Fil d'Ariane
#HurricaneFlorence is expected to produce total rainfall accumulations of 20 to 30 inches with isolated maximum amounts of 40 inches. These numbers are hard to comprehend, but based on past experience, this amount of rain produces life-threatening, catastrophic flooding. pic.twitter.com/86zX1GzhVF
— NWS (@NWS) 12 septembre 2018
TRUMP'S MESSAGE TO CITIZENS IN THE
— Tony Medina (@PoetTonyMedina) 12 septembre 2018
PATH OF HURRICANE FLORENCE:
"STORM BIG.
STORM BAD.
STORM WET."
Les dévastations pronostiquées allaient donc confirmer l'étude statistique menée en juin 2014 par des chercheurs de l'Illinois et sobrement intitulée : "Female hurricanes are deadlier than male hurricanes" (Les ouragans féminins sont plus meurtriers que les masculins).
Il faut bien reconnaître que lorsqu'on avait lu la dépêche de l'Agence France presse rendant compte de ce résultat en apparence si sérieux, on avait regardé si le 1er avril était vraiment loin derrière nous. Et puis en se voyant confirmer que nous étions bien le 2 juin 2014, on s’était pincée pour être sûre qu'on ne rêvait pas.
L'information est bien plus sérieuse qu'il n'y paraît et pourrait avoir des conséquences dramatiques en matière d'égalité des sexes. Ou pas. C'est qu'il faut avoir un peu la tête à l'envers pour l'appréhender. Des chercheur.e.s sont parvenu.e.s à une conclusion en forme de diktat au sujet des ouragans destructeurs à répétition et sans doute plus nombreux à l'avenir. Ils ne demandent pas qu'on réfléchisse à des nouveaux modes de vie et de consommation pour réduire le réchauffement climatique. Ils ne demandent pas qu'on repense les moyens de transport ou de production industrielle pour limiter les gaz à effet de serre. Ils nous enjoignent à ne baptiser que de prénoms masculins les déferlantes cycloniques qui balayent les côtes, qu'elles soient américaines, asiatiques ou européennes.
"Un ouragan avec un nom à consonance masculine cause en moyenne 15,15 morts tandis qu'un ouragan avec un nom féminin tue environ 41,84 personnes". Vous avez bien lu. Cette phrase est extraite d'une étude parue dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), très sérieuse revue éditée depuis 1915 pour être la caisse de résonance de la non moins officielle Académie américaine des sciences. Il n'y a pas de point d'interrogation à la recherche menée : "Female hurricanes are deadlier than male hurricanes - les ouragans féminins sont plus meurtriers que les ouragans masculins".
Les ouragans à prénoms féminins (au contraire des ouragans baptisés au masculin) entraînent de façon signifiante plus de morts, parce que, semble-t-il, ils conduisent à une perception amoindrie des risques et par conséquent à une préparation moins efficace.
Université de l'Illinois
L'étude n'est malheureusement accessible qu'en lien payant mais on peut quand même s'en faire une idée grâce à la note d'intention et à l'extrait publiés.
Note d'intention : "Les météorologues et les scientifiques de la terre ont appelé à une plus grande attention portée sur les facteurs sociaux pour l'élaboration de réponses aux catastrophes naturelles. Nous avons donné suite en jetant un éclairage sur des facteurs sociaux inexplorés, des prévisions liées au genre, à partir du bilan humain des ouragans auxquels on a donné des noms clairement sexués. Les ouragans à prénoms féminins (au contraire des ouragans baptisés au masculin) entraînent de façon signifiante plus de morts, parce que, semble-t-il, ils conduisent à une perception amoindrie des risques et par conséquent à une préparation moins efficace. Si l'on use de noms comme Eloise ou Charlie pour désigner les ouragans, c'est parce que les météorologues pensaient ainsi mieux faire passer l'information autour des tempêtes. Or nous voyons que cette pratique puise aux stéréotypes de genre très répandus, avec des conséquences potentiellement mortelles. Les analyses de notre recherche sont à discuter pour mieux comprendre et façonner les réactions humaines face aux catastrophes naturelles."
C'est vrai ça : est-ce qu'on va m'obliger à me calfeutrer en m'annonçant que cette très chère et douce Eloise va frapper à ma porte dans une demi heure ? Ne serais-je pas amenée à descendre au plus vite à la cave parce que ce terrible Charlie est décidé à me rendre une visite impromptue ?
Extrait : "Les gens jugent-ils les risques tempétueux et ouraganesques à l'aune de réflexes de genre ? Pour répondre à cette question nous nous sommes appuyés sur plus de six décennies de taux de mortalité consécutifs aux ouragans, aux Etats-Unis, pour montrer que les noms féminins attribués aux tempêtes entraînaient plus de morts que les masculins. Les expérimentations montrent que c'est parce que le sexe des noms entraine inconsciemment une interprétation de l'indice de sévérité de l'ouragan à venir, et donc des réponses plus ou moins appropriées face aux risques imaginés. Cela entraîne donc une malheureuse et inattendue conséquence des noms d'ouragan selon leur genre, à prendre en compte de façon importante par les politiciens, les médias, et tous ceux concernés par la communication et la prévention des ouragans."
Un ouragan nommée au féminin, surtout lorsqu'il est affublé d'un prénom aussi féminin que Belle ou Cindy, peut apparaître comme particulièrement gentil et moins violent
Sharon Shavitt
Sharon Shavitt a co-signé l'étude. Elle est professeure en marketing dans l'Illinois et on se demande bien ce que le marketing vient faire au milieu des ouragans (est-ce qu'on va les vendre ?)… Ca ne l'empêche pas d'être formelle et de donner des leçons de savoir vivre aux responsables américains, citée dans les colonnes de Usa Today : "Lorsqu'ils doivent juger de la gravité d'une tempête, les gens appliquent leurs croyances sur les comportements féminins et masculins. Cela fait qu'un ouragan nommée au féminin, surtout lorsqu'il est affublé d'un prénom aussi féminin que Belle ou Cindy, peut apparaître comme particulièrement gentil et moins violent."
Mais peut-être que quelque part vivent une peste prénommée Cindy et une terreur appelée Belle !
Inutile de dire que l'affaire fait polémique, méthode et résultats sont contestés ou applaudis. "Très problématique et trompeur", accuse un universitaire de Floride, "hasard statistique" constate le directeur du Centre national de la recherche atmosphérique. Les reproches portent sur l'élimination de cataclysmes jugés trop meurtriers par les statisticiens (Katrina 1500 morts en 2005 ou Audrey, 400 en 1957, ils auraient pourtant pu enfoncer le clou de la thèse) ou de ceux qui ont frappé ailleurs qu'aux Etats Unis (Mitch, 19 000 morts en Amérique centrale en 1998 - il aurait amené à des conclusions exactement contraires à lui tout seul).
D'autres experts plus pragmatiques commentent les conclusions masculin/féminin d'un "on ne sait jamais" ou "faut voir"
Depuis la publication de l'étude, le PNAS a ajouté les réponses d'autres universitaires qui argumentent contre ces résultats jugés hasardeux. On avoue n'avoir pas tout compris, mais en gros, ils contestent l'hypothèse de départ : "En analysant de nouveau les mêmes données, nous montrons que la conclusion est fondée sur une présentation biaisée et des statistiques invalides."
Tandis que Steve Maley l'assure : "Pendant plus de 30 ans sur la côte du Golfe du Mexique, mes évacuations d'ouragans n'ont révélé aucun parti pris sexiste (Andrew, Lili, Rita et Gustav)." (Cela dit, les recherches de ce savant portent habituellement plus sur des questions vétérinaires que météorologiques...)
On apprend à cette occasion que c'est l'Organisation mondiale de météorologie qui choisit les noms des tempêtes à venir, plusieurs années à l'avance, sans savoir combien il y en aura, encore moins de quelle intensité elles seront. Du début des années 1950 à la fin des années 1970, seuls des prénoms féminins furent choisis. Et là les explications divergent. Les tenants de la version officielle disent que c'est parce que selon la croyance populaire "les humeurs des femmes sont aussi imprévisibles que les tempêtes", et donc hop prénom féminin à toutes ces méchancetés tombées du ciel (ce qui est assez contradictoire avec l'hypothèse "douceur du féminin" de l'étude susmentionnée).
La version alternative indique que parce que les scientifiques étaient majoritairement des hommes (supposés hétérosexuels) et qu'ils adoraient leurs découvertes (tous domaines confondus), ils les affublaient d'un petit nom féminin. Mais depuis l'émergence du mouvement féministe, la météorologie mondiale aurait décidé, pour éviter d'être taxée de sexisme, de baptiser les ouragans d'un prénom tantôt féminin, tantôt masculin.
Le plus drôle dans cette histoire de plus en plus tragique des éléments déchainés, c'est que s'il y a des mots qui oscillent d'un genre à l'autre au gré des langues, ce sont toutes ces choses qui peuplent l'univers : LE soleil (en français) est LA soleil en russe ou en allemand. Tandis que LA lune (en français), est LE lune en russe ou en allemand. Et comme on le sait, ces deux là se font une joie de manipuler les vents, les nuages et autres tsunamis.
Il y a aussi ce concept céleste, plus meurtrier à lui tout seul que tous les cataclysmes réunis, Dieu, l'a-t-on appelé. Un nom au masculin, dans toutes les langues. Information à transmettre d'urgence aux auteur.es de l'étude ci-dessus commentée…