Fil d'Ariane
Prévu du 28 au 30 juillet dans une salle parisienne publique, ("La Générale", espace culturel et artistique du 11e arrondissement dont les locaux sont loués à la Mairie de Paris NDLR), le Nyansapo se présente comme un "festival afroféministe européen". Selon son site internet, il est organisé en plusieurs espaces, notamment un espace "non mixte femmes noires (80% du festival)", un autre "non mixte personnes noires" et un "espace ouvert à tou.te.s".
Et c'est visiblement ces endroits réservés en exclusivité aux femmes, noires, qui dérange. Au point de provoquer ce tweet de la maire de Paris, Anne Hidalgo : "Je demande l'interdiction de ce festival", ajoutant qu'elle saisirait lle préfet de police "en ce sens".
Je demande l'interdiction de ce festival. Je vais saisir le Préfet de Police en ce sens.
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 28 mai 2017
De son côté, la préfecture de police a fait savoir cependant qu'elle "n'avait pas été saisie, à ce jour, de l'organisation d'un tel événement".
Projet de festival du 28-30/07 à Paris 11, la @prefpolice , non saisie à ce jour veillera au strict respect des lois https://t.co/hwtWtaocQn
— Préfecture de police (@prefpolice) 28 mai 2017
A l'origine, ce sont plusieurs informations relayées via les réseaux sociaux, et notamment un tweet du Trésorier du Front national, qui ont alerté l'élue parisienne. William de Saint Just (également chef du FN au conseil régional de Paris) a été un des premiers à s’emparer du sujet en parlant, d’un «festival interdit aux "Blancs"» et en interpellant directement Anne Hidalgo.
Un festival interdit aux "Blancs" dans des locaux publics, @Anne_Hidalgo doit s'expliquer ! Mon communiqué : #Afroféministe #Nyansapo pic.twitter.com/13BZfw1Fbj
— W. de SAINT JUST (@wdesaintjust) 26 mai 2017
Festival "interdits aux blancs": #RosaParks doit se retourner dans sa tombe. Le combat antiraciste devenu l'alibi d'un repli identitaire. pic.twitter.com/XXgvyQHOTh
— LICRA (@_LICRA_) 26 mai 2017
Autre soutien aux déclarations de la maire de Paris, SOS Racisme, qui juge "sur le plan politique" ce festival comme une "faute - sinon une abomination - car il se complaît dans la séparation ethnique là où l'antiracisme est un mouvement dont l'objectif est post-racial".
Même longueur d'onde du côté de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) qui dénonce sur Twitter "l'organisation d'un festival comportant des espaces en non-mixité fondés sur la race".
La Dilcrah dénonce l'organisation d'un festival comportant des espaces "en non mixité" fondés sur la race https://t.co/AcqN8PZri4
— DILCRAH (@DILCRAH) 28 mai 2017
Le collectif afroféministe Mwasi, qui organise le festival, ainsi que le lieu "La Générale" ont répliqué. Ils estiment être "la cible d'une campagne de désinformation et de fake news orchestrée par l'extrême droite la plus moisie". Depuis le lancement de cet événement, le collectif Mwasi a précisé que le festival serait réparti en quatre espaces distincts: l'un réservé aux femmes noires, l'un pour les personnes noires, un autre pour les femmes "racisées" et, enfin, un dernier accessible à tous.
Nous apprenons qu'une team antiraciste-de-gauche-pas-raciste, est en plein G20 pour lancer un twitter raid contre notre festival pic.twitter.com/JlrY5W0o9t
— Mwasi-Collectif (@MwasiCollectif) 26 mai 2017
"Nous sommes attristés de voir certaines associations antiracistes se laisser manipuler ainsi. Elle se retrouvent paradoxalement du coté des racistes à stigmatiser celles et ceux qui militent pragmatiquement pour les valeurs d’égalité et de respect", indique ce texte publié sur le site de la Générale.
D'autres font les comptes et avancent le fait que les hommes noirs, eux-aussi sont exclus de la plupart des conférences.
@Anne_Hidalgo En quoi ce festival est anti-blanc quand 17 ateliers sur 22 excluent aussi les hommes noirs? Vous reprenez les mensonges de la fachosphère.
— Get Out (@afronomade) 28 mai 2017
Le fait de s’organiser en non-mixité dans le cadre d’un mouvement social n’est pas nouveau, nous rappelle le journaliste Frantz Durupt dans un article sur Libération.fr .
"En mai 2006, la sociologue Christine Delphy rappelait (dans un texte republié en 2016 sur le site LMSI.net) l’importance de ce mode d’organisation dans le mouvement féministe des années 70", explique-t-il. Selon cette sociologue, la pratique de la non-mixité est tout simplement "la conséquence de la théorie de l’autoémancipation. L’autoémancipation, c’est la lutte par les opprimés pour les opprimés. Cette idée simple, il semble que chaque génération politique doive la redécouvrir. Dans les années 60, elle a d’abord été redécouverte par le mouvement américain pour les droits civils qui, après deux ans de lutte mixte, a décidé de créer des groupes noirs, fermés aux Blancs".
Durant l'été 2016, l'organisation d'un "camp d'été décolonial" à Reims avait déjà fait le "buzz". Il s'agissait d'un "séminaire de formation à l'antiracisme", réservé aux victimes de ce qu'il appelait le "racisme d'Etat" ou les "racisés", excluant de facto les personnes blanches. Une nouvelle édition de ce séminaire est d'ailleurs prévu cet été. D'autres réunions non mixtes pour femmes à l'occasion du mouvement Nuit Debout avaient été sujettes à polémique l'an dernier.
Sur Twitter, @PDufour651 , qui se présente comme professeur et sociologue, invoque la "pairémulation" pour expliquer cette non-mixité et s'emploie à préciser ce dont il s'agit à Anne Hidalgo via plusieurs messages qu'il lui adresse directement.
Bonjour @Anne_Hidalgo, connaissez-vous la pairémulation ? Je vais me permettre de vous en dire deux mots rapidement #JeSoutiensMwasi pic.twitter.com/RIJZHgCw92
— Pierre Dufour (@PDufour651) 28 mai 2017
La Barbe,collectif d'activistes féministes non mixte, envoie tout son soutien à @MwasiCollectif #JeSoutiensMwasi https://t.co/6dDyFIY5vY
— La Barbe (@labarbelabarbe) 29 mai 2017
#NYANSAPOFest et l'instrumentalisation du #FN
— KadyC. (@Kady_Diatou) May 29, 2017
Osez le féminisme @RaphaelleRL juge ridicule la réaction #AnneHidalgopic.twitter.com/spmhO7R45x
Nous attendons maintenant un communiqué en bonne et due forme de la Mairie de Paris, et des excuses publiques #JeSoutiensMwasi
— Mwasi-Collectif (@MwasiCollectif) 29 mai 2017
Festival #Nyansapo : à la suite de mon intervention ferme hier auprès des organisateurs, une solution claire a été établie.
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 29 mai 2017
Lol mais la grosse blague, on pas changé notre programme d'un pouce, c'est ce qui avait été prévu DEPUIS LE DÉBUT #JeSoutiensMwasi pic.twitter.com/pA1hNZ5W8v
— Mwasi-Collectif (@MwasiCollectif) 29 mai 2017