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Le 77e festival de Cannes servira-t-il de tribune pour la lutte contre les violences sexuelles dans le milieu du cinéma ? Une semaine après la création par l'Assemblée nationale d'une Commission d'enquête sur le sujet, Judith Godrèche présentera en sélection officielle un court métrage intitulé Moi aussi.
Le 77e festival international de cinéma de Cannes sera marqué par la projection de Moi aussi, un court-métrage de 17 minutes réalisé par l'actrice Judith Godrèche.
Sept ans après son émergence à Hollywood, la vague #MeToo connait un nouveau ressac en France qui pourrait bien se briser sur les marches du Palais des festivals de Cannes. Pour preuve, cette tribune publiée dans la presse au matin du lever de rideau du festival par la Fondation des femmes :
En attendant le procès de Gérard Depardieu prévu en octobre prochain, et alors que le producteur Alain Sarde est à son tour accusé de viol et d'agression sexuelle sur de jeunes actrices, la prise de parole de Judith Godrèche a inscrit en haut de l'affiche le sujet des violences sexuelles dans le 7e art. L'actrice est devenue la figure de proue du mouvement dans l'Hexagone depuis qu'elle a accusé de viols deux personnalités du cinéma d'auteur, Benoît Jacquot et Jacques Doillon. Lors d'un discours lors de la cérémonie des César, elle avait dénoncé le "niveau d'impunité, de déni et de privilège" du milieu du cinéma concernant les violences sexuelles.
Qu’est-ce qu’on fait quand on est submergée par ce qu'on entend, par la quantité de témoignages ? Judith Godrèche, actrice
"Tout à coup, devant moi une foule de victimes, une réalité qui représente la France aussi, tant ces récits surgissent de toutes les origines sociales, de toutes les générations. S’est alors posée la question de ce que j’allais en faire. Qu’est-ce qu’on fait quand on est submergée par ce qu'on entend, par la quantité de témoignages", confie la comédienne dans un communiqué du Festival de Cannes.
Des témoignages par dizaines qu'elle a reçus sur Instagram après l'appel qu'elle avait lancé. Ce sont ces récits et ces confessions qui vont l'amener à réaliser Moi aussi, un court-métrage de 17 minutes sur le sujet des violences sexuelles. Le film sera projeté le 15 mai lors de la cérémonie d’ouverture de la sélection Un Certain Regard. Le public cannois pourra le voir au Cinéma de la Plage. Le groupe France Télévisions le diffusera sur ses antennes la semaine suivante.
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Judith Godrèche, 52 ans, celle qui a osé dire tout haut, ce que le monde du cinéma dit tout bas, ou pas sur les violences sexuelles subies par les actrices et acteurs.
Pour ce court-métrage sonore et visuel intime, en forme d’œuvre chorale, la réalisatrice a recueilli des récits personnels de victimes : "Un millier de personnes y participent. La musique, la danse, l’image, l’imaginaire leur offrent un espace aussi physique que symbolique : être ensemble, en pleine rue, en plein jour, et occuper la ville comme un geste militant".
Affiche du 77e festival de Cannes
Avec cette projection, le Festival de Cannes veut "faire résonner ces témoignages". Moi aussi est "un film en forme d'œuvre chorale composé de récits personnels énoncés par fragments" mettant en scène "ce chemin âpre mais salvateur, de la douleur sans mots au début d'une libération par la parole", précisent les organisateurs. "Autant d’expériences individuelles qui s’ajoutent à la sienne (Judith Godrèche) et soulignent leur caractère tristement universel", ajoute le communiqué.
Son appel retentissant à l'action et à la responsabilité collective dans la lutte contre les abus sexuels persistant dans le cinéma français avait saisi par sa force et son courage, sa clarté et son assurance. Communiqué Festival de Cannes
"Exactement un mois après sa prise de parole salutaire, le 23 mars 2024, Judith Godrèche s’empare des deux moyens d’expression qu’elle connaît le mieux – l’écriture et le cinéma – et réunit des femmes et des hommes qui lui ont témoigné leur vécu traumatique", est-il précisé, "Son appel retentissant à l'action et à la responsabilité collective dans la lutte contre les abus sexuels persistant dans le cinéma français avait saisi par sa force et son courage, sa clarté et son assurance. Et largement dépassé le périmètre du 7e Art pour interroger l’ensemble de la société qui peine à ouvrir les yeux".
Judith Godrèche a joué dans une cinquantaine de films. Elle écrit et réalise son premier film Toutes les filles pleurent en 2010. En 2023, elle marque son retour des Etats-Unis, en réalisant une série Icon of French Cinéma diffusée sur Arte, qui traite de la relation entre une jeune actrice et un réalisateur, ce dernier lui fait subir des violences psychologiques et sexuelles.
Après s'y être longtemps refusé, l'actrice décide finalement de porter plainte début 2024 contre les réalisateurs français Benoît Jacquot et Jacques Doillon les accusant de viols et violences sexuelles et physiques lorsqu'elle était adolescente. Ces derniers nient ces accusations. Une enquête préliminaire a été ouverte à Paris contre les deux hommes.
Au lendemain de la soirée des Cesar, des élu.e.s ont souhaité rencontrer et auditionner Judith Godrèche. Comme l'actrice en avait exprimé le désir, l'Assemblée nationale vient de créer une commission d'enquête sur les "abus et violences" dans le cinéma, l'audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité.
Mais avant même la montée des marches, un nouveau rebondissement #MeToo pourrait faire trembler la Croisette. Depuis quelques jours, les réseaux sociaux font circuler la rumeur de l'existence d’une liste de dix noms de personnalités du cinéma français, impliquées ou accusées dans des affaires d'agressions sexuelles. Sur X, de nombreux posts évoquent une enquête journalistique, qui aurait permis de cibler dix personnalités. Selon le Figaro, sur cette liste figureraient des personnalités plutôt jeunes, des trentenaires et des quadragénaires. Rien ne permet de confirmer l'existence d'une telle liste aujourd'hui même si de nombreux médias ont repris cette information au cours des derniers jours.
Le 22 mai 2022, des militantes avaient déroulé une banderole sur les marches du Palais des festivals, portant les noms de 129 victimes de féminicides.
C'est de ce climat que le bal s'ouvrira sous la baguette de l'Américaine Greta Gerwig, 40 ans, première femme réalisatrice à présider le jury, et première réalisatrice à dépasser le milliard de dollars de recettes avec Barbie.
L'Américaine Greta Gerwig est la première réalisatrice à présider le jury du Festival de Cannes, en 76 ans d'existence.
A ses côtés, Omar Sy ou l'actrice amérindienne Lily Gladstone, révélée il y a un an à Cannes dans Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese. Parmi la centaine de films présentés toutes sections confondues, vingt-deux sont en compétition pour la Palme d'or, dont quatre seulement sont réalisés par des femmes. L'an dernier c'est le film de la Française Justine Triet Anatomie d'une chute qui décrochait la prestigieuse récompense, coup d'envoi d'un immense succès planétaire.
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