Fiona Kolbinger, plus rapide que les hommes : une femme remporte la "Transcontinental Race"

Elle s'appelle Fiona Kolbinger, elle est chercheuse en oncologie pédiatrique, passionnée de musique classique et de vélo. Ce 6 août 2019, elle a marqué l'histoire du sport en remportant, au nez et à la barbe de ses concurrents, la "Transcontinental Race", une course cycliste d'ultra-endurance à travers l'Europe. Car si les hommes profitent d'une puissance musculaire supérieure, en endurance, les femmes reprennent l'avantage. 
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Dès le point de contrôle numéro 2, Fiona Kolbinger se classait première parmi les concurrentes de la "Transcontinental Race".
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A 24 ans, l'Allemande Fiona Kolbinger vient de remporter la septième édition de la "Transcontinental Race", la transcontinentale cycliste. Elle est la première femme à s'imposer dans cette épreuve. La jeune Dresdoise qui portait le dossard 66 a mis 10 jours, deux heures et 48 minutes pour traverser six pays - la Bulgarie, la Serbie, la Croatie, la Slovénie, la Suisse et la France, avec des incursions en Autriche et en Italie.

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Carte interactive permettant de suivre la route de la "Transcontinental Race", parcouru par chacun.e des cyclistes. A retrouver ici
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La transcontinentale est une prestigieuse course cycliste mixte de près de 4 000 km, créée par le champion Mike Hall, mort percuté par une voiture en pleine course en 2017. Les 263 concurrents, dont 40 femmes, sont partis le 27 juillet de Burgas, sur la côte de la mer Noire, en Bulgarie. Ils ont parcouru en moyenne 350 kilomètres par jour, à travers champs, villes et montagnes d'Europe - le 4e jour, Fiona Kolbinger a parcouru 475 km à une vitesse moyenne de 26,9 km/h.

Il était 7h48 ce 6 août lorsqu'elle a franchi la ligne d'arrivée à l'auberge de jeunesse de Brest devant une poignée de curieux, avec plusieurs heures et près de 200 kilomètres d'avance sur le deuxième. 
 

"Je suis tellement surprise de gagner. Je visais le podium des femmes, jamais je n'aurais pensé gagner la course, déclare-t-elle sur le site officiel de la course. J'aurais pu attaquer encore plus, et dormir encore moins". Difficile de dormir moins, pourtant, lorsque l'on sait que la sportive s'est contenté de 3 à 5 heures de sommeil par nuit après 17 à 20 heures d’effort quotidien - et parfois d'un simple bivouac au bord de la route.

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Fiona Kolbinger sur la route du Tour de France : sur le bitume, le nom des coureurs de la Grande Boucle.
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Car la transcontinentale se dispute en autonomie totale : les concurrents sont livrés à eux-mêmes, sans aucune assistance mécanique, d'orientation ou logistique de la part d'une équipe ou des organisateurs. L'avantage, c'est que l'investissement reste minime - un bon équipement, de modestes frais d'inscription pour assurer les infrastructures aux étapes obligatoires et quelques jours de congé suffisent, théoriquement, pour se lancer dans la course. Autre avantage, chacun détermine son parcours et le gère comme il l'entend. Fiona Kolbinger s'est même accordée une petite pause détente en musique dans un hôtel de Bourg d'Oisans.

Pour manger, les concurrents s'approvisionnent auprès des stations-service, épiceries, marchés, restaurants qui jalonnent leur itinéraire. Un itinéraire qu'ils doivent concevoir eux-mêmes, et s'y tenir, en respectant quatre points de contrôle obligatoires, dont le célèbre col du Galibier, un classique du Tour de France, à 2 645 mètres d'altitude. 
 

Fiona Kolbinger, une grande sportive ? En toute discrétion, alors, du moins jusqu'à présent, car si les gagnants des éditions précédentes pouvaient être attendus, comme le triple vainqueur Kristof Allegaert, également premier de la Red Bull Trans Siberian Extreme, ou James Hayden, vainqueur des deux dernières transcontinentales, la jeune Allemande, elle, reste inconnue dans le circuit du cyclisme extrême. Les organisateurs de la course eux-mêmes avouent ne pas en savoir davantage : première inscription à la "Transcon" en 2019 et aucune expérience de sportive de haut niveau, hormis sa participation au club de triathlon d'Eppenheim, une petite ville du sud de l'Allemagne. Et c'est son absence d'expérience, davantage que sa féminité, qui surprend dans cette victoire.

Martin Thomas, qui suivait la course avec le sponsor Fizik, se souvient d'elle au troisième point de contrôle: "Je n'en revenais pas. Elle arrive deux heures avant les autres, puis elle lâche, l'air de rien, que c'est la première fois qu'elle fait les Alpes à vélo et qu'elle n'a jamais fait de compétition. Jamais. Tout cela en restant modeste et cordiale. Mais sous cette façade sympathique, il y a une killeuse."
 

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Fiona Kolbinger au  Col du Galibier, après sept jours et demi et 2500 kilomètres de course  : "Je sais très bien me tenir à table, mais là, je ne suis pas à table."
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C'est son ami Björn Lenhard qui l'a entraînée dans l'aventure, et à cette course dont il était le favori, avant de devoir jeter l'éponge. "Fiona est très forte, confie-t-il à la presse anglophone en ligne Et c'est une cycliste complète. Car dans cette course, il ne suffit pas d'être fort, il faut savoir réfléchir, planifier, réparer son vélo..."

Car la transcontinentale, c'est savoir gérer son itinéraire, ses efforts et la privation de sommeil sur la durée, un peu comme un navigateur en mer ou un alpiniste en haute montagne. C'est aussi ne pas se laisser dépasser par les mille petits obstacles et petites blessures du quotidien de la course. "C'est savoir résister et se forcer à continuer, à n'importe quel rythme, toujours aller de l'avant. C'est difficile, très loin de la zone de confort et ça fait mal.... Pour chaque moment de grâce, il y en a dix de pénibles ," se souvient le cycliste Jo Burt, concurrent malheureux de la "Transcon" en 2017.
 

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Fiona Kolbinger et Björn Lenhard à Pettneu, en Autriche.
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En 2013, il n'y avait que trois concurrentes à la "Transcon". Cette année, elles étaient 40. Les chances de voir une femme remporter la compétition augmentent avec toutes celles qui viendront grossir les rangs des inscrits. Qui dépasseront les barrières psychologiques qui, selon l'agence gouvernementale britannique Sport England, continuent à retenir les femmes dans le cyclisme : la peur du regard des autres, la sensation de ne pas être à la hauteur et un manque de confiance en soi. Fiona Kolbinger ne s'est pas arrêtée à cela, et grand bien lui en a pris.

Selon une étude réalisée en 2013 sur les participants au Swiss Cycling Marathon,  les femmes ont beau être défavorisées en puissance musculaire, elles ont tendance à reprendre l'avantage dans les courses de longue distance. Plusieurs explications sont avancées : elles résistent mieux à la fatigue musculaire et régulent mieux leur rythme. Une autre étude réalisée en 2012 conclut que les femmes ont une capacité de résistance à la fatigue sur les efforts très longs supérieure aux hommes.  

C'est un sport où tout se joue à la force mentale. Et les femmes sont très fortes.

James Hayden, cycliste d'ultra-endurance
 

Bernard Godon, médecin du sport au Centre hospitalier universitaire de Liège cité par nos confrères de la RTBF, explique que les femmes présentent "une prédisposition physiologique qui leur permet de mieux métaboliser les graisses, c'est-à-dire de mieux rentabiliser l'utilisation de l'oxygène, qui leur permet d'être plus efficaces plus longtemps. Ajoutez à cela l'opiniâtreté dont les femmes peuvent faire preuve, et
vous avez là un cocktail gagnant qui s'expliquerait aussi par une prédisposition hormonale à mieux encaisser une certaine forme de douleur
."


"La performance de Fiona Kolbinger n'est pas une suprise, dit James Hayden, cycliste d'ultra-endurance. C'est un sport où tout se joue à la force mentale. Et les femmes sont très fortes. Les plus belles performances de ces dernières années sont venues des femmes, Jasmin Paris, par exemple." La Britannique Jasmin Paris est arrivée première de la Montane Spine Race 2019 ; l'Américaine Pam Reed remportait l'ultramarathon de Badwater en 2002 et 2003 ; une autre Américaine, Courtney Dauwalter, a fait sensation en gagnant le Moab 240 en 2017 et la Western States 100 en 2018. En cyclisme, l'Américaine Lael Wilcox a gagné la Trans Am Bike Race en 2016, en 18 jours et dix minutes. 

"La vraie question, ce n'est pas : est-ce qu'une femme peut gagner ? Il faut juste attendre la bonne. J'espère que cette victoire va donner aux femmes l'envie d'aller plus loin, de participer plus nombreuses et de faire avancer le sport vers de nouveaux horizons," assure James Hayden.