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La nomination de Damien Abad, handicapé par une maladie rare, au poste de ministre des Solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées était un symbole, applaudi par les acteurs du secteur. Mais visé par des accusations de viols, son maintien au gouvernement était devenu impossible.
"Hors du gouvernement, Damien Abad pourra se défendre et la justice pourra faire son travail sereinement", a commenté la Première ministre Elisabeth Borne dans une interview au magazine Elle à paraître mercredi 6 juillet.
Les accusations qui l'ont conduit à partir sont des "calomnies ignobles", ainsi qu'une "redoutable arme politique dans les mains d'esprits malveillants", a déclaré l'ex-ministre en transmettant ses pouvoirs à son successeur, Jean-Christophe Combe.
"Je me défendrai sans relâche jusqu'à ce que la justice confirme mon innocence", a-t-il ajouté, remerciant au passage le président Macron pour la "confiance" qu'il lui a témoignée "depuis le début".
L'enquête pour tentative de viol a été ouverte le 28 juin à la suite d'une plainte déposée par une femme, dont le témoignage avait été publié par le site d'information Mediapart mi-juin sous le prénom d'emprunt de "Laëtitia". Les investigations ont été confiées à la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), selon le parquet de Paris.
Selon le site d'investigation, il s'agit d'une "élue centriste" qui était, au moment des faits qu'elle dénonce, présidente d'une fédération du mouvement de jeunesse du Nouveau centre, dont Damien Abad, alors député européen, était le président national.
"C'est un très bon signal pour les victimes. Ma cliente a foi en la justice", a réagi auprès de l'AFP l'avocate de la plaignante Me Raphaële Bialkiewicz.
Le soir des faits, selon son récit, Damien Abad lui a "offert un verre" au fond duquel elle a vu "quelque chose": méfiante, elle est allée recracher sa gorgée aux toilettes. Toujours selon ses dires, il l'attendait derrière la porte et tout est allé "très vite": l'eurodéputé l'aurait "poussée dans une pièce en face" puis aurait tenté de la contraindre à une fellation.
"J'avais peur, j'étais sidérée. Je me suis débattue, je l'ai frappé dans le ventre", raconte-t-elle. "Laëtitia" dit avoir finalement pu "se défaire" de son agresseur présumé et sortir de la pièce grâce à l'irruption d'un convive.
"L’ouverture d’une enquête préliminaire est une non-information puisque chacun sait que toute plainte enregistrée, fût-elle infondée, prescrite et fermement contestée, est systématiquement suivie de l’ouverture d’une enquête préliminaire", ont affirmé les avocats de l'ex-ministre des solidarités, Benoît Chabert et Jacqueline Laffont. "Damien Abad prend donc acte de cette suite logique et pourra rapidement démontrer son innocence", ont-ils ajouté.
Me Chabert avait assuré sur BFMTV: "les faits qui sont évoqués dans un article de presse sont faux". Il avait jugé "troublant" que cette plainte soit intervenue "dans les jours qui précèdent le renouvellement du gouvernement", "douze ans" après les faits dénoncés.
Le jour du dépôt de cette plainte, l'ex-ministre avait de nouveau contesté les accusations et annoncé déposer une plainte en dénonciation calomnieuse.
Questionné par BFMTV sur le témoignage de la plaignante, l’avocat de #DamienAbad a affirmé que son client ne la connaissait « absolument pas ». Ce que contredisent les éléments obtenus par Mediapart. Contacté, Me Benoît Chabert revient sur ses propos. https://t.co/cPimldEuhB
— Mediapart (@Mediapart) June 29, 2022
Une militante des Jeunes Populaires, le mouvement de jeunesse de l'UMP, affirme avoir été victime des agissements de Damien Abad, ex-ministre des Solidarités. Elle témoigne pour la première fois au micro de BFMTV. Se présentant sous le prénom de Julie, elle assure avoir été victime des agissements de l'élu de l'Ain en 2013.
Elle ne connaît pas Damien Abad, mais le député la contacte via ses réseaux sociaux. Puis il l'invite à dîner. Le rendez-vous se déroule à Paris, et la soirée se poursuit dans un bar. La jeune femme déclare s'être réveillée dans la chambre de son hôtel le lendemain matin : "J'étais dans le lit, complètement dévêtue. J'avais du mal à me souvenir de ce qui s'était passée la veille au soir, puis j'ai eu des flashs: il était dans la chambre la nuit, il était dans le lit. C'est sûr et certain."
Merci aux courageuses victimes qui ont osé témoigner malgré les stratégies de silenciation et de contrainte mises en place par #Abad, et la #CultureDuViol ancrée dans le gouvernement
— Osez le féminisme ! (@osezlefeminisme) July 4, 2022
Maintenant #DarmaninDemission #DarmaninOut https://t.co/i2l796yTnf
Ce nouveau témoignage vient s'ajouter aux accusations de trois femmes visant l'ex-ministre de violences sexuelles.
L'une d'elles, Margaux (prénom modifié) a déposé plainte à deux reprises, mais ces deux plaintes ont été classées sans suite en 2012, puis en 2017, d'abord pour "carence de la plaignante", puis "faute d'infraction suffisamment caractérisée".
Pour l'autre, Chloé (prénom modifié), qui a dénoncé des faits qui se seraient déroulés lors d'une soirée à l'automne 2010, un signalement avait été effectué par l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles, mais le parquet de Paris avait indiqué fin mai ne pas ouvrir d'enquête "en l'état", faute "d'élément permettant d'identifier la victime des faits dénoncés".
Son témoignage avait en effet été transmis à la justice sous une forme anonymisée.
A quand un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au sein de l’Assemblée nationale ?
— Observatoire des VSS en politique (@Obs_vssPol) June 29, 2022
Lettre ouverte à @YaelBRAUNPIVET, Présidente de l’ @AssembleeNat #MeTooPolitique #DirectAN pic.twitter.com/cyx4gljFMT
L'ouverture de cette enquête a, pendant des semaines, posé la question du maintien de Damien Abad dans le nouveau gouvernement. Ex-président du groupe LR à l'Assemblée, il avait été nommé ministre par Elisabeth Borne et confortablement réélu le 19 juin pour un troisième mandat de député de l'Ain.
"S’il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, on tirera toutes les conséquences de cette décision", a répété dans les médias la Première ministre Élisabeth Borne.
Ces derniers temps, les appels à la démission de Damien Abad se sont multipliés dans les rangs de l'opposition et des associations féministes. Le 20 juin, 200 femmes, élues, journalistes, féministes, artistes, ont fait une demande en ce sens dans une tribune publiée par Le Monde.
La tribune à l’initiative de l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique @Obs_vssPol et de #NousToutes, où 188 femmes demandent la démission du ministre / Publiée le 20 juin 2022 :https://t.co/DuoJgzi2k1
— #NousToutes (@NousToutesOrg) June 23, 2022