Femmes autochtones disparues au Canada : "une inaction inacceptable"

Cinq ans après la clôture de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, les Premières nations estiment que la lutte contre les violences faites aux femmes autochtones est un échec : très peu d'appels à l’action ont été mis en œuvre.

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Premières Nations
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Les femmes autochtones sont 12 fois plus susceptibles d'être portées disparues ou assassinées que leurs homologues non autochtones. Voilà ce que concluait une enquête nationale de 2019, qui dénonçait les milliers de meurtres et disparitions de femmes des Premières Nations au Canada − Dene, Mohawks, Ojibway, Cris et Algonquins.... 

Cinq ans plus tard, rien n'a changé. Pour Cindy Woodhouse Nepinak, la cheffe de l'Assemblée des Premières Nations du pays, ou APN, le Canada a échoué dans sa lutte contre les violences faites aux femmes autochtones, qualifiées de "génocide".

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A l'issue de deux années d'enquête, le rapport final était le point culminant des témoignages de plus de 2380 membres de familles, survivants, experts et gardiens des savoirs recueillis pour comprendre la crise et trouver des solutions. Les membres des familles évoquait le traumatisme intergénérationnel et des impacts de la pauvreté comme facteur aggravant, tandis que les gardiens des savoirs soulignaient comment les femmes, à cause de la colonisation, ont été éloignées de leurs rôles traditionnels.

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Une violence issue du racisme et du colonialisme

Le niveau de violence disproportionnellement élevé auquel sont exposées les femmes autochtones s'explique par  les "actions et inactions de l'Etat qui trouvent leurs racines dans le colonialisme et une présomption de supériorité", concluait la commission. Et "les mesures visant à mettre fin à ce génocide et à y remédier ne doivent pas être moins monumentales que la combinaison de systèmes et d'actions qui ont permis de maintenir la violence coloniale pendant des générations," indiquait le rapport

En réponse, le Premier ministre Justin Trudeau avait promis un "véritable changement". Malgré cela, "les meurtres et la violence n'ont pas cessé", déplore Cindy Woodhouse Nepinak. L'inaction est la conséquence "du racisme qui existe dans ce pays", affirme pour sa part Sheldon Kent, également membre de l'APN et autochtone originaire du Manitoba (centre). "Nous devons agir collectivement" pour changer, ajoute-t-il.

Cet échec n'est pas acceptable pour notre peuple. J'espère qu'il ne l'est pas non plus pour les autres Canadiens. Cindy Woodhouse Nepinak

"C'est difficile de voir de tels résultats aujourd'hui", déclare Cindy Woodhouse Nepinak lors d'une conférence de presse à Ottawa, ajoutant que pour la majorité des demandes, "peu, voire aucun progrès" n'a été observé. "Cet échec n'est pas acceptable pour notre peuple. J'espère qu'il ne l'est pas non plus pour les autres Canadiens", dit-elle, appelant à "plus de volonté politique".

Priorités

Et pourtant les appels constants se sont multipliés pour demander un financement accru pour le logement des Autochtones, la justice et les programmes destinés aux personnes LGBTQ+ qui, selon eux, assureraient la sécurité des femmes et des filles. "Il reste un chemin long et sinueux à parcourir pour lutter et prévenir toutes les formes de violence basée sur le genre."

Ils disent beaucoup de belles choses, mais là c'est grave. Des personnes perdent la vie. Leah Gazan

Le Nouveau Parti démocratique souligne dans un communiqué le manque de financement durable à long terme : le budget de cette année a consacré davantage au vol de voitures qu'aux femmes, filles et personnes 2ELGBTQI+ autochtones disparues et assassinées. 

La députée néodémocrate Leah Gazan, qui représente la circonscription de Winnipeg-Centre, dénonce l'inaction du gouvernement, qui envoie un message très clair sur la priorité accordée par le gouvernement aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles autochtones. "J'appelle donc le gouvernement libéral à cesser de parler, dit-elle. Ils disent beaucoup de belles choses, mais là c'est grave. Des personnes perdent la vie."

Intentions

Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, déclare que même si les progrès ne sont peut-être pas aussi rapides que les membres de la communauté l'espéraient, son gouvernement reste déterminé à résoudre ces problèmes. "Nous savons qu'il s'agit d'un effort générationnel, qui ne se fera pas du jour au lendemain", déclare-t-il, ajoutant que le gouvernement est confronté à une "résistance institutionnelle au changement".

Il conteste toutefois l'affirmation de l'Assemblée des Premières Nations selon laquelle seulement deux appels à l'action ont été menés à terme depuis 2019. Sur les 215 recommandations relevant de la compétence du gouvernement fédéral, 107 ont été avancées, soutient-il. Interrogé sur ce que cela signifie, le ministre a évoqué la Commission de vérité Qikiqtani, une initiative inuite qui vise à enquêter sur le meurtre de chiens de traîneau entre 1950 et 1970...

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Il rappelle également les excuses officielles présentées par l'ancienne ministre des Relations Couronnes-Autochtones Carolyn Bennett : "Mon message est que nous y parviendrons. Nous vous sommes très reconnaissants de nous accueillir dans des espaces profondément personnels, profondément douloureux... Nous n'allons pas vous tourner le dos."

Résistances au changement

De son côté, le gouvernement fédéral se défend, soutenant que "des progrès" ont été réalisés pour les trois quarts des recommandations, sans toutefois donner plus de détails. Le Premier ministre Justin Trudeau souligne que le rapport d'enquête "rend compte des réalités tragiques auxquelles sont confrontées les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQI+ autochtones au Canada", avant de renouveler son engagement à avancer sur le chemin de la réconciliation.

Il évoque des actions de son gouvernement pour pallier ce problème, dont son association avec le gouvernement du Manitoba dans le cadre de projets visant à rechercher les victimes d'un tueur en série dans une décharge de Winnipeg et le projet de système d'alerte Robe rouge, qui diffuserait des alertes publiques lorsqu'une femme ou une fille autochtone, une personne bispirituelle autochtone ou une personne issue de la diversité de genre autochtone disparaît.

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Parmi les mesures promises par le gouvernement de Justin Trudeau figurent l'augmentation des dépenses consacrées à la culture et à la santé des autochtones, l'octroi aux communautés d'un plus grand contrôle sur les services sociaux et la création d'un groupe de travail chargé d'enquêter sur les meurtres non élucidés.

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