Marine Tondelier, "l'autre Marine" : une irrésistible ascension ?

Aux rênes du parti écologiste français, Marine Tondelier est, à 37 ans, la seule cheffe de parti de la coalition de gauche. Figure montante du nouveau paysage politique issu des législatives, elle est connue pour son combat de longue haleine contre le Rassemblement national qu'elle mène depuis des années à Hénin-Beaumont, fief de Marine Le Pen. 

Image
Marine Tondelier, soir du 7 juillet

Marine Tondelier, lors de son discours le 7 juillet 2024, après l'annonce des résultats du second tour des législatives. 

©site officiel Les Ecologistes
Partager4 minutes de lecture

"#Oùsontlesfemmes ?", s'indigne Marine Tondelier sur les réseaux, pointant des débats politiques 100% masculins dans les médias. "Je ne vais pas lâcher l’affaire. Sinon les femmes et l’écologie continueront d'être invisibilisées dans cette campagne, ce qui est un vrai problème", martèle-t-elle. 

Tweet URL

À la tête du parti des Écologistes, elle est la seule femme leader dans le camp de Nouveau Front populaire. Dans les meetings, en tête des manifestations, devant les caméras de TV, dans les studios de radio, l'écologiste est reconnaissable à sa veste vert pomme qu'elle ne quitte plus. Un compte X de soutien à l'élue écologiste a d'ailleurs avec humour repris cette image en se baptisant "La veste verte de Marine Tondelier". Le compte publie au quotidien les prestations médiatiques de la dirigeante écologiste, comme celle qui fait le buzz depuis le soir du 7 juillet, à l'issue du second tour des législatives, qui a vu le Front populaire arriver en tête, devant Ensemble (gouvernement) et le RN. 

Tweet URL

Les femmes, c'est 50% de la France mais aussi des problématiques particulières. C'est 60% des bénéficiaires du SMIC, c'est 3/4 des familles monoparentales. 3,6 millions ont déjà été agressées sexuellement par des conjoints ou ex-conjoints, c'est 24% de rémunération en moins dans le privé quand vous travaillez par rapport aux hommes... Je pourrais continuer la liste comme ça longtemps. Marine Tondelier, sur France 5

Mais au delà de sa propre éviction des débats, c'est surtout la cause des femmes que la représentante politique entend défendre, comme elle l'a précisé sur France 5 : "Les femmes, c'est 50% de la France, des femmes totalement invisibilisées de tous les débats. Pas une seule femme !". "C'est 50% mais aussi des problématiques particulières. C'est 60% des bénéficiaires du SMIC, c'est 3/4 des familles monoparentales. 3,6 millions ont déjà été agressées sexuellement par des conjoints ou ex-conjoints, c'est 24% de rémunération en moins dans le privé quand vous travaillez par rapport aux hommes... - s'insurge-t-elle - Je pourrais continuer la liste comme ça longtemps. Et donc s'il n'y a aucune femme dans un débat, on va en parler quand ?".

Marine Tondelier au soir du 30 juin

La cheffe écologiste Marine Tondelier au soir du 30 juin, 1er tour des législatives 2024 en France.

©AP Photo/Thomas Padilla

L'union à gauche ou l'appel de Marine T.

Dès l'annonce surprise de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron au soir du résultat des européennes, Marine Tondelier prend l'initiative et appelle tous les responsables de gauche pour former une union face au Rassemblement national. Un pari risqué après des semaines de campagne particulièrement violente, où la gauche est apparue plus fracturée que jamais.

Pour Marine Tondelier, il faut oublier les dissensions car "l'heure est grave". "Tout le monde nous donnait pour morts" le soir de la dissolution, "vingt-quatre heures après on annonçait la création du Front populaire devant notre local, avec tout le monde qui était progressivement venu discuter à l’intérieur. Les bons contacts de confiance qu’on avait avec les uns et les autres ont compté", se félicite l'élue.

"Elle a été à la manœuvre pour pousser à l'union", commente l'eurodéputé écologiste David Cormand à l'AFP, jugeant qu'elle fait partie de ces gens qui, "en cas de crise, savent se hisser à un certain niveau de jeu".

Tweet URL

Entrée en résistance à Hénin-Beaumont

Depuis dix ans, Marine Tondelier mène une bataille de fond sur le terrain. Plus précisément à Hénin-Beaumont, fief de "l'autre Marine" -la patronne du RN Marine Le Pen - où elle porte le fer face à l'extrême droite dans le camp de l'opposition municipale. Une extrême droite face à laquelle, il ne faut "baisser ni les yeux, ni la tête, ni les bras", comme elle le raconte dans le livre Nouvelles du Front en 2017, recueil de témoignages d'employés municipaux, de syndicalistes, de militants associatifs, de journalistes et de simples citoyens.

Nouvelles du Front de Marine Tondelier
©Les Liens qui libèrent/éditions

L'écologiste est aujourd'hui toujours domiciliée dans cette ville du Pas-de-Calais où habitent ses parents et grands parents. Elle y a mené plusieurs combats électoraux face à Marine Le Pen, sans succès. Malgré ces échecs, elle refuse de "déserter" la circonscription. Au premier tour des législatives, le 30 juin dernier, elle se présente comme suppléante de la candidate socialiste du Nouveau front populaire Samira Laal, qui a échoué (26,05%) face à Marine Le Pen, élue au premier tour (58,04%). Elle est aussi élue conseillère régionale des Hauts-de-France depuis 2021 et siège dans l'opposition au président des Républicains Xavier Bertrand. 

C'est dans l'identité de Marine Tondelier d'être en première ligne contre l'extrême droite. Alexandre Ouizille, sénateur PS

Diplômée de l'Institut des études politiques de Lille, elle débute sa vie professionnelle en effectuant des stages à l'ambassade de France à Stockholm ou à la direction de l'écologie hospitalière des Hôpitaux de Paris. De 2017 à 2022, elle est déléguée générale de la fédération nationale des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air. Ses premiers pas de militante remontent à 2009 lorsqu'elle adhère au parti Europe Écologie Les Verts. 

"C'est dans l'identité de Marine Tondelier d'être en première ligne contre l'extrême droite", estime le sénateur PS de l'Oise Alexandre Ouizille. A Hénin-Beaumont et à la région, "je l'ai toujours vue à l'offensive, je ne suis pas surpris de la retrouver aux avant-postes".

#Oùsontlesfemmes ?

Au lendemain du premier tour, son intervention sur France Inter fait le buzz. La voix brisée par l'émotion, elle dénonce "le comportement de lâche et de privilégié" du ministre Bruno Le Maire, qui, quelques minutes plus tôt sur la même antenne, vient de s'opposer au désistement républicain pour un candidat LFI face au RN.

Tweet URL

Plus tard dans la soirée, sur son compte X, elle lance le mot dièse #OùSontLesFemmes ?. Sa manière à elle de réagir face à l'invitation de six hommes -Xavier Bertrand, Raphaël Glucksmann, Gabriel Attal, Jordan Bardella, Manuel Bompard, ou encore Éric Ciotti - dans les JT de TF1 et France 2

Dans la foulée, elle revendique son droit de débattre avec le patron du RN, Jordan Bardella, avant le 7 juillet, comme le prévoit le principe mis en place à gauche, où c'est chacun.e son tour. Mais ce dernier refuse, préférant le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon. Pour les Écologistes, ce refus est signe que "Jordan Bardella a peur" de débattre avec elle, car elle connaît "trop bien leurs méthodes". 

"Il y a un débat sur BFMTV qui est prévu" et "c'est Marine Tondelier qui devait être en face de Jordan Bardella et de Gabriel Attal", a réagi Clémentine Autain sur France Info. "Je trouve que c'est une manière de faire qui en dit long, aussi, sur le rapport aux femmes, parce que c'est le premier débat où il y aurait eu une femme autour de la table et elle est 'refusée", pointe la députée La France insoumise (réélue dès le 1er tour, ndlr). Côté gouvernement, l'entourage de Gabriel Attal ainsi que la direction de BFMTV ont démenti que le Premier ministre ait refusé le débat avec Marine Tondelier.

Tweet URL

Nous refusons de voir l’une des rares femmes cheffes de parti invisibilisée, et même réduite au silence, d’autant que les deux grands débats opposant les candidats aux législatives avant le premier tour étaient 100 % masculins. Extrait Tribune Libération

Dans une tribune publiée dans le quotidien Libération, un collectif composé de plusieurs personnalités féministes - dont Vanessa Springora, l'actrice Juliette Binoche, Camille Kouchner - dénonce "l'invisibilisation" de la cheffe écologiste. "Nous refusons de voir l’une des rares femmes cheffes de parti invisibilisée et même réduite au silence, d’autant que les deux grands débats opposant les candidats aux législatives avant le premier tour étaient 100 % masculins", écrivent les signataires du texte.

Tweet URL

Finalement, la chaine d'info BFMTV a révisé son format d'émission, préférant faire intervenir chaque candidat à tour de rôle. "Pour être précis, le RN n’a pas mis son veto sur Tondelier mais a demandé d’avoir un débat avec le représentant de la principale force dans le NFP, puis a demandé Mélenchon", justifie Marc-Olivier Fogiel, le patron de la chaîne d’information. 

Tweet URL

Y'a pas débat

Privée de débat avec le chef du RN. Mais cette polémique va sans doute contribuer à renforcer la légende de "la patronne des Verts", qui surfe sur une vague de popularité à gauche, se retrouvant même hissée au statut de "star" par le quotidien Libération. Sur les réseaux sociaux, un nouveau slogan, sur fond vert, émerge désormais dans les rangs de ses partisans : "Une autre Marine est possible"

"Et oui, je le dis droit dans les yeux à celles et ceux qui nous regardent. Que cela plaise ou non à l’extrême droite, nous allons le faire, nous allons la construire, la réparer cette France. Nous allons le construire, ce pays où on vivra plus face à face mais côte à côte, où l'on arrêtera de se dévisager pour enfin s’envisager", déclare solennellement la dirigeante verte au soir de l'annonce des résultats du second tour des législatives.

Au lendemain du 7 juillet, les paris vont bon train, et certains imaginent même voir une veste verte accrochée dans le dressing de Matignon ...

Tweet URL

Lire aussi dans Terriennes :

Divine Songo Kinkela dénonce "ce racisme qui nous fait du mal"

Marée violette en France pour dire non à l'extrême droite

Les femmes de plus en plus nombreuses à voter pour le Rassemblement national

Présidentielle 2022 : Marine Le Pen échoue de nouveau face à Emmanuel Macron

Marine et Marion Le Pen ou le partage des tâches... contre les femmes

Si le Rassemblement national gagne, les droits des femmes perdent ?