Signe que la rentrée est bien réelle, chaque début septembre, la Fête de l’Huma, celle des militant(e)s communistes, syndicalistes, et volontaires associatifs. Un événement autant culturel que politique, avec cette année pour thème « Trois jours pour refaire le monde . Nous avons accompagné la documentariste Françoise Davisse dans « sa » Fête.
Chaque mois de septembre, dès l’aube et jusqu’ à la nuit tombante, 500 à 600 000 personnes déferlent à la Fête de l’Huma, rendez-vous politique et annuel qui attire des militants mais aussi des spectateurs désireux d’assister aux concerts et autres spectacles. On y sillonne des rues et places baptisées des noms de la meneuse de revue-résistante Joséphine Baker, l’écrivaine Edmonde Charles Roux, la cosmonaute russe Valentina Terechkova, la révolutionnaire Olympe de Gouges ou la prix Nobel de la paix yéménite Tawakkol Karman.
Sur les pas de Françoise Davisse, documentariste de choc
La thématique choisie pour l’édition 2016 de la Fête de l’Humanité était «
Trois jours pour refaire le monde ». Quelle femme choisir, dans ce cas, pour galvaniser notre réflexion et donner du sens à notre parcours ? Qui pour incarner au féminin ce nom de « camarade », décliné à l’aune du rôle des femmes dans l’histoire de la Commune de Paris, ou dans celle du Front Populaire en 1936, ou par Aminata Traoré, candidate altermondialiste à la succession du Secrétaire général des Nations-unies, ou encore Dilma Rousseff fustigeant la droite brésilienne après le coup d’Etat institutionnel dont elle vient d’être la victime ?
Françoise Davisse a l’engagement chevillé au corps. Elle a signé une bonne dizaine de documentaires depuis 2004. Le dernier, sorti en mars 2016, s’intitule «
Comme des lions » et
sort en DVD à la mi septembre. Il donne aux ouvriers de l’usine PSA d’Aulnay et à leurs leaders syndicaux la possibilité de se faire hérauts de la démocratie. Et cerise sur le gâteau, Françoise vit aujourd’hui, à 53 ans, sa 53ème Fête de l’Humanité. Oui, déjà au sein de sa mère, militante, elle y était !
Elle nous a donné rendez-vous dans l’espace de Saint-Denis, son « fief » à elle aujourd’hui.
Regard de femmes sur une grève d’hommes
Dans la salle de projection de la Halle Léo Ferré, la veille, de nombreux anciens « lions » étaient là, souriants. Françoise Davisse a vécu pendant près de deux ans à leurs côtés. Deux ans ponctués par des mois de concertation interne, de négociations, d’espoirs et de déceptions, puis par l’occupation de l’usine condamnée à la fermeture malgré les bons résultats du groupe. Deux ans où elle a suivi avec sa caméra, seule à la manœuvre, tous les instants d’une lutte sociale qu’elle juge « exemplaire », sans jamais que les travailleurs ne lui demandent d’arrêter de tourner, ne cherchent à se mettre en scène, et plus tard à orienter le montage, ou le commentaire.
Deux ans pendant lesquels Françoise Davisse, sans que cela ait été prévu au départ, a mis en veilleuse ses autres tournages tant le cas de l’usine PSA, dont un plan stratégique secret avait révélé la fermeture du site de fabrication d’Aulnay lui était apparu hautement symbolique des restructurations industrielles, des promesses mal tenues de reclassement des travailleurs, des difficulté des Pouvoirs Publics, même actionnaires, à peser dans les décisions et à moraliser les choix capitalistiques.
Un choix professionnel récompensé puisque Françoise Davisse a trouvé des producteurs, obtenu l’aide du GSARA en Belgique pour le montage, décroché après coup l’aide du CNC et de la Région Ile de France dont les fonds sont venus s’ajouter au financement participatif , et que « Comme des Lions a été récompensé au Festival « Filmer à tout Prix » qui lui vaudra prochainement une diffusion sur la RTBF en Belgique : « nous avons montré le film cet été au Festival « Cinéma sous les Etoiles » à Montréal, nous partons au Festival International du Documentaire (BIDF) à Budapest fin septembre, nous sommes demandés en Grèce en Espagne et nous avons fait une version en langue anglaise du film en espérant trouver des appuis aux Etats-Unis ».
Le fond de l’air était rouge
"Nous avons été ensemble, tout le temps, dans la vraie vie. Ce qui m’a intéressée dès le début de cette aventure humaine et cinématographique, c’est le sens du dialogue démocratique que les syndicalistes de PSA ont insufflé dans leur démarche. Les images des réunions en témoignent. Les prises de parole sont libres, inspirent ensuite le dialogue social. Ils peuvent être 200 à écouter, sans l’interrompre, l’un des leurs. Leur force était aussi manifestement dans leur unité intersyndicale et interpersonnelle, leur rapport d’égalité, leur sens du collectif. Le film a été présenté dans des Festivals (Angers, Poitiers), dans des salles de cinéma à Paris et en province, ainsi que dans des établissements scolaires à travers la France et beaucoup de spectateurs m’ont dit qu’il leur avait fait du bien. Ils avaient imaginé qu’un film de lutte allait être triste et, au contraire ils avaient trouvé des travailleurs se serrant les coudes et capables de s’organiser avec une exemplarité incroyable ».
Françoise Davisse a monté son film comme une fiction sans interviews. Les réunions et les actions se suffisent à elles mêmes. La réalisatrice s’est aussi employée à contrer certains médias qui présentaient le conflit d’Aulnay comme entaché par la volonté d’en découdre des manifestants. Parmi les séquences de « Comme des lions », on retiendra tout particulièrement celles qui font écho au pacte de non-violence décidé par l’ensemble des ouvriers, en toutes circonstances. Un pacte respecté, y compris lors d’un face à face avec les forces de l’ordre devant le siège du MEDEF (organisation patronale française). Françoise Davisse a réussi à capter les émotions, la détermination pacifique des manifestants, leur sens de l’humour aussi : embarqués à plusieurs dans un « panier à salade », ils y ont commencé une assemblée générale et inscrit sur la buée du pare-brise « nous sommes des ouvriers ».
Saint-Denis, une ville où, comme à New- York, chacun peut être ce qu’il est
Françoise Davisse, cinéaste et dynonisienne
Françoise Davisse multiplie les contacts à la Fête de l’Humanité à la fois pour faire rayonner son film et préparer son prochain documentaire. Dans l’espace de la Ville de Saint-Denis, elle redevient une militante de base, souriante, éclairée sur toutes les réalités des quartiers : « à Saint-Denis, on construit une nouvelle école chaque année. Avec ses 110 000 habitants, ses 135 nationalités ou origines, c’est à la fois la ville la plus ouvrière, la plus bretonne, et la plus pauvre de la région parisienne, avec un revenu moyen de 800 euros. Une ville où, comme à New- York, chacun peut être ce qu’il est ».
Femmes à tous les rayons
Cette année, une exposition était consacrée à la poétesse et romancière Elsa Triolet, dont peu de visiteurs savaient qu’elle avait conçu, pour plusieurs grands couturiers parmi ses contemporains, des bijoux très originaux « faits de neige et de rêve », réalisés avec des matériaux aussi simples que la pâte de verre, la porcelaine, le papier mâché. Une « aventure » professionnelle à laquelle elle avait associé son compagnon Louis Aragon, et qui lui avait inspiré quelques anecdotes savoureuses sur le milieu de la mode dans « Colliers ».
Le comédien Stephane Foenkinos a, lui, été photographié sous les traits de 55 femmes politiques du monde entier pour le collectif 55 femmes