Femmes battues, harcèlement, violences : l'égalité homme-femme proclamée "grande cause nationale" en France

A l'occasion de la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, le président français a proclamé l'égalité entre les femmes et les hommes comme "grande cause du quinquennat". Emmanuel Macron a annoncé une série de mesures pour lutter contre violences et harcèlement sexuels, après avoir fait observer une minute de silence pour les 123 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2016.
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macron egalité
Emmanuel Macron à l'Elysée, 25 Novembre 2017
 (Ludovic Marin, Pool via AP)
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"La journée de lutte contre les violences faites aux femmes", ou plutôt, dans son appelation officielle onusienne "la journée internationale pour l'élimination 
de la violence à l'égard des femmes"
, a été l'objet de toutes les attentions du président Macron. 

Alors que les scandales Weinstein, Spacey et autre Ramadan continuent d'agiter les réseaux sociaux, l'habile président français a choisi ce 25 novembre pour présenter des mesures pour l'égalité homme-femme. Pardon, pour l'égalité femme-homme. Et pour citer... Baudelaire. 

Lequel n'est pas forcément le moins sexiste des poètes français. Auteur en son temps de ces lignes : "la femme est naturelle, c'est-à-dire abominable"...

 

S'exprimant devant 200 personnes représentant les associations, les institutions et la classe politique au Palais de l'Elysée, Emmanuel Macron a certes pris le soin de se démarquer de ceux qui accusent, qui pointent du doigt, qui dénoncent en soulignant qu'il ne souhaitait pas "que nous tombions dans un quotidien de la délation", ni que "chaque rapport homme-femme soit suspect de domination, comme interdit".
 
La France ne devait plus être un de ces pays où les femmes ont peur.
Emmanuel Macron


Mais il a fermement condamné les violences faites aux femmes en expliquant que "la France ne devait plus être un de ces pays où les femmes ont peur". 

Les chiffres de référence sur les violences faites aux femmes :

  • Violences au sein du couple

En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui au cours d’une année sont victimes de violences physique et/ou sexuelles commises par leur ancien ou actuel partenaire intime, est estimé à 225 000 femmes. L’auteur de ces violences est le mari, concubin, pacsé, petit-ami ; ancien ou actuel ; cohabitant ou non. 

3 femmes victimes sur 4 déclarent avoir subi des faits répétés
8 femmes victimes sur 10 déclarent avoir également été soumises à des atteintes psychologiques ou des agressions verbales

 

violences femmes chiffres
(source : Ministère de l'Intérieur)

Parmi ces femmes victimes, 19 % déclarent avoir déposé une plainte en gendarmerie ou en commissariat de police suite à ces violences.

Cette estimation est issue des résultats de l’enquête de victimation annuelle "Cadre de vie et sécurité" (INSEE-ONRP-SSM-SI). Il s’agit d’une estimation minimale. L’enquête n’interrogeant que les personnes vivant en ménages ordinaires, elle ne permet pas d’enregistrer les violences subies par les personnes vivant en collectivités (foyers, centres d’hébergement, prisons...) ou sans domicile fixe. De plus, seules personnes vivant en France métropolitaine sont interrogées. 

Ce chiffre ne couvre pas l’ensemble des violences au sein du couple puisqu’il ne rend pas compte des violences verbales, psychologiques, économiques ou administratives. 

En 2016, 123 femmes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire intime "officiel" (conjoint, concubin, pacsé ou « ex ») ou non officiel (petits-amis, amants, relations épisodiques...). 
34 hommes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire intime, dont trois au sein de couples homosexuels.
25 enfants mineurs sont décédés, tués par un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple.

  • Violences sexuelles

    En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui au cours d’une année sont victimes de viols et de tentatives de viol est estimé à 84 000 femmes. De la même manière que pour les chiffres des violences au sein du couple présentés ci-dessus, il s’agit d’une estimation minimale.
    Dans 91% des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la victime. Dans 45 % des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits.

Suite aux viols ou tentatives de viol qu’elles ont subis, seules 9 % des victimes ont porté plainte (qu’elles l’aient ensuite maintenue ou retirée).

En 2016, l’enquête « Violences et rapports de genre » (VIRAGE) menée par l’INED, a permis de mesurer le nombre de personnes ayant subi des violence sexuelles (viols, tentatives de viol, attouchements du sexe, des seins ou des fesses, baisers imposés par la force, pelotage) au cours de leur vie. Ces violences ont concerné 14,5 % des femmes et 3,9 % des hommes âgés de 20 à 69 ans.
Source : enquête « VIRAGE », INED, 2016. 

  • Mutilations sexuelles féminines 

La France comptait en 2004, environ 53 000 femmes adultes qui auraient subi des mutilations sexuelles (hypothèse moyenne). Neuf victimes sur dix ont été excisées avant l’âge de 10 ans.

Source : Andro A. et Lesclingand M., Les mutilations sexuelles féminines, in Population & siciétés, n°438, INED, octobre 2007, Chiffres clés 2012, l’égalité entre les femmes et les hommes.

Egalité : grande cause nationale 

Proclamant l'égalité entre les femmes et les hommes comme étant la "grande cause du quinquennat" et lui allouant un budget de 420 millions d'euros en 2018, Emmanuel Macron a confirmé la création prochaine d'un "délit d'outrage sexiste" avec amende "dissuasive" pour tout harcèlement de rue, ainsi que la création "dès 2018" d'unités hospitalières pour la "prise en charge psychotraumatique" des femmes victimes de ces violences.

Il a également demandé "une attention particulière" pour les femmes migrantes, qui "cherchent aussi à fuir l'excision".

Parmi les mesures évoquées, le président français a ajouté que dès 2018 il y aurait des "modules d'enseignement dans toutes les écoles" consacrés à la lutte contre le sexisme et le harcèlement. 

Emmanuel Macron plaide pour un âge de consentement minimum à un acte sexuel fixé à 15 ans. Quant aux jeux vidéo et aux contenus internet, il souhaite que le CSA s'empare du sujet et régule. 

Mesures contre les violences faites aux femmes :
 

  • Renforcement de l'arsenal répressif
  1. Emmanuel Macron plaide, "par conviction intime", pour fixer l'âge du consentement minimum à un acte sexuel, inexistant en France à l'heure actuelle, à 15 ans. Il serait ainsi aligné sur celui de la majorité sexuelle "par souci de cohérence et de protection des mineurs". 
  2. Allongement du délai de prescription des crimes sexuels sur les mineurs, qui pourraient déposer plainte jusqu'à 30 ans après leur majorité contre 20 ans actuellement. 
  3. Création d'un délit d'outrage sexiste punissant le harcèlement de rue, "verbalisable immédiatement pour un montant dissuasif". Ce délit sera une des priorités de la future police de sécurité du quotidien.
  4. Pour favoriser les plaintes, un signalement en ligne sera créé dès le début de l'année pour les victimes de violence, harcèlement ou discrimination, qui pourront de chez elles parler en direct avec des policiers ou gendarmes formés, 24h sur 24, 7 jours sur 7. 
  5. Possibilité de porter plainte dans les lieux de prise en charge, y compris les hôpitaux.
  6. Le harcèlement au travail sera désormais une priorité de l'inspection du travail
  7. Pornographie en ligne : les pouvoirs du CSA seront étendus aux contenus numériques comme les jeux vidéos ou sur internet pour lutter contre la pornographie accessible aux enfants et autres contenus pouvant "conduire à la violence contre les femmes".
  8. Cyberharcèlement : des "modifications législatives" sont attendues dès 2018 pour "poursuivre ceux qui agissent sur internet pour harceler" au côté d'une application numérique pour les victimes.
  • Education
  1. Création d'un "module d'enseignement", consacré à la lutte contre le sexisme et le harcèlement "dans toutes les écoles".
  2. Crèches:  Les professionnels de la petite enfance seront formés pour lutter contre les représentations sexistes dès le plus jeune âge.
  3. Fonctionnaires : dès 2018, un grand plan de formation initiale et continue sera déployé dans le secteur public, avec une attention particulière portée sur la formation des cadres.
  • Accompagnement des victimes
  1. Des unités spécialisées dans la prise en charge globale psychotraumatique des femmes victimes de violences seront crées dès 2018 dans les centres hospitaliers. Dix d'entre elles sont déjà prévues dans les "mois qui viennent" en France métropolitaine "à titre pilote".
  2. Les soins psychotraumatiques liées aux violences subies par les femmes "pourront être pris en charge par la sécurité sociale".
  3. La préservation des preuves dans les unités médico-judiciaire des hôpitaux sera par ailleurs rendue possible, même si la personne ne souhaite pas déposer plainte.
  4. Mise en place généralisée d'une cellule d'écoute dans les administrations pour le personnel victime de violence ou de harcèlement.
  5. Excision: Emmanuel Macron a promet pour les femmes françaises qui subissent l'excision "de traquer partout ceux pratiquent cette barbarie". Il a appelé aussi à porter "une attention toute particulière pour les femmes migrantes qui fuient leur pays car elles cherchent aussi à fuir l'excision pour elles-mêmes et leurs petites filles".
  6. Développement des arrêts de bus à la demande, déjà mis en place dans certaines communes. 

Réactions mitigées chez les féministes

Dans le camp des féministes, militantes et représentantes d'associations d'aide aux femmes victimes de violence sur le terrain attendaient beaucoup de ce discours. Si certaines se satisfont de cette prise de conscience et de cette mobilisation à l'échelle nationale, d'autres restent sur leur faim. A l'image de Caroline de Haas, fondatrice de Osez le féminisme, comme elle l'a exprimé sur son compte twitter.
 


Un point positif néammoins, et pas des moindres, l'engagement personnel du président de fixer le seuil de l'âge du consentement à 15 ans. 
 
 
Si beaucoup commentent encore les mesures du président français sur les réseaux sociaux, la mobilisation en ce 25 novembre se poursuit. 
 
 

Un rappel : d'après les données recueillies auprès de 87 pays de 2005 à 2016, 19% des femmes âgées de 15 à 49 and affirmaient avoir subi des violences physiques ou sexuelles infligées par un partenaire intime au cours des 12 mois ayant précédé l'enquête de l'#ONU.