Filles ou garçons : qui a le pouvoir ?

Dès l’âge de quatre ans, les enfants, surtout les garçons, associent généralement pouvoir et masculinité, et ce même dans des pays considérés comme moins inégalitaires comme la Norvège. C’est ce que rapportent des scientifiques dans une étude publiée dans la revue scientifique spécialisée sur les questions de genre Sex Roles.
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Qui de Batman ou de Wonderwoman a le plus de pouvoirs ? Chez les enfants, dès 4 ans, le pouvoir se conjugue plus au masculin qu’au féminin.
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A tous les coups, c'est le garçon qui commande... Voilà ce qui ressort de cette étude menée par l’Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1), en collaboration avec les universités d’Oslo (Norvège), de Lausanne et de Neuchâtel (Suisse), et publiée début janvier dans la revue Sex Roles.

Cette étude a porté sur plus de 900 enfants de 3 à 6 ans.
 
Dans les interactions entre des figures masculines et féminines, les enfants ont tendance à associer l'individu qui domine au masculin.
Jean-Baptiste Van Der Henst, chercheur au CNRS à Lyon
Premier test, visuel : sur une feuille, deux enfants sont dessinés. L'un dans une posture de domination, l'autre représentant la subordination. Aucun des deux personnages n'offre le moindre indice sur son genre et pourtant, "à partir de quatre ans, une large majorité d’enfants considère que le personnage dominant est un garçon", rapportent les chercheurs. Qu'ils soient garçons ou filles, qu'ils vivent au Liban, en France ou en Norvège.
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Deux silhouettes, non genrées, sont présentées aux enfants, l'une dans une position dominante. Qui est le garçon ? Qui est la fille ?
© Julien Wolga (CC BY-NC-SA)
"Dans les interactions entre des figures masculines et féminines, les enfants ont tendance à associer l'individu qui domine au masculin", explique Jean-Baptiste Van Der Henst, de l'Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod, coauteur de cette étude.
 

"Nous avons été étonnés de ne pas avoir de différence entre les pays, notamment entre le Liban et la Norvège", considérée comme moins inégalitaire sur cette question, avoue le chercheur.

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©CNRS

Lors d'un autre test, on a demandé aux enfants de choisir dans la peau duquel des deux enfants dessinés ils se verraient bien.

Résultat: si les garçons ont désigné le dominant, les filles, lorsqu’elles s'imaginaient face à un garçon, se sont indifféremment identifiées à l’un ou l’autre des personnages. "Les petites filles sont moins enclines à considérer que le genre qui domine est celui des garçons", note le chercheur CNRS.

Au Royaume-Uni, une expérience autour d'un jeux de cartes ... 
Cette  partie de jeu de cartes avec des enfants va mettre en évidence un préjugé sexiste. 

FCB Inferno, l'agence derrière This Girl Can, est à l'origine d'une campagne baptisée #QueenRules. Ce film soulève d'importantes questions sur ce que nous enseignons inconsciemment aux enfants sur le genre. Cette expérience visait à voir comment les adultes géreraient les préjugés sexistes lorsque les cartes sont sur la table. Enseigneraient-ils aveuglément aux enfants que les garçons sont meilleurs que les filles? Ou changeraient-ils les règles?

Inspirés par une vraie conversation avec une fille de cinq ans sur les raisons pour lesquelles les rois étaient «meilleurs» que les reines, nous avons demandé aux adultes d'apprendre à une petite fille un simple jeu de cartes. Mais en expliquant pourquoi les rois gagnent sur les reines, ce sont les adultes qui ont appris quelque chose de bien plus important.

Le film de 60 secondes a été produit par Archer’s Mark et réalisé par Libby Burke Wilde, avec le producteur Jo-Jo Ellison. Le projet Queen Rules a été lancé lors de la Journée internationale des femmes du 8 mars 2018. Des événements en direct et des tournois de poker simultanés ont eu lieu dans le monde entier pour marquer le lancement officiel des nouvelles règles, selon lesquelles les reines l'emportent sur les rois. Les joueurs ont utilisé des jeux de cartes en édition limitée illustrés par seize artistes féminines pour célébrer les femmes puissantes de toutes formes et tailles différentes. Tous les profits des événements en direct et des produits dérivés (tee-shirts et cartes à jouer), étaient destinés à  HeForShe, une campagne de solidarité pour la promotion des femmes lancée par ONU Femmes.

Au jeu des marionnettes, le garçon gagne (presque) toujours

Poursuivant leur recherche, les chercheurs ont ensuite fait le choix de confronter les enfants à des personnages très genrés: une marionnette fille et une marionnette garçon. L'expérience a été menée chez des petites filles et garçons âgés de 4 et 5 ans au Liban et en France. Ils ont assisté à plusieurs scénettes, imaginées à la manière d'un dessin animé. Les deux figurines jouent d'abord ensemble devant les enfants puis disparaissent de leur champ de vision tout en continuant à discuter, mais derrière un cache. Petite précision, les marionnettes sont manipulées par le même conteur et parlent avec la même voix afin qu'il soit impossible de les différencier.

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Les stéréotypes continuent à se reproduire dans le secteur des jouets, ici des marionnettes de métiers pour "garçons" ?
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Rapidement, l'une impose ses choix à l'autre. Dans une première scène, les marionnettes s’apprêtent à jouer ensemble et l’enfant entend l’une imposer ses choix à l’autre. Dans une séquence suivante, une marionnette dispose de plus d’argent que l’autre pour acheter des glaces. En France comme au Liban, la plupart des garçons ont considéré que la marionnette qui imposait ses choix ou qui avait plus d’argent était la marionnette masculine. Par contre, les filles des deux pays n’ont pas attribué de position dominante préférentiellement à l’un ou l’autre genre.

"Les garçons ont tendance à dire que c'est la marionnette garçon qui décide alors que les filles n'assignent pas plus la posture de pouvoir à la marionnette garçon qu'à la marionnette fille", résume Jean-Baptiste Van Der Henst.

"On a, au niveau global, une tendance à associer masculinité et pouvoir mais avec des variations selon le genre des participants dans certaines expériences", résume-t-il.

Pourquoi cette variation? Dans la première expérience, le pouvoir est exprimé par une posture. "Peut-être que cette forme de pouvoir un peu agressif, coercitif, est davantage associée à quelque chose de masculin", avance le chercheur.