Fil d'Ariane
Explosions gore, déluge sanguinolent ... C'est le choix audacieux de Demi Moore, actrice emblématique des années 1990 pour son retour en haut de l'affiche. A 61 ans, elle incarne une héroïne en quête de jeunesse éternelle dans The Substance, film d'horreur féministe de la Française Coralie Fargeat et Prix du Scénario au Festival de Cannes 2024.
Avec The Substance, l'actrice Demi Moore, 61 ans, fait un retour remarqué en haut de l'affiche, et sur la croisette.
Comme un pacte avec le diable qui ne sera autre qu'elle-même... La "substance" permet à celui ou celle qui se l'injecte de produire une "meilleure version de soi-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite". Pour Elisabeth Sparkle, gloire du fitness à la télévision qui se voit sèchement mise à la porte le jour de ses 50 ans (incarnée par Demi Moore, épatante au fur et à mesure qu'elle vieillit artificiellement), la tentation est grande. Ainsi "nait" son avatar Sue, qui va marcher dans ses pas face à un producteur grossier incarnant le patriarcat (Dennis Quaid).
Seule condition, toutes deux doivent partager leur temps de manière égalitaire dans le monde extérieur (une semaine chacune). Sauf que Sue (Margaret Qualley, aussi convaincante angélique que démoniaque) en veut toujours plus...
A la réalisation d'un premier film d'horreur sur le viol (Revenge, en 2018), Coralie Fargeat porte cette fois son regard sur le corps des femmes, "problématique plus jeune, quand il n'est pas parfait ou trop gros, puis quand il vieillit".
Notre corps nous définit, génère des inégalités et de la violence, de notre propre part aussi. On est amenée de manière quasi obligatoire à le détester d'une manière ou d'une autre et on peut devenir notre premier instrument de torture. Coralie Fargeat, réalisatrice
"C'est quelque chose qui a un impact massif dans la vie des femmes et conditionne énormément de choses dans la société. Notre corps nous définit, génère des inégalités et de la violence, de notre propre part aussi. On est amenée de manière quasi obligatoire à le détester d'une manière ou d'une autre et on peut devenir notre premier instrument de torture", développe la réalisatrice de 48 ans.
Celle-ci illustre son propos "de manière hyperbolique" à grands coups d'aiguilles et de sang, "symboles de la violence de ce qu'on doit endurer en tant que femme".
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L'image soignée, les explosions gore, tantôt écœurantes tantôt comiques, et les deux actrices portent The Substance, pendant plus de deux heures. "Elles ont été assez incroyables, elles ont pris vachement de risques", estime la réalisatrice. "On sent que le film est incarné, il y a quelque chose qui s'est passé entre elles, qui a marché dans ce duo."
Quant à Demi Moore, "ce que je trouve génial, c'est qu'elle n'a pas eu peur ni de se dévoiler, ni du ridicule. C'était un saut dans l'inconnu, un tournage intense pour tout le monde, et elle y est allée, elle n'a rien lâché".
De gauche à droite, Dennis Quaid, Coralie Fargeat, Margaret Qualley, et Demi Moore lors de la première du film The Substance au 77e Festival du film international de Cannes, le 19 mai 2024.
Pourquoi, pour une réalisatrice française, baser son intrigue aux Etats-Unis et tourner en anglais, avec des stars américaines ? Car le pays a, plus que la France, "cette culture du film de genre, de l'excès, du non-réalisme" avec lequel Coralie Fargeat a "grandi". Le film de genre est celui qui lui "a donné envie de faire du cinéma", lui offrant d'abord "un échappatoire à la vie quotidienne", puis lui permettant, en tant que réalisatrice, de "créer (ses) propres codes" et de développer la dimension artisanale qu'elle apprécie.
Ça tombe bien, dans le sillage du mouvement #MeToo, Cannes ne s'est pas montrée insensible aux films de genre abordant la féminité, à l'image du Titane de Julia Ducournau, Palme d'or en 2021. Coralie Fargeat fantasme-t-elle le même destin ? "C'est évidemment quelque chose auquel on rêve, la plus belle des récompenses. C'est aussi un des propos du film : on cherche à être aimé", répond-elle. "Après, on sait que ce n'est pas entre nos mains. Déjà d'être ici, c'était une nouvelle tellement magnifique. Mais évidemment que je serais la plus heureuse si le film était remarqué".
Julia Ducournau, deuxième femme Palme d'or du festival de Cannes avec "Titane"
Pari d'ors et déjà réussi pour la réalisatrice. La projection du film dimanche 19 mai, vue comme un de ces évènements "chocs" dont se nourrissent les festivaliers, a été largement relayée par la presse française. "Retour monstrueux pour Demi Moore qui stupéfie le Festival de Cannes dans 'The Substance'" titre La Voix du Nord. "On tient le film choc de cette compétition 2024 !", parie le journaliste du quotidien. "Le vrai sujet, on le devine, c’est la détestation de son propre corps, sous l’injonction des hommes. Dès lors, les chevaux sont lâchés. Chairs en mutation, sculptures humaines difformes et hectolitres d’hémoglobine… Il faut avoir le cœur bien accroché", analyse-t-il.
Pour Le Monde, "La 'substance', c’est le fluide cracra qui éclabousse. En somme tout ce qui peut gicler sur le regard du spectateur". "Exit Julia Ducourneau, Palme d’or en 2021 pour Titane, place à Coralie Fargeat, repérée avec le sanguinolent Revenge (2017) et qui, dans la case 'cinéma de genre au féminin', entend frapper plus dru, plus lourd, plus fort", ajoute le critique.
Sur les réseaux sociaux, c'est l'emballement. "Coup de coeur", "On l'a notre Palme d'Or" ... De nombreux internautes ne se remettent pas du choc tout en saluant le retour de l'actrice Demi Moore. The Substance est le film dont "tout le monde parle".
Il sera couronné par le Prix du Scénario le 25 mai 2024.
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