Migration

Femmes migrantes, femmes en errance

Image
Femmes migrantes

Des femmes migrantes au port de Messine, en Sicile, en Italie, le jeudi 22 septembre 2022. Même si elles sont encore minoritaires parmi les migrants, elles sont chaque année de plus en plus nombreuses à prendre la route de l'exil. 

©AP Photo/Petros Karadjias
Partager3 minutes de lecture

Beaucoup viennent de pays francophones, Côte d’Ivoire, Guinée ou Mali, d'autres du Pakistan ou d'Erythrée. Ces femmes migrantes ont fui pour de multiples raisons : excision, violences, pauvreté, et c'est parfois accompagnées de très jeunes enfants qu'elles se retrouvent en errance à la frontière franco-italienne, refoulées par les autorités. 

"Si on traverse la Méditerranée, c’est qu’on avait un problème, le viol, l'excision ou le mariage forcé. Ça te pousse à quitter ton pays", témoigne auprès de l'AFP une jeune Ivoirienne de 20 ans qui préfère taire son nom par peur.

La jeune femme fait partie des nombreux migrants interceptés par la police aux frontières française et renvoyés en Italie. Après avoir échoué aux portes de la France, elle revient à Vintimille par une ligne de bus, le coeur lourd. Quelques heures plus tard, elle se rend à la clinique mobile déployée par MSF dans cette ville italienne où, comme à Calais, dans le nord de la France, des centaines d'exilés vivent, parfois sous un pont routier, en espérant un jour aller plus loin.

Plus de 45.000 migrants sont arrivés en Italie depuis début 2023, selon le ministère italien de l'Intérieur, soit presque quatre fois plus que l'an dernier sur la même période. Nombre d’entre eux tentent ensuite le passage vers d'autres pays européens via la frontière séparant Vintimille de Menton, dans le sud-est de la France. Mais les autorités françaises multiplient les renvois vers l'Italie. 

Clinique mobile de MSF à Vintimille

MSF a mis en place une clinique mobile à bord d'un fourgon qui fournit une assistance médicale aux femmes migrantes à Vintimille, à la frontière entre l'Italie et la France.

capture d ecran

Des femmes de plus en plus nombreuses sur les routes de l'exil

Les femmes ne représentent qu’une minorité des exilés, mais elles sont de plus en plus nombreuses, parfois accompagnées d’enfants en très bas âge.

Ces poupées représentent un utérus, un vagin et un sein. Alessia Alberani, sage-femme, MSF

"Nous nous sommes aperçus qu’il y avait un manque dans la prise en charge des femmes", explique Marina Castellano, une infirmière de 60 ans référente médicale de MSF. L’équipe de cette clinique mobile compte huit personnes, dont un docteur, des médiateurs interculturels.

"Ces poupées représentent un utérus, un vagin et un sein" : pour faciliter le dialogue, et passer outre la barrière de la langue, Alessia Alberani, une sage-femme italienne de 26 ans, a eu l'idée de fabriquer en crochet des poupées représentant les parties intimes. "J’ai aussi un appareil pour écouter le coeur des bébés car de nombreuses femmes enceintes arrivent ici", raconte-t-elle, espérant bientôt un échographe.

Récits de femmes en mer

À bord du Geo Barents, le navire de sauvetage de Médecins Sans Frontières (MSF) en Méditerranée centrale, les femmes survivantes révèlent régulièrement des pratiques telles que le mariage forcé ou les mutilations génitales (affectant elles-mêmes ou leurs filles) comme étant parmi les raisons pour lesquelles elles ont été forcées de partir leurs maisons.

De nombreuses femmes secourues déclarent également avoir subi diverses formes de violence, notamment des violences psychologiques et sexuelles, ainsi que la prostitution forcée.

Femmes migrantes et violences sexuelles

La sage-femme MSF Kira (à gauche) et la psychologue Graziana (au milieu) discutent avec Julia* lors d'une consultation médicale. Julia, 20 ans, a fui l'Érythrée et a laissé derrière elle ses parents et ses frères et sœurs pour échapper à un régime dictatorial oppressif et éviter la conscription militaire. Méditerranée centrale, janvier 2023. *Nom modifié pour protéger l'identité

©MSF/Nyancho Nwanri

 

(Re)lire

"Violences sexuelles"

Le personnel de MSF se relaie du lundi au vendredi auprès des migrants, plus un soir par semaine près de la "jungle" locale sous l’autopont de la Roya.

La fourgonnette abritant la clinique mobile stationne généralement le matin à la frontière même, quand les migrants arrêtés en France sont reconduits en Italie après avoir passé la nuit dans les locaux de la Police aux frontières de Menton, et l'après-midi en ville près du siège de Caritas, où les refoulés se retrouvent.

Certaines n’ont pas reçu les soins appropriés pendant leur accouchement dans les hôpitaux, et il y a aussi de nombreux problèmes d’infections des parties intimes. Cecilia Momi de MSF

Assise devant les marches de cette association caritative avec des dizaines de personnes en quête de nourriture ou de vêtements, Astou, 20 ans, originaire de Kindia (Guinée), attend, elle, la clinique mobile. La veille, après avoir consulté pour des vomissements, elle a appris qu’elle était enceinte de deux mois. "J'étais choquée. D’un côté, c’est une bonne nouvelle, mais c’en est aussi une mauvaise car j’ai déjà un fiancé au pays depuis cinq ans et ce n’est pas le père de l’enfant", raconte la jeune réfugiée. "Je ne veux pas ôter la vie mais je ne sais pas si je veux le garder", confie-t-elle.

 

Migrantes Vintimille

Des femmes en errance à Vintimille, en Italie, après avoir été refoulées à la frontière française.

capture d'ecran

"Les femmes qui ont traversé la Tunisie ou l’Algérie (avant de traverser la Méditerranée vers l'Europe, ndlr) ont souvent subi des violences sexuelles ou sanitaires, certaines n’ont pas reçu les soins appropriés pendant leur accouchement dans les hôpitaux, et il y a aussi de nombreux problèmes d’infections des parties intimes", explique Cecilia Momi de MSF.

Normalement, ce sont les autorités qui devraient prendre en charge ces personnes, mais elles ne respectent pas leurs obligations. Sergio di Dato, MSF

"Le travail que nous faisons ici s’apparente beaucoup à ce que fait MSF à Calais" en France, pointe Sergio di Dato, 44 ans, coordinateur du projet "People on the move" de MSF. "Sauf que là-bas, ce sont les Anglais qui refoulent les migrants" quand ici c'est la France qui renvoie ces derniers, souligne-t-il, avant d'ajouter: "Normalement, ce sont les autorités qui devraient prendre en charge ces personnes, mais elles ne respectent pas leurs obligations".

 

À lire aussi dans Terriennes :