Femmes 2018 : Nadia Murad, la Nobel et la bête

Nadia Murad, prix Nobel de la paix 2018. Depuis plusieurs années, cette jeune femme parcourt le monde pour plaider la cause des siens, en particulier celle de ses soeurs yézidies réduites en esclavage sexuel par le groupe Etat islamique (EI). Un film lui est consacré "On her shoulders", car ce sont bien sur ses épaules que reposent les espoirs de tout un peuple.
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Nadia Murad
 Nadia Murad, le 26 novembre 2018  à la Commission européenne
(AP Photo/Francisco Seco)
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Nadia Murad, 25 ans, a connu le pire.

D’origine kurde et issue de la communauté yézidie, ella a été enlevée en 2014 comme des milliers d'autres femmes de sa région par le groupe Etat islamique (EI).
Après avoir assisté, impuissante, aux meurtres de six de ses frères, tués par balles ou décapités, la jeune fille est réduite en esclavage sexuel  à Mossoul, alors "capitale" de l'EI en Irak. Nadia Murad  subit

Nadi Murad
Nadia Murad
(AP Photo/Francois Mori)

tortures, viols collectifs, vente puis multiples reventes sur les marchés aux esclaves des jihadistes. Un jour, elle profite de l'absence de son "maître" pour s’échapper. Elle trouve son salut grâce à une famille  d’Irakiens sunnites qui parviennent à lui fournir des papiers islamiques. Elle parvient à rejoindre un camp de déplacés au Kurdistan, à l'Est de Mossoul. 
Une avocate des droits humains, la célèbre  Amal Clooney, épouse de l'acteur-réalisateur George Clooney, apprend son histoire et la prend sous sa protection. 

En septembre 2015, elle s'installe en Allemagne, où une organisation d’aide aux yézidis lui permet de retrouver sa sœur. Dès lors, Nadia Murad, enfin libre, décide de se faire  la porte-parole des souffrances des yézidis.
 

Notre priorité est de récupérer notre terre et de reconstruire 
Nadia Murad

Sa bête, son ennemi, c'est le groupe Etat islamique (EI).

En octobre 2018, elle reçoit le prix Nobel de la paix, également attribué au médecin-gynécologue congolais Denis Mukwege.

Un encouragement.

 "Nous méritons aussi de vivre"

Inlassablement,  elle ne cesse de dénoncer à la tribune des Nations Unies, devant le pape, partout où elle le peut, les atrocités que subissent les femmes yézidies victimes du groupe Etat islamique (EI). Elle veut que  les chefs de ce mouvement extrémiste soient jugés par des tribunaux internationaux.

Nadia Murad
Nadia Murad, à Paris, le 25 octobre 2018, lors de la conférence internationnale pour les Droits humains.
(AP Photo/Francois Mori)


Sa détermination est aussi forte que sa voix est douce.
Elle martelle :  " Si les décapitations, l’esclavage sexuel et le viol des enfants, si tout cela ne vous force pas à bouger, quand le ferez-vous ? Vous et vos familles ne sont pas les seuls à mériter de vivre. Nous méritons aussi de vivre".
Quand elle aura achevée sa mission, Nadia Murad  rêve de retourner un jour dans son village situé près du bastion yazidi de Sinjar, dans le nord de l'Irak.
Elle veut y ouvrir un salon de beauté pour "alléger les souffrances des femmes yézidies".

Nadia Murad et Macron
 Nadia Murad et Emmanuel Macron à Paris, le  11 novembre 2018.
(Yoan Valat, Pool via AP)

Cent familles yézidies bientôt en France

Grâce à son acharnement et profitant que le Nobel  lui ouvre plus aisément les portes, Nadia Murad a plaidé la cause Yézidie auprès de l'Elysée.
Seize familles viennent d'arriver  en France en cette fin 2018 où elles bénéficieront de l’asile. Dans un entretien donné au journal Le Monde, la jeune femme se veut confiante :

"Lorsque j’ai rencontré le président Emmanuel Macron en octobre, il a promis de faire venir en France cent familles yézidies. Hier, (le 21 décembre 2018 ndlr) une première partie d’entre elles est arrivée. Il s’agit de seize mères et de leurs soixante-sept enfants. La plupart ont perdu leur époux, tués par l’EI. Des yézidis ont déjà bénéficié de programmes de réinstallation en Australie, au Canada ou en Allemagne. Mais cette mission est différente car elle s’adresse en particulier à des femmes seules avec enfants, pour qui il est difficile de survivre dans leur environnement, en particulier de trouver du travail ou de se remarier.

Nadia Murad poursuit son combat contre la bête.

"On her shoulders", de Alexandria Bombach, a été diffusé en ouverture du 19ème FIFDH, festival international du film et forum des droits humains à Genève