Fil d'Ariane
Mamie et Papi boom en vue ! Dès 2035, un Français sur trois aura 60 ans ou plus, selon une projection de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Une augmentation entraînée par le vieillissement de la génération des « babyboomers » et de la population en général.
Cette nouvelle génération de futurs - ou déjà retraités- qui est, et restera (et oui messieurs !) très féminine, intéresse de plus en plus : littérature, cinéma, entreprises, nouvelles technologies et… médias. Par leur nombre, les seniors s'imposent. Il va désormais falloir compter, de plus en plus, avec, et pour eux.
Alors qui sont-ils ? Les « seniors » ont officiellement 50 ans et plus « mais pour Pôle emploi, on l'est dès 45 ans ! » souligne une collègue de la rédaction. L’emploi après 50 ans, reste compliqué, encore plus, semble-t-il, chez les femmes. « Seules 59 % des entreprises se déclarent prêtent à recruter des personnes âgées de plus de 50 ans », lit-on sur le site de l'Insee. Un vrai obstacle à l'embauche pour les « quinquas » qui perdent un emploi antérieur. Mais ce n'est pas la seule difficulté qui se présente.
Tapez les mots « femmes seniors » dans un moteur de recherche sur Internet. Passés de (très) nombreux sites de rencontres qui s’affichent, apparaît aussi cet article du quotidien Le Parisien, daté du 23 juin 2014 : « Femmes et seniors : la double peine sur le marché de l’emploi ». Ainsi, passés 50 ans, difficile de « se caser » personnellement ou professionnellement ?
Se réunir pour s’empêcher de vieillir.
Didier Fourmy, romancier.
Un romancier français a décidé de prendre le contrepied de ces réalités du monde des quinquas et plus pour aborder avec humour la vieillesse et montrer que tout est (encore) possible après 50 ans. Dans Les Pétillantes (éditions Hugo Roman), Didier Fourmy a choisi des héroïnes inhabituelles dans le paysage romanesque.
Elles ont entre 62 et 82 ans, sont toutes veuves (ou divorcées), riches (pour la plupart), et vivent en colocation dans un petit coin de paradis (une résidence appelée le Patio secret). Là, elles ont décidé de « se réunir pour s’empêcher de vieillir », raconte l’auteur Didier Fourmy.
Aujourd'hui écrivain, il a débuté sa carrière en tant qu'attaché de presse, puis a travaillé dix ans dans la presse féminine. " C’était une mine d’observation parce que j’ai rencontré des femmes assez extraordinaires dans ma carrière, des cheffes d’entreprises, des directrices marketing, des chefs de produits, des journalistes… Des femmes étonnantes et à forte personnalité!" nous raconte-t-il.
En 2014, il sort son premier roman Les Pétillantes (Editions Hugo Roman) suivi d'un second tome, un an après.
La colocation entre seniors n’est d’ailleurs pas qu’une fiction et s'est répandue ces dernières années des pays du nord de l'Europe à la France. Sites internet et associations proposent des partages d’habitations dans tout l'Hexagone.
« Cela permet de fuir la solitude, le pire des fléaux quand on vieillit, raconte l'écrivain Didier Fourmy. C’est aussi pour cela que les chorales, les clubs de bridge et de scrabble connaissent un certain succès ! ».
Les héroïnes des Pétillantes, colocataires peu ordinaires, ont donc décidé d’en finir avec la solitude, de mettre de côté la vieillesse, les questions qui fâchent et la maladie, pour s’amuser … On est loin de la maison de retraite traditionnelle. « Je voulais faire quelque chose de gai, d’amusant et d’humoristique, nous explique Didier Fourmy. J’ai gommé tous les tracas de la vie et fait de cette histoire un conte de fée avec des princesses» qui rêvent aussi de se trouver un homme pour vivre, en somme, une énième vie.
« Elles veulent leur prince charmant, tant pis s’il a les cheveux blancs, tant qu’il n’est pas en fauteuil roulant ! Elles ne veulent pas non plus finir infirmières ! » sourit l’auteur qui ajoute « quand les gens de ma génération (65-75 ans, ndlr) arrivent à la fin de leur carrière et qu’ils ne vont pas trop mal, il nous reste 20 ans à vivre, alors on profite de la vie! »
Avec humour et bonne humeur, ses personnages échangent souvenirs de vies passées, histoires de famille, recettes de séduction et considérations sur leur libido. Sous un air parfois loufoque et très théâtral, les romans de Didier Fourmy révèlent un pan de la vie des seniors, notamment sur leur désir de sexualité, de nouvelle vie de couple : « J’ai interviewé autour de moi toutes les femmes que je connaissais, veuves ou divorcées, de plus de 60 ans. Et j’ai commencé à raconter cette histoire en mélangeant leurs témoignages pour que personne ne se reconnaisse. Il y a donc des histoires vraies et même des phrases citées comme "nous on est de plus en plus difficiles mais de moins en moins sollicitées"».
Pas facile de retrouver un homme avec qui finir son existence et plus si affinités : « Un homme peut retrouver très vite une deuxième vie. Il prend des femmes plus jeunes, il finance. Pour une femme seule, passés 50-60 ans, ce n’est pas évident de retrouver un compagnon, d’où le succès des sites de rencontres et des dancings en province, des thés dansants, … »
Les médias et la fiction commence à s'intéresser davantage à la sexualité des seniors. Un sujet parfois encore tabou et qui se trouve aussi au coeur d’une nouvelle série américaine intitulée Grace and Frankie, lancée le 8 mai aux Etats-Unis par le site internet Netflix.
En têtes d’affiche, deux septuagénaires de renom : les actrices américaines Jane Fonda (77 ans) et Lily Tomlin (75 ans). Toutes deux interprètent une histoire d’amies-ennemies qui deviennent alliées après que leurs maris tombent amoureux… l’un de l’autre. Selon ses créateurs, cette série télévisée vise à changer le regard sur les seniors, une population encore peu considérée par les médias, déplore l’actrice Jane Fonda dans Time magazine : « Il y a trop peu d’histoires dans les médias sur les femmes âgées ». Les téléspectateurs « pourraient vouloir regarder (cette série, ndlr) parce qu’ils s’y reconnaissent », ajoute-t-elle dans son interview au magazine américain.
La télévision n’est pas la seule à choisir des seniors pour personnages. Au cinéma aussi, ils sont davantage à l’affiche. Pour ne citer qu’eux dernièrement, les longs-métrages : Amour de Michel Haneke, Tous les espoirs sont permis de David Frankel, ou encore Et si on vivait tous ensemble de Stéphane Robelin. Dans ces films, les seniors cherchent à pimenter leur vie de couple, à (re)trouver l'amour ou à chercher des compagnons de vie.
Si la télé ou le cinéma mettent sur le devant de la scène les seniors, surtout des femmes, c’est bien parce qu’elles sont de plus en plus nombreuses à grossir les rangs de cette génération et donc ceux des spectateurs, des lecteurs, des clients...aussi.
Une manne commerciale qui n’échappe pas aux entreprises. Salon des seniors organisé à Paris, sites internet spécialisés mais aussi entreprises (transport, sécurité, services, santé, nouvelles technologies…) s’emparent de ce secteur surnommé « silver économie (économie des tempes grises) ». (voir l'interview d'un créateur de robot pour personnes âgées ci-dessous)
En région parisienne, il existe même une « silver valley- Ecosystème du mieux vieillir ». Lancé en 2008, ce regroupement d’entreprises a pour mission d’« accélérer le développement d’activités économiques innovantes, répondant aux besoins et aux usages des seniors, pour générer de la croissance et l’emploi en Ile-de-France. » Le pari sur l'avenir ne reposerait donc plus seulement sur les jeunes mais beaucoup sur les seniors. Ceux qui bénéficient encore d'une retraite correcte, d'une bonne santé et veulent profiter de leur vie plus que jamais sont aussi de très bons clients...
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