Les toilettes, publiques ou privées, c'est un sujet sérieux qui dispose même d'une journée internationale, chaque 19 novembre. Cécile Briand l'a bien compris. Avec son guide « Où faire pipi à Paris » la plasticienne trace la carte des toilettes gratuites de la capitale et s’improvise guide touristique de ces endroits étonnants. Elle répond au passage à un besoin très féminin et mal considéré. Découverte.
Les toilettes du Parc des Buttes Chaumont entrée place Carrel, face à la mairie du 19ème arrondissement de Paris, métro Laumière.
Appeler Cécile Briand chez elle et tomber sur son répondeur, c’est déjà la découvrir. Ca sonne une fois, deux fois, puis une voix claire vous invite à parler plus fort. Elle insiste et à l’autre bout du fil, vous vous débattez pour vous faire entendre. « Je blague, lâche-t-elle, vous pouvez laisser votre message ».
« Ah oui je ne vais pas laisser ce message trop longtemps, une fois ça fait sourire, mais la deuxième fois ça énerve les gens », s’excuse-t-elle de son espièglerie dans un café chaleureux de l’Est parisien. Surtout pas d’excuses. Cette drôlerie est exactement l’ingrédient principal d’Où faire pipi à Paris : un guide de 200 lieux d’aisances.
« Toutes ces toilettes sont classées par arrondissement et situées sur des plans simplifiés. Le choix s’est porté sur des espaces si possible agréables, en accès libre (sans fouille de sac ou rarement), gratuits et bien répartis dans la ville », explique l’auteure sur sa préface. En somme, un excellent ouvrage pour embarquer dans les cabinets. Au-delà des informations pratiques, elle accompagne chaque adresse d’un petit texte riche d’humour et de poésie.
Le hasard fait bien les choses
Cécile Briand s’est penchée sur les waters un peu par hasard en préparant Un autre guide du Paris décalé, ou 36 promenades sérieuses prêtant à rire (Lonely Planet, 2009). Elle s’est rendue compte alors que faciliter la vie des pisseurs et surtout des pisseuses méritait un nouveau guide ; et a retenté sa chance auprès de la même maison d’édition qui avait publié son premier guide, sans succès. Trente autres éditeurs lui ont répondu par la négative. Comme pour nombre d’autres projets, la Parisienne d’adoption a décidé d’autoéditer son livre. A l’aide de la photocopieuse du travail de son compagnon et une relieuse qu’elle venait d’acheter, l’artiste a sorti une poignée d’exemplaires. Elle a ensuite démarché quelques librairies. « Le Comptoir des mots », toujours à Paris, a accepté de vendre son guide artisanal.
Le livre de Cécile Briand, aux éditions Attila
Le hasard et un lecteur curieux ont fait atterrir, début 2012, Où faire pipi à Paris sous les yeux de Frédéric Martin des éditions Attila qui, en quelques mois, a mis en forme la nouvelle version tirée à 5000 exemplaires. « Les lecteurs régissent très positivement au livre. Surtout les femmes qui me racontent qu’elles ont toujours envie de faire pipi et ne savent pas où se précipiter pour assouvir leur besoin. Ce n’est pas mal non plus pour les hommes qui ont des problèmes de prostate. Je pense que le guide apporte une réponse à certaines angoisses féminines. Je m’en suis rendue compte quand j’étais enceinte. » Une application mobile est en préparation en complément du guide pour aider les pressés ou les connectés à trouver ces cabinets ainsi que tous les autres en cas d’envie pressante où de curiosité aiguë.
« Une boucle est bouclée »
En concoctant ce guide « une boucle est bouclée ». A 23 ans, elle débarque à Paris « ne connaissant pas assez la capitale mais suffisamment pour en être sûre de l’aimer ». Sa ville natale, Rennes, « était devenue trop petite ». La Bretonne s’inscrit à l’université de Saint-Denis pour se spécialiser dans la photographie. Au lieu de nourrir sa passion, l’enseignement universitaire l’en éloigne. Encore amatrice, elle développait déjà ses créations en argentique dans le laboratoire d’une maison de quartier pour les jeunes.
Pour répondre à une autre angoisse féminine, Cécile Briand présente une cartouchière, un étui pour cinq tampons hygiéniques. Une façon de permettre aux femmes d’être toujours bien armées. (Egalement à commander auprès des éditions Attila)
Un acte d’équilibriste
En 1997, elle fait sa première exposition « open toilette » : des photos humoristiques dans les cabinets d’un bar. « Un endroit intime qui se prête à la réflexion. »
Elle enchaîne des boulots qui lui permettent de vivre correctement tout en se concentrant sur l’art. A 39 ans, elle est aujourd’hui caissière à la Cité des Sciences. « J’adore être caissière, c’est ainsi que je trouve mon équilibre. Quelques jours par semaine je rencontre des gens, j’échange avec eux… » Cet équilibre (financier) vient d’être un peu chamboulé avec l’arrivée d’une petite fille. Elle ne peut plus travailler le week-end, les deux jours de la semaine qu’elle exècre, « mais j’ai encore plein de temps pour moi dans le silence et la solitude ». Elle rangera désormais dans les tiroirs son amour pour la Ville Lumière pour se consacrer à d’autres thématiques : « J’aime Paris, surtout l’Est de la capitale. J’en ai fait quelques cartes postales et autres choses mais je veux désormais me concentrer sur d’autres choses. » Notamment sur une oeuvre qu’elle a commencée il y a quinze ans en même temps que son parcours de plasticienne.
Les petits coins de Paris, modernisés en sanisettes, visite