Fil d'Ariane
Voilà quarante-cinq ans que le festival international de films de femmes de Créteil met en avant de la scène réalisatrices, actrices, monteuses, techniciennes, etc... du monde entier, des femmes qui, année après année, parviennent peu à peu à percer l'écran, pour ne pas dire le plafond de verre, du panthéon très masculin du cinéma.
Qui mieux pour représenter cette marche en avant que Jane Campion, première femme à avoir remporté une Palme d'Or au festival de Cannes (même si elle était partagée avec le réalisateur chinois Chen Kaige pour Adieu ma concubine). Elle avait déjà remporté une Palme alors qu'elle était encore inconnue pour son court-métrage Peel.
Pour son anniversaire, le festival a décidé de lui rendre hommage en programmant en ouverture le documentaire réalisé par Julie Bertuccelli, Jane Campion, la Femme Cinéma, portrait mérité et attendu de la cinéaste néo-zélandaise.
Retrouvez notre article ► La leçon de cinéma de Jane Campion
En clôture sera présenté le documentaire de l’Espagnole Ainara Vera, Polaris, sorti en 2022. Premier long métrage de cette réalisatrice espagnole qui en est aussi la cheffe opératrice et la monteuse. Le film raconte le parcours d'une capitaine de bateau partie naviguer dans les mers glacées de l'Arctique, loin des hommes, et qui va renouer avec sa soeur à la naissance de sa nièce. Un film intime et résolument féministe sur une capitaine ayant eu à se battre pour convaincre de sa légitimité dans un milieu largement masculin.
Les différents jurys remettront les prix récompensant la meilleure fiction, le meilleur documentaire et court-métrage. La chanteuse et comédienne Lio, présidente du jury fiction, est accompagnée de Leyla Bouzid (réalisatrice tunisienne, À peine j’ouvre les yeux, Une histoire d’amour et de désir), Margaux Lorier (productrice et coprésidente du collectif 50/50), Bernard Payen (programmateur à la Cinémathèque française, cinéaste et journaliste) et Laurette Polmanss (scénariste).
Six fictions, treize courts-métrages, six documentaires sont en compétition. Onze pays sont représentés.
Depuis la naissance du cinéma, en 1895, les femmes ont toujours été à tous les postes. Actrices, réalisatrices, scénaristes, scriptes, monteuses, cheffes opératrices, productrices, responsables de casting…
En France, le cinéma des femmes, presque inexistant à la libération, puis vigoureusement féministe dans les années 1970, s’est peu à peu imposé avec l’arrivée en force de nouvelles générations de réalisatrices, à partir des années 1990. Depuis sa création, en 1979, ce festival se bat contre les stéréotypes, contre l’effacement des femmes, de leur histoire, contre l’oubli de leurs rôles, pour l’égalité et la reconnaissance.
Trois artistes dont les parcours ont valeur d’exemple et incarnent cette révolution du cinéma au féminin,sont les invitées d’honneur de cette édition anniversaire : Agnès Jaoui - avec 6 Césars, elle est la femme la plus récompensée du cinéma français - après Rebecca Zlotowski et Coline Serreau. Au menu également, une soirée spéciale organisée autour d’Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022.
Pour célébrer son anniversaire, le festival a voulu partager avec le public son parcours historique en valorisant ses fonds d’archives pour proposer un florilège de 45 films puisés dans son matrimoine. Dans ce cadre, trois films de la cinéaste militante féministe américaine Lizzie Borden sont projetés en sa présence : son premier long métrage Regrouping, le portrait expérimental d’un collectif d’entraide lesbien ; Born in Flames, son film culte de science-fiction féministe qui continue, encore et toujours, d'inspirer par sa politique radicale et sans compromis ; et Working Girls, fiction documentaire en immersion dans une journée de la vie de travailleuses du sexe de la 24e rue à New York.
Le FIFF organise également la première rétrospective en France de la réalisatrice canadienne d'origine haïtienne Miryam Charles. Productrice et cheffe opératrice, elle signe une œuvre puissante sur les questions du deuil, de la mémoire et des origines, six courts-métrages et son premier long-métrage présentés en plusieurs langues, anglais, haïtien et français.
À (re)lire ►Annie Ernaux, prix Nobel de littérature : une vie de femme en Super 8
Le cinéma conjugé au féminin est un cinéma engagé qui porte les nombreux combats pour défendre les droits des femmes. En avant-première, le festival de Créteil a mis à l'affiche le film de la québécoise Geneviève Albert, Noémie dit oui, l'histoire d'une adolescente qui se retrouve piégée par amour dans un réseau de prostitution.
Ce jeudi 30 mars, un colloque traitera de l'émancipation des femmes par le cinéma, en présence de Michèle Perrot, historienne et grande figure de l'histoire des femmes, et de Geneviève Sellier, historienne du cinéma français et spécialiste du cinéma des femmes, entre autres.
À (re)lire ► Michelle Perrot ou les femmes au coeur de l'Histoire
Depuis plusieurs mois, les femmes iraniennes ont lancé un mouvement de protestation au péril de leur vie derrière le slogan désormais connu de toutes et tous, "Femme Vie Liberté", depuis rejointes par des hommes solidaires. Le FIFF a tenu à organiser une soirée consacrée au combat des Iraniennes, en programmant 5 courts métrages réalisés en 2022, réunissant de jeunes réalisatrices et réalisateurs qui abordent des aspects quotidiens de la répression en Iran.
La grande Musidora déjà mise à l’honneur au festival en 1987 et en 1995 est aussi de la partie pour ce 45e anniversaire. Vedette du cinéma français des années 1910, actrice, réalisatrice, productrice et première "vamp" du 7e art, Musidora fut de son vivant un mythe, dont on oublie souvent le passionnant parcours de cinéaste.
Retrouvez notre article ► Musidora, star absolue du muet, revient hanter le cinéma français
Pour "écouter les réalisatrices nous confier leurs secrets de fabrication, partager le plaisir de la mémoire et de l’exploration", comme le dit Jackie Buet, directrice du FIFF, rendez-vous à Créteil du 24 mars au 2 avril 2023, pour faire rimer cinéma et sororité !