Aujourd'hui, même s'il est difficile de les recenser, on estime que deux SDF sur cinq sont des femmes. « La terreur est la norme quand on est une femme dans la rue », écrit Claire Lajeunie, dans son livre Sur la route des invisibles, réalisatrice d'un documentaire mené en immersion. En ce 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère, coup de projecteur sur le sort des femmes sans-abri, vulnérables et peu visibles dans l’espace public.
En 2012, selon l’INSEE, 40% des SDF étaient des femmes. Elles seraient 7 000 à vivre dans la rue rien qu'à Paris. Selon les chiffres publiés dans Le Monde, 146 bébés ont vu le jour dans la rue en 2019. En 2017, 49 naissances ont été dénombrées, 100 en 2018. 700 enfants, tous âges confondus, vivent sur le trottoir à Paris. Concernant les enfants mineurs, certains vivent dans la rue avec leur(s) parent(s) quand d’autres sont tout simplement livrés à eux-mêmes.
"Le nombre des personnes sans abri est très difficile à estimer. Si les enquêtes permettent de dénombrer les personnes qui fréquentent une structure d’hébergement ou de restauration, qu’en est-il de celles qui vivent nuit et jour dans la rue ?", interroge le
site aide.sociale.fr, "Puisque ces personnes de la rue sont “indécelables” au titre des statistiques, il apparaît rapidement qu’elles ne sont pas dénombrables. Tous les chiffres qui sont avancés sont donc approximatifs".
Les femmes SDF se cachent
Il est autant plus difficile de les recenser quand il s'agit des femmes car, souvent, ces femmes se cachent. «
Les femmes sans-abri n’appréhendent pas l’espace public de la même manière que les hommes, à cause des violences qu’elles peuvent y subir. Elles se réfugient dans des endroits où elles se pensent cachées, comme les parkings », explique Françoise Khenfer, responsable du centre d’accueil et d’hébergement pour femmes sans-abri de l’Hôtel de Ville de Paris, géré par le Samu Social de Paris.
La terreur est la norme quand on est une femme dans la rue.
Claire Lajeunie
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La terreur est la norme quand on est une femme dans la rue », écrit Claire Lajeunie, dans son livre
Sur la route des invisibles. La réalisatrice a passé plusieurs mois dans la rue aux côtés de ces femmes. Elle en a tiré un livre et un documentaire, qui ont inspiré le film-fiction
Les Invisibles de Louis-Julien Petit.
Claire Lajeunie a passé cinq mois auprès des femmes SDF.
Une femme SDF agressée toutes les 8 heures
Selon l’association l’Entourage, une femme sans-abri est agressée toutes les huit heures en France. Violences physiques, agressions sexuelles, viols sont une source d’angoisse quotidienne pour ces femmes qui, faute de structures d’accueil adaptées, dorment dehors.
Elles ont besoin de lieux non-mixtes, rassurants pour elles.
Françoise Khenfer, responsable du centre d’accueil et d’hébergement pour femmes sans-abri de l’Hôtel de Ville de Paris
«
Elles ont besoin de lieux non-mixtes, rassurants pour elles », explique Françoise Khenfer. A Paris, seuls deux lieux correspondent à ces critères, avec une capacité confondue de moins de 100 places, pour une population de femmes sans-abri qui serait estimée à près de 7000.
Invisibles et insoumises
Lady Di, Edith Piaf, Salma Hayek, Beyoncé… Un casting de rêve, mais ce ne sont que des noms d’emprunt derrière lesquels se cachent les personnages du troisième long-métrage du réalisateur Louis-Julien Petit,
Les Invisibles, sorti en salles en janvier 2019. Dans
Les Invisibles, les femmes sans-abri ne se cachent plus. Elles sont même sur le devant de la scène, au sens propre comme au figuré.
Actrices professionnelles et non professionnelles, dont certaines ont vécu dans la rue, se donnent la réplique pour donner vie à l’univers de L’Envol, centre d’accueil de jour du Nord de la France destiné à recevoir les femmes SDF. Elles y trouvent, l’espace de quelques heures, confort, répit et aide à la réinsertion grâce aux travailleuses sociales, interprétées notamment par Audrey Lamy et Corinne Masiero.
Ce qui a été vu ne sera plus jamais invisible
Le jour où la municipalité décide de fermer le centre, considéré comme trop peu rentable en termes de réinsertion, les assistantes sociales mettent en place un système inédit, et illégal, autour de leurs protégées pour les aider à réchapper à leur condition et à réintégrer la société.
Pour les besoins du film, le réalisateur Louis-Julien Petit a fréquenté pendant un an plusieurs centres d’accueil au sein desquels il s’est impliqué en tant que bénévole. Il y a rencontré travailleurs sociaux et femmes SDF. En résulte une œuvre juste, qui respire l’authenticité et qui relate avec justesse et humour le combat quotidien de ces femmes pour retrouver leur dignité, tout en dénonçant un système social parfois incohérent.
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La problématique des femmes sans-abri est mal connue, mais les consciences s’éveillent sur le sujet » pour Françoise Khenfer. Selon elle, c’est notamment lors de la première
Nuit de la Solidarité organisée à Paris que la mesure du problème a été prise. Et ce qui a été vu ne peut plus jamais être invisible.