Femmes solidaires lance un nouveau réseau international féministe et laïque

Comptant 30 000 adhérentes en France, le mouvement Femmes solidaires vient de lancer, à l’occasion de son dernier congrès national, un réseau international se revendiquant féministe et laïque. Une mobilisation qui, à terme, vise la prochaine conférence mondiale des femmes.
Image
Femmes solidaires lance un nouveau réseau international féministe et laïque
Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires a lancé le nouveau réseau international laïque et féministe, le 26 janvier 2013 à Paris. (crédit photo : Camille Sarret).
Partager5 minutes de lecture
Issu des comités féminins de la Résistance sous la Seconde Guerre mondiale, Femmes solidaires est l’un des plus anciens mouvements féministes en France qui regroupe aujourd’hui 190 associations locales implantées sur l’ensemble du territoire, tant urbain que rural. Un ancrage très hexagonal qui n’empêche pas un rayonnement international. Bien au contraire. Depuis des années, Femmes solidaires et ses 30 000 adhérentes qui bénéficient d'un statut spécial auprès des Nations Unies, tissent des liens avec de multiples associations féministes à l’étranger. Des liens qui s’inscrivent dans des solidarités dites « concrètes ».

Des solidarités concrètes

Par exemple, depuis 2008, Femmes solidaires soutient l’association indienne Sruti qui incitent les femmes à pratiquer, dans les zones rurales de l’Uttar Pradesh, un travail rémunérateur hors de chez elles. Elle les forment à la couture et vend une partie des articles confectionnés à Femmes solidaires. « L’argent qui est gagné par cette vente est partagé entre toutes les femmes. Ce qui leur permet d’apporter un soutien financier à leur famille. Elles en sont très fières et prennent plus confiance en elles. Cela les encourage à continuer à travailler », explique la responsable de l’association, Shashi Singh.

De même depuis le catastrophe du tremblement de terre et du tsunami dans le nord-ouest du Japon en mars 2011, une solidarité  s’est mise en place avec la Fédération des femmes japonaises, Fudanren qui regroupe 900 000 adhérentes. Sur un plan plus politique, Femmes solidaires s’est aussi engagé dans des campagnes internationales de soutien, par exemple, aux femmes kurdes en lutte contre le pouvoir central turc.

Mais, pour la présidente du mouvement, Sabine Salmon, « il est temps de passer à la vitesse supérieure ». A son dernier congrès qui s’est tenu à Paris du 25 au 27 janvier 2013, Femmes solidaires a lancé un nouveau réseau international qui se réclame féministe et laïque. Le but ? « Plus que jamais, nous voulons affirmer la laïcité comme une valeur indispensable à l'émancipation des femmes. Nous respectons toutes les religion mais nous disons stop quand une religion cherche à dicter les droits civiques et notamment les droits civiques des femmes. Quelle que soit leur religion, leur culture et leur nationalité, les femmes doivent bénéficier des mêmes droits fondamentaux partout dans le monde », explique Sabine Salmon.

Affirmer la laïcité, n'est-ce pas prendre le risque d'imposer une valeur issue de la culture occidentale et plus encore franco-française ? « Non, réplique avec force la présidente de Femmes solidaires. C'est justement cette idée toute faite que nous voulons combattre. Partout dans le monde, des femmes réclament la laïcité pour une meilleure protection de leurs droits. C'est une valeur universelle que nous voulons porter avec bien d'autres militantes issues de tous les continents. »

Femmes solidaires lance un nouveau réseau international féministe et laïque
Les femmes afars qui luttent en Ethiopie contre la pratique de l'excision et l'islam radical.
Neuf associations, neuf pays

Pour l'heure, le nouveau réseau laïque et féministe compte neuf associations représentant neuf pays : Algérie, Maroc, Mauritanie, Ethiopie, Somalie, Pérou, Suède, Kurdistan et France. « Pour toutes ces associations féministes qu'elles soient implantées dans une culture musulmane ou chrétienne, la laïcité apparaît comme une valeur évidente, fondamentale qu'il faut afficher haut et fort, face aux forces intégristes qui gagnent du terrain », précise Sabine Salmon.

Tel est le cas pour l'association éthiopienne des femmes Afars qui, luttant contre l'excision depuis 2003, est parvenue à protéger 850 fillettes de cette pratique ancestrale. « Les femmes afars en ont assez des intégristes musulmans qui leur disent comment s'habiller et comment se comporter. On adhère à 100% à la laïcité, affirme la militante Aïcha Dabalé. C'est une valeur indispensable pour faire respecter nos droits de femmes et plus encore pour défendre notre peuple menacé. En raison du principe de la non-mixcité, les islamistes nous empêchent, femmes et hommes, enfants et adultes, de nous retrouver le soir autour du feu. Pourtant c'est là que l'on raconte les histoires de notre peuple, c'est là que les jeunes gens se font de l'oeil et apprennent à se connaitre. Ils nous imposent des règles qui ne respectent pas nos traditions ! »

En Somalie, où les shebab islamistes contrôlent une large partie du territoire en appliquant la charria, des femmes sont également parvenues à s'organiser pour s'apporter du réconfort et plus encore pour permettre à de jeunes filles menacées de trouver refuge dans les pays voisins. N'ayant aucune existence légale, elles agissent en cachette. Préférant garder l'anonymat pour ne pas mettre sa vie en danger, l'une d'elle a témoigné au congrès de Femmes solidaires : « Comme à chaque fois qu'il y a une négation des libertés, celles qui souffrent le plus sont les femmes. Le principe de laïcité, qui est tolérance, est une garantie pour les femmes de défendre leurs droits et un outil pour résister aux violences de toutes sortes. Dans un pays divisé, atomisé comme le mien, ce serait une chance d'adopter la laïcité qui pourrait permettre un "vivre ensemble" ».

Femmes solidaires lance un nouveau réseau international féministe et laïque
Estela Guillermo et Roxane Loarte, militantes des droits des femmes au Pérou.
Même analyse du côté des Péruviennes de l'association Ventura Ccalamaqui qui aident les femmes dans les bidonvilles de Lima à se mobiliser pour réclamer le respect de leurs droits. « La laïcité représente une avancée, affirme Estela Guillermo, car elle implique le droit de  croire ou ne pas croire en Dieu. Officiellement, l'Etat péruvien est laïque. Mais dans les faits, l'Eglise catholique conserve un puissant pouvoir d'influence. Par exemple au Pérou, il est impossible d'ouvrir un débat sur le droit à l'avortement ou le droit à la liberté sexuelle. »

Une nouvelle stratégie à construire

Pour la marraine du réseau, l'écrivaine franco-iranienne Chahla Chafique, il est même urgent de définir une stratégie pour mieux répliquer sur la scène internationale : « Depuis les années 90, il y a un retour du religieux dans le politique. Un phénomène d'autant plus inquiétant qu'il se conjugue parfaitement aux mouvements identitaires et conservateurs, ainsi qu'au néo-libéralisme. Aussi, il est important que nous soyons capables de décortiquer cette évolution socio-politique de fond et d'en dénoncer les dérives. La laïcité n'est pas qu'une valeur française et occidentale. Les féministes de la planète sont là pour le prouver. »

Aujourd'hui ce réseau reste ouvert. Toute association féministe et laïque peut y adhérer : « Nous devons retourner le rapport de forces à notre avantage, indique Sabine Salmon. Si une cinquième conférence des femmes s'ouvre en 2015 comme le laisse entendre ONU-Femmes, nous devons être prêtes à défendre nos valeurs. Il faut se préparer dès maintenant. »

Femmes solidaires lance un nouveau réseau international féministe et laïque
L'écrivaine franco-iranienne Chahla Chafique, marraine du réseau international initié par Femmes Solidaires.