Femmes puissantes dans la Grande-Bretagne celte de l'âge du fer

Dans la Grande-Bretagne de l'âge du fer, les femmes occupaient une place influente dans de nombreuses sphères de la vie. C'est la conclusion d'une étude qui conjugue archéologie, génétique et études de textes anciens.

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Boadicée ou Boudicca : Reine Celte

Boadicée ou Boudicca, la reine Celte qui mena la révolte contre les troupes romaines de Néron, en 61 après J.C.

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Les analyses d'ADN remontant à 2000 ans révèlent l'existence de sociétés celtiques organisées autour des femmes en Grande-Bretagne durant l'âge du fer. C'est ce que révèle une étude publiée le 15 janvier 2025, qui corrobore les récits d'historiens romains. Les structures sociales des communautés qui peuplaient la Grande-Bretagne au début de notre ère étant encore peu connues, ces historiens romains, comme Tacite ou Dion Cassius, sont une source importante. Dans leurs écrits sur la conquête de l'île, entre 44 et 84 après J.-C., ils mentionnent plusieurs femmes occupant des positions de pouvoir. 

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La reine Cartimandua, par exemple, régna pendant trente ans sur le peuple des Brigantes, au nord de l'Angleterre actuelle, au Ier siècle. Boadicée, elle, déclencha un soulèvement contre l'occupation romaine qui fit plus de 70000 victimes, pillant et brûlant plusieurs villes, dont Londinium, qui deviendra Londres. 

L'archéologie, et désormais la génétique, montrent que les femmes étaient influentes... Il est même possible que la descendance maternelle ait été le principal moteur des identités de groupe. Miles Russell

Aux sources des textes romains

Dans sa Guerre des Gaules, rédigée plus d'un siècle plus tôt, Jules César rapporte aussi que des femmes celtes participaient aux affaires publiques, exerçaient une influence politique et pratiquaient la polyandrie. "Quand les Romains sont arrivés, ils ont été étonnés de trouver des femmes occupant des positions de pouvoir, mais ces récits ne sont pas toujours considérés comme fiables", rappelle dans un communiqué Miles Russell, co-auteur de l'étude publiée dans la revue en anglais Nature.

"Il a été suggéré que les Romains exagéraient les libertés dont jouissaient les femmes britanniques pour dépeindre une société indomptée. Mais l'archéologie, et désormais la génétique, montrent que les femmes étaient influentes dans de nombreuses sphères de la vie de l'âge du fer. Il est même possible que la descendance maternelle ait été le principal moteur des identités de groupe", souligne-t-il.

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Riches sépultures féminines

Dans cette même étude, des chercheurs ont extrait plus de 50 génomes anciens d'un ensemble de sites funéraires près du village de Winterborne Kingston, dans le sud de l'Angleterre, utilisés avant et après la conquête romaine.

Les cimetières de l'âge du fer avec des sépultures bien préservées sont rares en Grande-Bretagne, peut-être parce que les défunts étaient le plus souvent "incinérés, exposés ou déposés dans des zones humides", avancent les auteurs de l'étude. Mais la tribu des Durotriges, qui occupait la région côtière méridionale centrale de la Grande-Bretagne entre 100 avant J.-C. et 100 après J.-C. - et a donné son nom au Dorset - faisait "exception" en déposant ses morts dans des cimetières formels.

Les tombes richement dotées à travers l'âge du fer dans le Dorset, avec des objets tels que des récipients à boire, des miroirs, des perles... étaient, à une exception près, toutes féminines. Miles Russell

Des fouilles menées sur ces sites depuis 2009 avaient déjà livré des indices sur le statut social élevé dont jouissaient les femmes. "Les tombes richement dotées à travers l'âge du fer dans le Dorset, avec des objets tels que des récipients à boire, des miroirs, des perles..., étaient, à une exception près (une tombe contenant une épée), toutes féminines", explique Miles Russell, qui a dirigé les fouilles.

Rares matrilocalité, matrilinéarité

L'analyse ADN montre que la plupart des individus qui y étaient inhumés étaient en outre liés par la lignée maternelle, remontant "jusqu'à une seule femme ayant vécu plusieurs siècles auparavant", relate Lara Cassidy, généticienne au Trinity College de Dublin, qui a dirigé l'étude. 

Les maris rejoignaient les communautés de leurs épouses après le mariage, avec des terres potentiellement transmises par la lignée féminine. Lara Cassidy

En revanche, les relations par la lignée paternelle étaient presque absentes. "Cela nous indique que les maris rejoignaient les communautés de leurs épouses après le mariage, avec des terres potentiellement transmises par la lignée féminine", ajoute-t-elle dans un communiqué. En ethnographie, ce type d'organisation sociale - baptisé "matrilocalité" - est rare et n'avait jusqu'à présent jamais été documenté dans l'Europe du néolithique et des âges du bronze et du fer. 

Mais les chercheurs, qui ont examiné des données issues d'études génétiques antérieures, ont trouvé "des signes de matrilocalité dans plusieurs cimetières à travers la Grande-Bretagne datant du milieu et de la fin de l'âge du fer", vers 400 avant notre ère et au-delà, souligne Lara Cassidy auprès de l'AFP. Il est "tout à fait possible" que ce système ait également été courant au début de l'âge du fer, vers 800 avant notre ère, "voire encore plus tôt", estime-t-elle.

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