"Femmes en uniforme" : une exposition de la peintre canadienne Molly Lamb Bobak

Le Musée canadien de la guerre vient d’inaugurer une exposition virtuelle qui présente 19 des œuvres de l’artiste canadienne Molly Lamb Bobak pour souligner le 75èmeanniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale. Les tableaux exposés représentent des femmes qui ont participé à l’effort de guerre au sein de l’armée canadienne : des témoignages uniques et précieux sur une réalité méconnue.
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femmes masques à gaz
Molly Lamb Bobak a été nommée artiste de guerre officielle en 1945 : elle est la première femme à occuper ce poste au sein des forces canadiennes. Ici, l'une de ses oeuvres : "Exercice pratique d’alerte au gaz", Huile sur toile1944 (Collection Beaverbrook d’art militaire) 
©Musée canadien de la guerre
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Molly Lamb Bobak est née près de Vancouver en 1920 dans un milieu très artistique, son père était un photographe et un mécène qui recevait des artistes réputés à la maison familiale… Elle s’enrôle dans le Service féminin de l’armée canadienne (CWAC) en 1942 et elle est nommée artiste de guerre officielle en 1945 : elle est la première femme à occuper ce poste au sein des forces canadiennes et va aussi être la première femme artiste de guerre à servir outre-mer (elle est arrivée en Angleterre en 1945 peu de temps après la fin des combats).

J’aime l’armée et je vais continuer de transposer sur toiles ce que je vois jusqu’à ce que la guerre soit finie.
Molly Lamb Bobak

L’essentiel de son œuvre porte donc sur l’armée, les soldats et des scènes de guerre. Mais une partie de ses tableaux est consacrée aux femmes qui étaient dans l’armée canadienne : elles ont été près de 50 000 à participer à l’effort de guerre durant la seconde guerre mondiale. L’artiste leur a rendu hommage en les peignant dans leurs activités quotidiennes, tant au Canada que lors de leur déploiement en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas : « J’aime l’armée et je vais continuer de transposer sur toiles ce que je vois jusqu’à ce que la guerre soit finie » écrit la peintre en 1945.

Molly
Une partie des tableaux de Molly Lamb Bobak est consacrée aux femmes qui étaient dans l’armée canadienne : elles ont été près de 50 000 à participer à l’effort de guerre durant la seconde guerre mondiale.
©Wikipedia

La première femme nommée artiste de guerre au sein de l’armée canadienne

« Nous avons 114 des œuvres de Molly Lamb Bobak dans notre collection et nous en avons choisi 19 pour rendre hommage au travail de Bobak en temps de guerre et aux Canadiennes dans l’armée » explique Stacey Baker, historienne de l'art et histoire militaire au Musée canadien de la guerre.

Elle a regardé ces femmes de l’intérieur, c’était sa perspective et c’est ce qui fait la différence.
Stacey Baker, historienne

D’autres artistes ont peint la guerre, mais ce qui distingue Molly Lamb Bobak des autres, c’est qu’elle faisait partie de l’armée : « Elle a regardé ces femmes de l’intérieur, c’était sa perspective et c’est ce qui fait la différence, estime Stacey Baker, c’est un témoignage visuel inégalé ». 

« Dans l’art militaire, Molly Lamb Bobak a été une pionnière, poursuit Stacey Baker. Elle a notamment été reconnue pour ses tableaux de foule, comme son tableau de la gare à Ste-Anne-de-Bellevue ou celui sur les réjouissances de la victoire à Hyde Park à Londres, car elle était capable de peindre l’énergie qui se dégageait d’une foule ». 

molly dessin noir et blanc

"Magasins de l’intendance, 48e compagnie", dessin de Molly Lamb Bobak, 1945 (Crayon Conté sur papier) (Collection Beaverbrook d’art militaire). 

©Musée canadien de la guerre 

Un regard de l’intérieur unique

Les tableaux présentés dans l’exposition illustrent bien la vie de ces femmes dans l’armée : un défilé militaire avec de jeunes femmes dans une ville canadienne, l’entraînement de base des recrues, les exercices impliquant le port du masque à gaz dans une base de l’Alberta, la traversée de l’Atlantique nord pour celles qui sont allées servir outremer (elles ont été 3000 au total), le dessin d’une standardiste du quartier général de l’armée canadienne à Londres, des soldates en train de laver des draps dans la buanderie d’une base militaire, une caporale cuisinière.

Lorsqu’elle se rend aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne, elle peint les femmes dans les cantines et dans les salles de tri de courrier, tous ces postes indispensables à la logistique d’une armée qui étaient souvent occupés par des femmes. Molly dira plus tard que ces six semaines ont été « parmi les plus riches et les plus intéressantes de sa vie ».

L’artiste réalisera aussi plusieurs tableaux sur des soldates mécaniciennes qui entretenaient la flotte automobile au quartier général de l’armée canadienne à Londres, ce qui était assez exceptionnel. Elle va aussi peindre une soldate noire d’Halifax, transcendant ainsi le racisme qui était latent à l’époque au sein de l’armée canadienne. « La peinture la représente à un moment précis; elle sera toujours jeune et restera la soldate Roy pour ceux qui la verront. » écrit l’artiste en 2000.

soldate roy

"Soldate Roy, Service féminin de l’Armée canadienne", peinture de Molly Lamb Bobak, 1946, Huile sur panneau de fibre (Collection Beaverbrook d’art militaire) 

©Musée canadien de la guerre 

Ce sont ces tableaux peints pendant la guerre qui ont lancé la carrière de l’artiste : elle est par la suite devenue l’une des peintres les plus réputées du Canada. Elle a aussi été professeure et a travaillé dans des galeries d’art, a reçu l’Ordre du Canada en 1995.

Épidémie oblige, le Musée canadien de la guerre offre cette exposition en ligne, ce qui permet à tout un chacun partout dans le monde de la visiter de son salon et de découvrir ainsi une artiste d’une grande sensibilité et de grand talent, dont le regard unique permet de mesurer l’importance du rôle que ces femmes ont joué au sein de l’armée canadienne, un rôle bien trop souvent resté dans l’ombre…