-hôte, et l'URSS. L'affluence totale de cet Euro, avec 574 875 supporters présents dans les stades, pulvérise aussi la meilleure marque pour la compétition continentale féminine, il y a cinq ans aux Pays-Bas avec 247 041 spectateurs. Des chiffres qui révèlent le développement spectaculaire du football féminin.
The wettest limbs you'll ever see!
— The Sun Football (@TheSunFootball) August 1, 2022
England fans dance in the fountain at Trafalgar Square to celebrate winning #WEURO2022 #Lionesses pic.twitter.com/eCvlLx9DOd
"La pratique du football est complètement inconvenante pour les femmes et ne doit pas être encouragée", voilà ce que décrètait la Fédération anglaise de football en 1921. Ce jour-là, "La Fédération interdit de fait à tous les clubs affiliés de prêter leur terrain aux équipes de femmes, ou de leur procurer toute assistance technique ou humaine" précise Laurent Grün, enseignant à l'université de Lorraine dans sa tribune Il y a 100 ans, les femmes anglaises étaient privées de football publiée dans Libération. "Le 'ban' est une marque d’ostracisme spectaculaire qui frappe les footballeuses de plein fouet. Alors même que la pratique connaît dans le pays un essor remarquable", ajoute l'historien. L'équipe d'Angleterre féminine était même l'une des équipes les plus anciennes de l'histoire du football féminin.
(Re)lire notre article ► "Féminines" : quand les femmes commencèrent à jouer au foot
Ce n'est que cinquante ans plus tard que la Fédération nationale anglaise décide de revenir sur sa décision. Elle présentera même ses excuses en 2008. Mais le coup porté a été rude, faisant du football féminin une pratique confidentielle et négligée.
Excited about women’s football? Will the Lionesses go all the way? As the women’s Euros kick off we hear from women who've been playing football for decades. A new exhibition Goal Power @BrightonMuseums celebrates them and their achievements. https://t.co/pXCkL234BI pic.twitter.com/eQ08KZsl06
— BBC Woman's Hour (@BBCWomansHour) July 4, 2022
"Quand j'ai fait mes débuts au plus haut niveau, en 2001, à 14 ans... on ne s'entraînait qu'une fois par semaine et on avait match le dimanche. Tout était fait par des bénévoles travaillant pour l'amour et le plaisir de ce sport", se souvient l'ex-internationale anglaise Karen Carney, dans une tribune pour le Guardian, en septembre dernier. "Deux décennies plus tard, toutes les équipes sont professionnelles, avec des joueuses qui ont de bons salaires et soutenues par des staff étoffés", ajoute-t-elle, soulignant les pas de géants accomplis ces dernières années grâce à une politique volontariste de la FA.
[Karen Carney, deuxième en partant de la gauche, est une des consultantes les plus célèbres du championnat anglais de foot féminin]
"La Fédération anglaise, dans les années 2010, a commencé à faire passer les équipes en semi-professionnelles", rappelle Sylvain Jamet, du site spécialisé footofeminin.com, qui vit en Angleterre depuis vingt ans.
Brentford FC are ready for the Euros pic.twitter.com/tRJoj4JMS1
— Sylvain Jamet (@S_Jamet) July 3, 2022
Le championnat à 12 équipes s'est professionnalisé en 2018. Il a connu un développement fulgurant avec l'arrivée de la banque Barclays comme sponsor principal en 2019, suivi d'un nouveau contrat de diffusion en 2021, qui rapportent quelque 23 millions d'euros par an au football féminin anglais. Ce nouvel accord "a donné le traitement médiatique dont le football féminin avait besoin", relève Sylvain Jamet, avec "au moins deux ou trois matches qui sont exposés à chaque journée", alors que la Fédération met en ligne tous les matches gratuitement sur son application.
L’assureur Vitality a, lui, donné son nom à la Coupe d’Angleterre féminine contre un montant non révélé, mais décrit comme "le plus lucratif de son histoire" par les médias nationaux.
Lighting up LDN, @leahcwilliamson #BarclaysWSL x #WEURO2022 pic.twitter.com/H8qqgfXo9N
— Barclays Women's Super League (@BarclaysWSL) July 4, 2022
La presse écrite a pris le train en marche. "Il y a trois ans, aucun journal national ne venait couvrir les matches de championnat. Alors qu'à Arsenal ou à Chelsea, maintenant, à chaque fois le Times, le Guardian, le Daily Mail, la BBC, le Telegraph sont là", note le journaliste.
The biggest names.
— Barclays Women's Super League (@BarclaysWSL) August 31, 2021
The biggest games.
The Barclays FA Women's Super League is kicking off this September. You ready? pic.twitter.com/ckl3htdX3v
Le championnat national, qui a vu le jour en 2011, connaît la plus grande couverture médiatique depuis sa première saison. Et les promesses d’audience pour cette nouvelle saison sont en hausse exponentielle de 300% d’après les spécialistes. Des chiffres qui attirent de plus en plus de sponsors autour de la ligue féminine de football au Royaume-Uni. "Les marques voient de plus en plus le sport féminin et ses audiences comme des leviers pour les aider à atteindre leurs objectifs commerciaux", explique Kelly Simmons, directrice du football professionnel féminin à la Fédération anglaise.
Les premières bénéficaires de cette transformation sont évidemment les joueuses. "J'ai rejoint Arsenal il y a cinq ans et, à ce moment-là, le championnat n'était pas encore très professionnel. Les progrès effectués, notamment l'an dernier, ont été très importants", confirme l'attaquante vedette des Pays-Bas, Vivianne Miedema (la footballeuse néerlandaise est une militante qui se bat pour l'égalité des salaires entre joueuses et joueurs, ndlr).
What a day to be Dutch
— Vivianne Miedema (@VivianneMiedema) June 20, 2022
Equal pay!! Been working closely together with the @KNVB to achieve this historical milestone in womens football. Onto a brighter future together #NothingLikeOranje pic.twitter.com/sblUJt7wgg
"On a deux assistants, un coach mental... deux kinés, un masseur, un docteur. Les staffs sont un peu plus élargis (qu'en France) et puis, en termes d'infrastructures, on est dans un centre immense. On a trois salles de gym, un terrain synthétique couvert. C'est l'Angleterre, quoi !" se félicite de son côté la Française Kenza Dali, passée par West Ham et Everton, et qui fait partie de la sélection française de cet Euro.
Extrêmement fière et heureuse de faire partie de cette équipe ! England see you ( again ! ) https://t.co/PglD8lUGsZ
— Kenza DALI (@KenzaDali) May 30, 2022
A l'instar de leurs homologues masculins, les clubs anglais attirent désormais les plus grandes stars, Pernille Harder et Sam Kerr évoluant par exemple à Chelsea, triple champion sortant. Le Guardian annonçait en mars dernier que la Fédération anglaise allait multiplier par huit la dotation en Cup féminine passant ainsi de 309 000 livres (370 000 €) à 2,5 millions de Livres (3 M€). Pour rappel, les 735 clubs engagés dans la Cup masculine se partagent 15,9 millions de Livres (19 M€).
Même si l'investissement reste minimal pour les gros clubs – Chelsea a un budget de 7 millions d'euros environ, et Manchester City ou Arsenal moins encore – le football féminin est un puissant vecteur d'image. Quand Chelsea a changé de mains, au printemps, les candidats à la reprise ont dû s'engager à poursuivre les investissements dans l'équipe féminine, et lorsque Liverpool a assuré son retour dans l'élite en avril, Jürgen Klopp les a félicitées, taclant même sa direction. "Liverpool n'était pas réputé, ces dernières années, pour traiter fantastiquement bien ses féminines. Elles ne sont pas descendues en Championship (D2) sans raison. Maintenant qu'elles sont revenues (dans l'élite), on doit s'assurer de profiter de cette situation", glissai-il en conférence de presse.
De plus en plus souvent, les stades de Premier League s'ouvrent aux matches féminins. Newcastle, pourtant en D4, a attiré plus de 22 000 spectateurs à Saint-James' Park en mai dernier.
Direction l'Angleterre
— Equipe de France Féminine (@equipedefranceF) July 5, 2022
@WEURO2022 #FiersdetreBleues pic.twitter.com/KDjysm23cZ
La 13e édition du Championnat d'Europe féminin de football 2022 ou Euro féminin de l'UEFA s'est tenue du mercredi 6 juillet au dimanche 31 juillet 2022. En ouverture, les Anglaises ont affronté les Autrichiennes à Old Trafford, le stade résidence de la prestigieuse équipe de Manchester. En finale, au stade mythique de Wembley, qu'elles ont déjà presque rempli en amical contre l'Allemagne en novembre 2019, elles ont triomphé des Allemandes.
Pendant une heure, les occasions ont été rares et il a fallu attendre que les deux coaches mettent un peu de sang frais avec les remplacements pour que le match s'emballe enfin. Sur une lumineuse ouverture de Georgia Stanway, passée près d'un deuxième carton jaune en fin de première période, Ella Toone s'est présentée face à la gardienne allemande qu'elle a trompée d'une balle piquée. Un tir qui montrait un sang froid impressionnant étant donné l'enjeu, l'environnement et son jeune âge (22 ans), et exécuté six minutes seulement après son entrée en jeu (1-0, 62e).
Congratulations to the @Lionesses on winning #WEURO2022, what a fantastic final that kept us glued to the edge of our seats!
— Brompton Cross Construction (@bccsite) August 1, 2022
Join the #Lionessess in #TrafalgarSquare today from 11am
.#ItsComingHome #MondayMotivation #ChloeKelly #JillScott #SweetCaroline #ENG #London pic.twitter.com/Cwv5FqYQ8L
Puis le but de la victoire, par Chloe Kelly, sur un corner cafouillé (2-1, 111e), ne restera pas dans les mémoires pour sa beauté, mais il est définitivement entré dans les annales du sport anglais. Ce but confirme aussi l'"invincibilité" de Sarina Wiegman, la manager néerlandaise, qui n'a perdu aucun de ses 20 matches à la tête des "lionnesses" et remporté ses 12 matches dans un Euro, après avoir déjà emmené les Pays-Bas au sacre chez eux, il y a cinq ans.
Sarina Wiegman at Women's EURO finals
— UEFA Women's EURO 2022 (@WEURO2022) August 1, 2022
12 games, 12 wins, 2 trophies #WEURO2022 pic.twitter.com/e4eC8wuOBb
Gageons que, cette fois, la Fédération anglaise de football s'abstiendra de commentaires semblables à ceux qu'elle avait fait à l'issue de l'édition 2015. L'équipe de footballeuses anglaises était rentrée au Royaume-Uni après avoir obtenu une médaille de bronze, en battant les Allemandes (1-0).
"Nos Lionnesses s'apprêtent à redevenir des mères, des compagnes et des filles aujourd'hui, mais elles ont remporté un autre titre : héroïne", pouvait-on lire dans ce post, qui avait provoqué un immense tollé sur la Toile. Parmi les nombreux commentaires, certains se demandaient si leurs homologues masculins avaient déjà été qualifiés de "pères, partenaires et fils" ? Devant le bad buzz, la Fédération avait fini par retirer son tweet...