Fil d'Ariane
En visite à Paris du 3 au 5 novembre 2015, les deux hautes responsables ont préféré souligner les progrès déjà accomplis en matière d'éducation des femmes depuis 2001. Lors d'une conférence-débat à l'Assemblée nationale le 3 novembre, les deux femmes sont revenues sur les difficultés qui persistent mais aussi les pistes à poursuivre pour accéder à plus d’égalité entre les sexes dans l’accès à l’enseignement.
Les familles estiment que les garçons ont un plus grand rôle à jouer que les filles dans le développement économique
Fariba Momand, ministre de l’Enseignement supérieur : La première raison qui explique cet écart est que toutes les familles ont l’habitude d’ « investir » sur les garçons plutôt que sur les filles. Elles estiment que les garçons ont un plus grand rôle à jouer que les filles dans le développement économique de la famille. L’instabilité et l’insécurité actuelle en Afghanistan ne poussent pas non plus les familles à envoyer leurs filles à l’université. D’autant plus que les universités sont mixtes. Or, la plupart des familles afghanes ne sont pas prêtes à laisser leurs filles étudier en classe avec des garçons.
Ceci est particulièrement vrai dans les zones rurales où la société est plus patriarcale qu’ailleurs et de ce fait les parents sont moins enclins à laisser leurs filles étudier dans des endroits mixtes. Nous travaillons à sensibiliser la population à la mixité et à apporter les moyens pour rendre possible l’éducation dans ces milieux là car nous manquons, par exemple, cruellement de dortoirs pour filles sur les campus des universités.
FM : De façon générale, notamment dans les grandes villes, cette question ne se pose pas. En revanche dans certains domaines très masculins, comme l’ingénierie, certaines filles vont s’autocensurer. Donc elles ne vont pas se diriger vers ces domaines et même si elles en expriment le souhait, les professeurs vont les en dissuader en insistant sur le faible nombre de femmes et en leur disant qu’elles travailleront donc dans un milieu professionnel très masculin. Cela a un effet dissuasif lors de la prise de décision des étudiantes. Mais sinon il n’y a aucune interdiction.
Pour tenter d’enrayer ce phénomène nous avons, pour le Kankor de cette année [réputé très sélectif, le kankor est le concours donnant droit aux lycéens afghans d’accéder à l’université NDLR], accordé 3000 places supplémentaires pour les filles afin de privilégier leur entrée à l’université dans certaines matières où elles sont peu nombreuses. Par exemple, dans l’ingénierie, les langues et les études religieuses, ce qui est aussi un bon moyen d’impacter la société.
Si une étudiante est harcelée par un de ses professeurs ou un élève, le doyen de l’université pourra porter plainte
Mojgan Mostafavi, vice-ministre de la Culture et de la Communication : Le ministère de la Justice a accepté trois mesures prévoyant l’ouverture de centres de protection pour les femmes maltraitées qui auraient fui leur famille, un programme de lutte contre l’inégalité ainsi que des procédures juridiques pour lutter contre le harcèlement dans les endroits où les femmes travaillent. Par exemple, si une étudiante est harcelée par un de ses professeurs ou un élève, le doyen de l’université pourra porter plainte.
En tout, trente axes de politique stratégique à développer sur six à sept ans ont été définis sur la base d’un plan mis en place il y a six ans par le ministère des femmes. Ses six axes permettaient de couvrir les domaines de la sécurité pour les femmes, les droits des femmes, la contribution des femmes à la vie politique et la gouvernance, la réduction de la pauvreté, l’amélioration des indicateurs de santé et enfin l’éducation des femmes.
Fariba Momand : Dans un pays comme l’Afghanistan, c’est un véritable défi de travailler en tant que femme. Particulièrement dans un poste à responsabilité tel qu’un ministère. Dans le passé, les Afghanes ont déjà eu des rôles de premier rang en tant que députée par exemple. Mais le nouveau gouvernement est désireux de prendre soin que les droits des femmes soient mieux défendus et les femmes mieux représentées, notamment en les faisant accéder à des postes ministériels. Je prends donc très à cœur ma mission de donner aux jeunes femmes toutes les chances d’étudier."
Coïncidence des dates, à peine étaient-elles reparties, qu'une nouvelle lapidation provoquait des manifestations de protestations dans la capitale afghane. Rokhsahana, jeune femme de 22 ans, de la province de Ghor, au centre de l'Afghanistan, était lapidée jusqu'à la mort, pour adultère, par des taliban, des dignitaires religieux et des chefs de guerre. Elle avait été mariée à un homme contre son gré, avant de s'enfuir avec un amoureux de son âge. Lors d'une manifestation à Kaboul, des militants des droits humains ont demandé au chef de l'Etat afghan Ashraf Ghani, pour lequel les droits des femmes sont prioritaires, que la justice soit rendue à l'infortunée victime...