"Femmes solidaires" : un engagement laïque pour les droits des femmes

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"Femmes solidaires", l'engagement au quotidien

Fondée en 1945, l'association rebaptisée aujourd'hui "Femmes solidaires" se mobilise au quotidien pour défendre les droits des femmes en France mais aussi dans le monde. 

©page facebook Femmes Solidaires
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La solidarité se conjugue au féminin : "Femmes solidaires" met en réseau près de 190 associations locales en France pour sensibiliser les femmes et les jeunes filles au respect et à l’évolution de leurs droits. Une action que l'association mène aussi en Europe et sur le continent africain. Entretien avec sa présidente Sabine Salmon.

"Féministes et positives !", voilà le "mantra" choisi pour célébrer le congrès national de l'association Femmes solidaires qui se tenait à Paris les 12 et 13 mai 2023. 

Chaque jour sur le terrain, "Femmes Solidaires" informe des jeunes filles et des femmes sur leurs droits. Le but est de les accompagner et de les soutenir dans leurs démarches, quelle que soit leur origine sociale et culturelle.

"Femmes solidaires" s'est fixée de grandes orientations : la lutte contre la pauvreté, contre toutes les formes de violences, d’inégalités et de discriminations faites aux femmes, "pour un développement durable et équitable, pour la démocratie, la citoyenneté, la mixité et la laïcité, pour la paix et le partage des pouvoirs entre les hommes et les femmes", comme le précise le site de l'association.

Fondée en 1945, aujourd'hui elle rassemble 190 associations locales en France, dont 27 à Paris et en Ile-de-France, implantées dans des quartiers dits « sensibles ». Plus de 50% des autres structures sont implantées dans des zones rurales.

Solidarité, sororité à l'internationale

Mais la solidarité n'a pas de frontières. De nombreuses actions sont également menées avec des associations du monde entier, en Europe, en Asie, comme sur le continent africain.

Exemple depuis quinze ans, "Femmes solidaires" accompagne l’association GAMISSA en Ethiopie, en zone afar, sur la lutte contre l’excision et l’infibulation des petites filles, les mariages forcés, mais aussi pour la scolarisation des filles et l’autonomie financière des femmes. Concrètement, cette action a permis l'ouverture d’un internat accueillant des filles. Certaines ont passé leur bac l’année dernière.

"Femmes solidaires" tient à défendre des valeurs qu'elle juge fondamentales à travers un engagement féministe, abolitionniste, universaliste, d’éducation populaire et laïque.

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Entretien avec Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires

Terriennes : pourquoi avoir choisi ce "mantra", "féministes et positives" ? 

Sabine Salmon : Femmes solidaires, c'est un réseau d'associations qui a des antennes partout en France. Après cette période de Covid et celle que l'on traverse sur le plan international, où les femmes sont au premier plan dans les conflits, et alors qu'en France, on est en plein conflit social, on avait besoin de se dire "ok, on est féministe, on est positive et on y va !" On avait besoin de se donner de la force pour continuer !

Parmi vos principaux combats, la lutte contre la pauvreté des femmes, elles sont de plus en plus nombreuses ... 

En 2008, déjà, nous avons travaillé sur cette question de la féminisation de la pauvreté. Les chiffres sont là. Dans le monde, 80% des pauvres sont des femmes. Aujourd'hui, en France, les femmes sont impactées de manière frontale par la crise économique et la réforme des retraites qui va les toucher particulièrement. Les familles monoparentales sont à 98% des femmes. Donc c'est vrai que, là, on est dans une situation où nous avons de plus en plus de sollicitations et nous recueillons de nombreux témoignages de femmes qui ont du mal à boucler les fins de mois et doivent faire des choix qui se font toujours à leur détriment, comme l'accès à la santé, les loisirs etc... Il était urgent pour nous de lancer une grande campagne dans les territoires pour dénoncer la pauvreté des femmes et permettre d'entendre la vie de ces femmes au quotidien en recueillant leurs histoires. 

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Quelles sont les femmes les plus impactées et que vous racontent-elles ?

Cela touche les femmes sans emploi, les retraitées, les jeunes, mais aussi celles qui ont des revenus moyens, qui travaillent, mais qui, avec l'inflation, n'arrivent plus à finir le mois. On a vraiment une diversité de profils. Il fallait mettre en lumière ces situations. Par exemple, lorsqu'une femme manque d'argent à la fin du mois, elle va choisir de retarder son examen gynécologique ou d'aller à l'hôpital pour peu qu'il y ait des examens non pris en charge. Elle ne va pas donner la priorité à sa santé. Elle choisira plutôt de faire manger ses enfants et de répondre à leurs besoins avant le siens. On arrive à des situations complètement dingues. Sans parler des femmes qui sont en temps partiels, en situation d'emploi précaire. La crise sanitaire a mis en lumière ces femmes du "care", ces femmes du soin ; ce sont des femmes qui se retrouvent parfois en grande précarité, dans des situations compliquées, alors qu'elles sont un maillon essentiel de la société. 

Mais quand ça régresse, cela a un effet domino. On sait très bien que construire quelque chose est long, lent et difficile. Déconstruire, en revanche, c'est très rapide. Et c'est ce qui se passe par exemple sur la question de l'interruption volontaire de grossesse. Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires

Quand les droits des femmes progressent dans un pays, ils progressent ailleurs, mais c'est plutôt l'inverse que l'on constate aujourd'hui ... 

On constate à travers notre expertise nationale et internationale que lorsque les droits des femmes progressent quelque part dans le monde, cela encourage celles qui luttent au quotidien. Mais quand ça régresse, cela a un effet domino. On sait très bien que construire quelque chose est long, lent et difficile. Déconstruire en revanche, c'est très rapide. Et c'est ce qui se passe sur la question de l'interruption volontaire de grossesse. Dans le monde, c'est un droit qui a toujours été compliqué et difficile à maintenir, alors qu'on se bat pour qu'il soit un droit universel s'inscrivant dans les droits fondamentaux. On voit bien que lorsque ça commence à balbutier, par exemple sous Trump lorsque les fonds aux associations ont été supprimés, ou en Pologne, ce droit est menacé. En France aussi, car si le Président veut inscrire la liberté à l'IVG dans la Constitution, ce n'est pas la même chose qu'un droit. Sur le terrain, on constate la fermeture de maternités, de services de proximité, l'accès à des centres d'IVG devient de plus en plus compliqué pour les femmes. On assiste à une régression de l'accès à ce droit partout dans le monde. 

Se revendiquer laïque n'est pas un choix de la division, bien au contraire, c'est un choix de l'unité. Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires

Vous vous revendiquez comme un mouvement laïc, cela peut faire débat...

Se revendiquer laïque n'est pas un choix de la division, bien au contraire, c'est un choix de l'unité. Nous sommes des féministes laïques, ce qui veut dire que l'on place les droits des femmes au-dessus de tout, au-dessus des dogmes religieux, quelles que soient les religions, au-dessus des diktats patriarcaux. Pour nous, ce choix s'inscrit dans une dynamique d'universalité pour dire que nous, les femmes, devrions avoir accès à ces droits fondamentaux partout dans le monde. Cette volonté d'afficher ce féminisme laïc et universaliste s'inscrit dans l'idée d'une solidarité internationale. 

À partir du moment où la religion ne prime pas sur notre combat pour avoir accès à des droits universels, ça nous va parfaitement. Sabine Salmon, présidente Femmes solidaires

Vous comprenez que certaines femmes puissent de fait se sentir exclues de par leur identité religieuse ? 

Nous, à Femmes solidaires, nous avons des militantes qui pratiquent leur religion. Elles la pratiquent et on les respecte, et surtout on avance ensemble pour faire respecter nos droits. Moi au contraire, je leur dis "venez !" À partir du moment où la religion ne prime pas sur notre combat pour avoir accès à des droits universels, ça nous va parfaitement. Après, c'est notre vision du monde. On peut entendre que d'autres aient une autre vision de la société. On comprend qu'elle ne soit pas partagée par toutes et tous. 

Vous défendez aussi la féminisation des mots, est-ce que ce n'est pas un combat qui peut paraître secondaire ? 

Je ne crois pas qu'il existe des priorités dans les combats, celui-ci s'inscrit dans les changements de mentalité. Il est essentiel surtout auprès des plus jeunes auprès desquels on intervient à travers une éducation non sexiste et non violente. C'est important de dire non pas je suis pompier, mais je suis pompière ! Il faut aussi reconnaitre la place des femmes dans les métiers qu'il faut féminiser. Avec Metoo, on voit bien qu'il y a eu une reconnaissance de la parole des femmes et pourtant les mentalités ne changent pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait. Par exemple, dans la lutte contre les violences faites aux femmes, il y a eu pas mal d'évolution au niveau des lois, mais dans la réalité, cela reste lent et l'impunité des auteurs perdure. Par exemple, pour les féminicides, il y a encore du travail, au niveau mondial. Ces femmes sont tuées parce que femmes. Ça commence à bouger, on ne parle plus de faits divers dans la presse, mais ça prend du temps et on a encore du chemin à faire sur ce sujet.

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