Fil d'Ariane
Dans ces documentaires ou fictions, longs et courts métrages du monde entier, dont certains concourent pour recevoir un prix décerné par le réseau francetv au féminin, la photographie tient une place centrale, utilisée de différentes manières par ces femmes cinéastes, souvent elles-mêmes adeptes des clichés.
« Quoi qu’il arrive, et même si nous sommes inondés par les images, la photo reste », déclare Marie-Eve De Grave, réalisatrice belge du saisissant documentaire « Belle de nuit » dédié à Grisélidis Réal, femme écrivaine, artiste, militante et prostituée suisse.
En 2005, elle rencontre in extremis Grisélidis Réal, quelques temps avant sa mort. Happée par la personnalité de sa protagoniste, la cinéaste le sait, elle ne veut pas faire un film sur la prostitution. C’est à la sortie du dernier livre sur Grisélidis Réal, « Les Sphinx » d’Yves Pagès en 2006, qu’elle trouve son angle : un portrait, « si tant est que cela soit possible au cinéma », en traversant ses textes. Auteure de plusieurs livres, Grisélidis Réal a passé une grande partie de sa vie à écrire. « La prostitution l’abîme, elle le dit. L’écriture lui permet de reprendre forme », souligne Marie-Eve De Grave.
« C’était une femme débordante d’énergie. Il fallait donc que mon film soit vivant ».
La découverte de photos de l’écrivaine suisse parmi les innombrables archives données par ses enfants à la ville de Berne, feront le bonheur de la réalisatrice. « Ces photos retracent non seulement toute sa vie, mais elles parlent aussi d’elles-mêmes ».
Quoi qu’il arrive, et même si nous sommes inondés par les images, la photo reste
Marie-Eve De Grave, réalisatrice belge
Le film regorge ainsi de magnifiques portraits souvent pris par Marcel Ismand, photographe ami de Grisélidis Réal, que les mains de Marie-Eve De Grave mettent en scène à l’image. « Je suis cinéaste, mais c’est par la photographie que je suis arrivée au cinéma. » Son regret ? Le manque cruel de beaux personnages féminins dans le 7eme art : « Ce qui m’intéressait avec le portrait de Grisélidis, c’est que justement elle est femme jusqu’au bout des ongles, de l’excès à l’extrême intelligence. »
Dans ce cahier d’école ordinaire, Heidi Specogna découvre plus de 300 témoignages principalement de femmes et d’enfants du quartier PK-12 – point kilométrique 12 au Nord de Bangui – victimes de violences exercées en 2002 par les mercenaires congolais, alors sous la responsabilité de l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo, Jean-Pierre Bemba.
C’est à partir de 2008, au moment de son incarcération à la CPI, que ces femmes rassemblent courageusement leurs témoignages en vu de porter plainte contre lui. « Elles ont arraché les photos de cartes d’identité. Car pour ces femmes, ce cahier représentait beaucoup plus que leurs propres papiers ».
Son travail en amont avec la CPI sur la constitution de preuves, lui permet de comprendre très vite l’importance de ce cahier, fil conducteur du documentaire. « J’ai photographié et filmé chacune des pages. »
Elles ont arraché les photos de cartes d’identité. Car pour ces femmes, ce cahier représentait beaucoup plus que leurs propres papiers
Heidi Specogna, documentariste, Suisse
Il a fallu sept ans à la cinéaste pour réaliser ce film, aussi poétique que bouleversant, au plus près de ces femmes qu’elle suit ensuite dans le chaos de la guerre qui a éclaté dans ce pays en 2013 entre musulmans et chrétiens. Heidi Specogna explique d’ailleurs que c’est par la photo que tout a commencé : « C’était important pour moi d’établir un lien avec ces femmes à travers la photo pour pouvoir partager avec elles ce que je faisais. Elles-mêmes me montraient leurs photos de famille ou de leurs voisins. »
En couleur et noir et blanc, ces photographies d’Heidi Specogna viennent ainsi ponctuer le récit du film. Un procédé souvent utilisé par la réalisatrice dans ses documentaires. « C’est une manière pour moi d'arrêter le temps pour se souvenir, de penser à celui qui passe. »
J’étais aussi en train de ranger mes photos ! La photo c’est quelque chose qui m’obsède
Dominique Cabrera, cinéaste, France
« On avait vieilli, les enfants avaient grandi, la maison avait changé, le temps avait passé », a pensé la réalisatrice française Dominique Cabrera lorsqu’elle visionne son court-métrage « Ranger les photos » sorti en 2009, après 11 ans d'oubli.
1998, Dominique Cabrera vient d’emménager dans sa nouvelle maison en région parisienne. Après un repas, elle propose à son ami et coréalisateur Laurent Roth qui a apporté sa nouvelle caméra, de faire un film improvisé, sans montage, sur ses photos de famille. « A cette époque, j’étais dans ce type d’expérimentation avec mon film « Demain et encore demain », à filmer des fragments de ma vie », raconte-t-elle. Et bien sûr, j’étais aussi en train de ranger mes photos ! La photo c’est quelque chose qui m’obsède, tout comme ranger d’ailleurs, pour ne pas me laisser déborder. »