Les femmes à la tête de partis d’extrême droite en Europe se sont multipliées ces dernières années. Marine le Pen en France, Siv Jensen en Norvège, ou encore Céline Amaudruz en Suisse, font partie de ces leaders qui ont marqué le paysage politique des années 2000. Ces femmes, souvent considérées dans l’imaginaire collectif comme plus sensibles et plus douces par nature que les hommes, sont vues aussi comme les plus à même de mener une politique sociale. Mais le sont-elles pour défendre les droits des femmes ? Leurs idées concernant la famille, l’avortement ou l’égalité salariale font souvent polémique. Les enfants avant le féminisme Ces cheffes de files défendent avant tout la famille et les valeurs qui lui sont associées.
Barbara Rosenkranz, candidate à la présidentielle de 2010 en Autriche pour le parti nationaliste de la Liberté (FPÖ, extrême droite), s’est faite remarquer par l’importance qu’elle accorde à la notion de famille. Elle a d’ailleurs été surnommée par la presse autrichienne à l’époque, "la mère du Reich". Celle-ci refuse de faire passer les droits des femmes "avant le bien-être des enfants". En témoigne son engagement politique, seulement après quinze ans de congé maternité auprès de ses dix enfants. Elle estime que le féminisme est "une voix erronée". Même discours du parti Vlaams Belang (séparatistes et nationalistes flamands) en Belgique dans son
programme, pour qui "le féminisme a sur ce plan mené à une mentalité simpliste (…) dans laquelle il n’y a plus de place pour les enfants". Mais la plupart des candidates populistes, sont un peu plus modérées dans leurs propos. Elles défendent toutefois toutes une politique nataliste, absolument nécessaire dans un contexte de vieillissement de la population, selon leur parti. "Un pays en bonne santé est un pays qui fait des enfants",peut-on lire dans le
programme du Front National (France) en 2012. Le FN incite donc les femmes à faire des enfants, mais aussi à prendre des congés parentaux. Il avait en effet proposé de créer un revenu parental équivalent à 80% du smic (salaire minimum) qui serait versé pendant trois ans à partir du deuxième enfant. Une idée très critiquée à l’époque, vue comme une façon déguisée de renvoyer les femmes au foyer (puisque ce sont en majorité elles, qui prennent des congés parentaux) et de les obliger à choisir entre leur vie professionnelle et familiale. Mais Marine le Pen a balayé les critiques : "J’ai toujours travaillé ! Ce n’est pas moi qui vais renvoyer les femmes à la maison", affirmait elle en pleine campagne présidentielle de 2012. Marie-Christine Arnautu, chargée de la politique familiale au FN expliquait même dans un
article du Monde, que cette proposition allait dans l’intérêt des mères:"Nous voulons montrer que la femme qui s'arrête de travailler pour élever ses enfants n'est pas improductive pour la société, en lui garantissant un statut juridique et social". Dérembourser l’avortement Soutenant une politique nataliste, les partis d’extrême droite européens se prononcent donc en général, contre les recours "massifs" à l’avortement et leur remboursement. En 1986, les députés FN avaient fait une proposition de loi sur le déremboursement de l’IVG. Dans les années 2000, le parti parlait encore de revenir sur la loi Veil. Marine le Pen elle, va ensuite créer une polémique en 2012, en évoquant des "IVG de confort" qui seraient pratiquées par 2 femmes sur 10. Elle estime que celles-ci utilisent l’avortement comme un moyen de contraception, et qu’elles ne devraient pas être remboursés sauf en cas de viol. En Suisse, une proposition de loi a également été émise dans ce sens.
L’initiative vient d’un comité populaire, mais elle est aussi soutenue par des conseillers nationaux du parti UDC (Union démocratique du centre, parti qui contrairement à son nom est nationaliste/conservateur). Contre toute attente, Céline Amaudruz, présidente de l’UDC de Genève, s’est prononcée récemment contre l’avis de son parti. "A vous tous, je lance du fond du cœur un appel: Ne restreignons pas! A vous Messieurs plus particulièrement, respectez la condition de la femme!", a plaidé la jeune femme. Elle dénonce une initiative "hypocrite" qui met en cause l’aspect financier de l’IVG alors que "c’est clairement l’IVG qui est visée". Interviewée par le
site suisse le Matin, Céline Amaudruz nie pour autant être féministe : "C’est une question de logique et d’aspect financier (…)Mais ce n’est pas du tout un débat féministe." L’islam utilisé comme un combat féministe Pour se montrer "féministes", les égéries populistes sont plutôt parties en croisade contre le voile. En septembre 2013, Anke Van Dermeersch, sénatrice du Vlaams Belang en Belgique et ancienne miss, a crée une organisation internationale appelée: Femmes contre l’islamisation, pour dénoncer la menace que représente l’islam pour les femmes. L’arme de sa campagne ? Une
affiche avec ses propres jambes, intitulée liberté ou islam ? et évoquant les réactions et sanctions que risquent les femmes en fonction de la longueur de leur jupe. Plusieurs niveaux sont indiqués par des flèches sur les jambes, comme "conforme à la loi islamique" sur les chaussures, ou "lapidation" au niveau des fesses. Une affiche provocante, mais qu’importe "Nous ne voulons pas la loi islamique à Anvers" a déclaré la sénatrice. Pour elle, les habits portés par les musulmanes sont un symbole de la domination des hommes sur les femmes et suggèrent que celles-ci sont la propriété de leur mari. Évoquant la montée de l’islam radical en Europe, les populistes mettent donc en avant le danger que cette religion représente pour les occidentales et confondent souvent islam et islamisme. En novembre 2009, alors que l’Italie débat sur l’interdiction des crucifix dans les écoles,
Daniela Santanchè, leader de la Destra (parti d’extrême droite rallié à Berlusconi) et femme membre du gouvernement de Berlusconi déclare : "Mahomet est un polygame et un pédophile. Il avait neuf femmes, et sa dernière femme n’avait que 9 ans." L’islam est donc utilisé comme un combat féministe par les populistes européens, afin de masquer avant tout une attaque contre la religion elle-même et ses pratiquants. "Ce féminisme est récent et ne vaut que face à la menace de l’islamisme, mais jamais lorsque les droits des femmes sont menacés par les extrémistes catholiques", analysait Caroline Fourest dans un reportage intitulé
le Populisme au Féminin et diffusé en 2012.