Etudiante, haut fonctionnaire, cheffe d'entreprise, médecin… Issues d'horizons divers mais toutes engagées, 40 jeunes femmes francophones ont pour mission de rédiger un livre blanc pour faire entendre leurs voix à l'occasion du Forum mondial des femmes francophones, invitées par l'Office franco-québécois de la Jeunesse. Leurs thématiques de travail : violences, éducation, entreprenariat.
Karine Awashish
"Je suis une fille engagée pour le développement social et économique de ma communauté, les
Atikamekw d'Opitciwan [une des nations autochtones du Québec, ndlr]. J'ai notamment accompagné le développement d'une coopérative de produits artisanaux. Pour moi, penser le développement, c'est penser aux jeunes, se mettre à leur place et travailler pour leur avenir. C'est aussi penser aux jeunes filles qui, dans ma communauté, se retrouvent mères très jeunes, ce qui freine leur accès à l'éducation et au marché du travail. A Opitciwan, 95% des habitants ont vécu un traumatisme physiques ou psychiques. Les problèmes sont lourds et multiples : pauvreté, violence, isolement social… Pour s'en sortir, il faut miser sur l'éducation, c'est la clef du développement. En participant au Forum des femmes francophones, je viens chercher des expériences et des méthodes qui ont fait leur preuve. Je viens aussi m'inspirer des techniques de participation et de concertation que l'on met en place entre nous pour écrire notre notre livre blanc. C'est une dynamique que j'aimerais mettre en oeuvre dans ma communauté." Trois mots pour définir la femme francophone ? "Battante, en lien, attachée aux valeurs"
Lydie Hakizimana
Rwandaise - cheffe d'entreprise
"J'ai ouvert il y a 7 ans une maison d'édition spécialisée dans les livres scolaires anglophones, en m'associant à un éditeur britannique. J'avais alors 25 ans et une seule personne sous mes ordres. Aujourd'hui, j'ai en charge 150 salariés. En tant que jeune femme, ce n'est pas simple d'imposer son autorité. Parfois, je me rends compte que je suis très dure. Mais je dois en passer par là pour me faire respecter. Au Rwanda, 41% des chefs d'entreprises sont des femmes. Les autorités, tant au niveau national que local, poussent vraiment les femmes à s'affirmer, à créer et à participer au développement du pays. A compétence égale, on a tendance à favoriser la candidature d'une femme plutôt que celle d'un homme ! Après le génocide, de très jeunes femmes se sont retrouvées cheffes de familles. Elles ont appris à se faire entendre et à mener leur vie sans être sous la coupe d'un homme. Au sein du Forum, je veux partager mon expérience et montrer qu'il est possible pour une femme de créer son entreprise, même en Afrique, même dans un pays meurtri par un génocide. Je suis là pour apporter un message d'espoir. " Trois mots pour définir la femme francophone ? "Partage, courage, dignité"
Lana Velimirovi-Vukalovi
Croate - Conseillère droits humains pour le gouvernement croate
"La Croatie vient de voter une loi anti-discrimination qui va plus loin que la législation européenne et qui réaffirme le principe d'égalité entre les sexes. Des formations ont été mises en place à destination des juges et des policiers pour qu'ils apprennent à gérer au mieux ces plaintes qui dénoncent une discrimination. Par ailleurs, des coordinateurs spécialisés sur les questions de genre ont été nommés au niveau des régions pour faire remonter les dysfonctionnements. On est dans une bonne dynamique. A l'occasion de ce forum, j'espère que l'on va construire un réseau fort pour faire valoir des expertises uniques qui pourront nous permettre de développer, chacune dans notre pays, des stratégies efficaces. Personnellement, j'ai été très surprise de rencontrer autant de jeunes femmes âgées de moins de trente ans à la tête d'entreprises. En Croatie, les femmes rêvent de se lancer dans l'entreprenariat mais peu y parviennent. Elles sont souvent fragilisées par des crédits personnels et n'arrivent pas à obtenir la confiance des banques, d'autant que le contexte économique n'est pas favorable." Trois mots pour définir la femme francophone ? "Déterminée, charmante, intelligente"
Kafui Ameko,
Togolaise - conseillère genre au ministère du Développement et de la Jeunesse
"Mon travail consiste à faire valoir des projets portés par des femmes au sein de mon ministère. Au Togo, les jeunes femmes sont totalement absentes du monde de l'entreprise. En moyenne, sur dix projets financés par des aides publiques, seulement deux sont portés par des femmes. Les jeunes filles ont aussi du mal à s'imposer dans le milieu associatif. A peine un tiers des associations de jeunes ont une femme à leur tête. Donc, à mon poste, j'essaie de les valoriser pour qu'elles bénéficient autant que les jeunes hommes des plans mis en place par le ministère. Mais il faut que les femmes prennent confiance en elles et osent s'affirmer. Sans cela, quoi que fassent les autorités pour promouvoir l'égalité entre les sexes, ça ne marchera pas. En échangeant avec d'autres femmes francophones en cours du forum, je me suis rendue compte que les problèmes que rencontrent les femmes africaines ne sont pas spécifiques à notre continent. En Europe ou en Amérique, les problèmes de fond sont identiques ! Trois mots pour définir la femme francophone ? "Diversité, unité, culture"
Nahla Drissy
Lybienne - fondatrice de l'ONG H20
"Après la révolution, j'ai fondé une ONG pour faire le lien entre jeunes et gouvernement, pour que, d'un côté, les jeunes comprennent les enjeux de la transition et, de l'autre, pour que le gouvernement écoute la voix des jeunes. En ce moment, on travaille beaucoup sur la thématique des violences et notamment du harcèlement. En Libye, toutes les femmes subissent le harcèlement dans la rue, les transports, au travail… Personne n'y échappe. Avec la BBC, on a monté un clip pour sensibiliser les jeunes et faire évoluer les mentalités. Mais en discutant avec d'autres femmes du forum, j'ai réalisé que le harcèlement existe aussi en France, au Canada... Partout, les femmes sont victimes des mêmes types de violences." Trois mots pour définir la femme francophone ? "Culture, style de vie, éducation."
Magali Girod
Française - Consultante en santé maternelle et reproductive
"Travaillant au Mali et au Burkina Faso, je suis très sensible au problème des mariages forcés qui touchent des fillettes de 10, 12 ans. Enceintes, elles ne vont plus à l'école. Au moment de l'accouchement, elles rencontrent souvent des complications car leur corps n'est encore assez mature pour mettre un enfant au monde. Elles peuvent alors souffrir de fistules et se faire rejeter par leur communauté. Je souhaiterais que cette problématique, même si elle assez spécifique, soit prise en compte dans le livre blanc que nous sommes en train de rédiger. Nous avons recueilli des témoignages très poignants. En Afrique, il est difficile d'en parler. C'est encore très tabou. Au niveau international, c'est une thématique de mieux en mieux prise en compte. Mais il ne faut pas baisser la garde." Trois mots pour définir la femme francophone ? "Diversité, force de changement, ouverture sur le monde"
Au travail !
Au travail !
Le livre blanc “Un genre de printemps“
Les recommandations des 40 jeunes voix pour une Francophonie au féminin