'Femmes de réconfort' de la Seconde guerre mondiale : accord historique entre Séoul et Tokyo

Séoul et Tokyo ont conclu lundi 28 décembre 2015 un accord historique pour régler leur contentieux sur les "femmes de réconfort", ces Coréennes enrôlées de force dans les bordels de l'armée nippone pendant la Seconde Guerre mondiale.
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Femmes de réconfort seconde guerre mondiale
Kil Un-ock fut "femme de confort", réduite à l'état d'esclave sexuelle, durant la Seconde guerre mondiale. On la voit ici lors d'une manifestation contre la visite du Premier ministre Shinzo Abe en Corée du Sud, en avril 2015
AP Photo/Ahn Young-joon
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Cette question empoisonne les relations entre les deux voisins depuis des décennies, ce qui contrarie également Washington qui préférerait voir ses deux alliés se concentrer ensemble sur la réponse à apporter aux ambitions grandissantes de la Chine dans la région.

Le Japon a accepté de verser un milliard de yens (7,5 millions d'euros) de dédommagement aux quelques dizaines de "femmes de réconfort" encore en vie.

"Le système des femmes de réconfort (...) a existé du fait de l'implication de l'armée japonaise (...) et le gouvernement japonais est pleinement conscient de sa responsabilité", a déclaré lundi 28 décembre 2015 aux journalistes le ministre japonais des Affaires étrangères, Fumio Kishida, à l'issue de discussions à Séoul avec son homologue Yun Byung-Se.

Tournées par un soldat américain en 1944, les premières images des femmes de réconfort n'ont été diffusées qu'en juillet 2017. Une quinzaine de secondes où ces jeunes femmes apparaissent émaciées, traquées. Auparavant, il n'en existait que des photos. Les voici : 

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 Excuses et repentir

Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a exprimé aux victimes ses "excuses et son repentir, du plus profond de son coeur", a ajouté M. Kishida.

Cet accord sera "définitif et irréversible" si le Japon assume ses responsabilités, a déclaré aux journalistes Yun Byung-Se.

De nombreux contentieux plombent de longue date les relations entre Séoul et Tokyo. Mais le sort des 46 "femmes de réconfort" sud-coréennes encore en vie est extrêmement sensible en Corée du Sud.

Depuis son arrivée au pouvoir en février 2013, la présidente sud-coréenne Park Geun-Hye a adopté une position intransigeante sur la question. Encore récemment, elle présentait ce différend comme le "plus grand obstacle" à l'amélioration des relations bilatérales.
 

Accord entre la Corée du Sud et le Japon femmes de réconfort
Yun Byung-se ministre des Affaires étrangères de Corée du Sud, à droite, serre la main de son homologue japonais Fumio Kishida après leur accord histoirique  au sujet des femmes de réconfort esclaves sexuelles de la Seconde guerre mondiale, le 28 décembre 2015.
AP Photo/Ahn Young-joon

Pressions américaines ?


Les Etats-Unis, de leur côté, exhortaient leurs deux alliés à régler au plus vite ce contentieux.

La plupart des historiens estiment que jusqu'à 200.000 femmes, pour la plupart des Coréennes mais aussi des Chinoises, des Indonésiennes et des ressortissantes d'autres pays asiatiques, ont été enrôlées de force dans les bordels de l'armée impériale.

La position du Japon, qui a occupé la Corée de 1910 à 1945, était jusqu'à présent de considérer que cette question avait été réglée en 1965 à la faveur de l'accord qui a rétabli les liens diplomatiques entre Tokyo et Séoul.

Le Japon avait en outre reconnu en 1993 sa culpabilité dans l'exploitation de ces femmes. Un fonds avait alors été établi pour leur verser des réparations financières. Toutefois, ce fonds a été financé par des dons privés, non par le gouvernement japonais, au grand dam de Séoul.

Séoul, qui estimait que l'accord de 1965 ne portait pas sur le dédommagement individuel des victimes des crimes de guerre de l'armée impériale, continuait d'exiger un véritable repentir.

L'accord de lundi prévoit que Séoul s'efforce, en coopération avec les associations de victimes, de déplacer une statue symbolisant les souffrances des femmes de réconfort et qui se dresse actuellement en face de l'ambassade du Japon. Tokyo jugeait cette oeuvre insultante.

M. Yun a indiqué par ailleurs que son pays se retiendrait désormais de soulever le problème des "femmes de réconfort" lors des prochains sommets internationaux.

"Je suis très heureux de pouvoir annoncer, avant la fin de cette année qui marque le 50e anniversaire de la reprise des relations, la conclusion de négociations difficiles", a-t-il dit.

Pour M. Kishida, l'accord de lundi n'est pas seulement au bénéfice de ses deux signataires mais contribuera plus largement "à la paix et la stabilité de la région".

Selon de nombreux observateurs, la Maison Blanche a fait pression sur Mme Park pour qu'elle adoucisse sa position vis-à-vis de Tokyo.

Et c'est à la faveur de pressions présumées des Etats-Unis qu'elle a accepté début novembre de rencontrer en face à face M. Abe, à l'occasion du premier sommet bilatéral entre les deux dirigeants.

Les deux voisins s'opposent aussi sur la souveraineté d'îlots isolés en mer du Japon, les îles Dokdo, selon l'appellation coréenne, et les Takeshima selon l'appellation japonaise. Situées à mi-chemin entre les deux pays, ces îles sont contrôlées par la Corée du Sud, mais revendiquées par Tokyo.