La Grande Collecte est un événement annuel qui vise à récupérer des documents pour mieux honorer le passé. En 2013 et en 2014, la Grande Collecte était dédiée à la commémoration de la Grande Guerre (1914-1918). En 2016, c'était les relations entre la France et l'Afrique aux XIXe et XXe siècles qui étaient au coeur de la Collecte.
Mieux connaître la vie, la sociabilité et le travail des femmes dans l'histoire
Concrètement, le service des Archives appelle les citoyens à présenter ou à remettre leurs papiers, personnels ou familiaux, aux partenaires de l'événement. Une fois reçus, ils sont numérisés et mis en ligne sur le site lagrandecollecte.fr.
Femmes politiques, femmes intellectuelles ou scientifiques, femmes militantes, femmes artistes, anonymes comme personnalités : la nouvelle édition de la Grande Collecte 2018 s’intéresse à toutes les femmes, sans qui il n’y aurait pas d’histoire > https://t.co/NcApVclWx5 pic.twitter.com/LZhIyocPGp
— Ministère Culture (@MinistereCC) 9 juin 2018
L'ambition de cette Grande Collecte est de "rassembler des correspondances privées comme des journaux intimes ou autobiographies, des archives photographiques et audiovisuelles, des témoignages oraux, des archives privées liées aux luttes sociales dans les entreprises, des témoignages d’engagements politiques, des fonds syndicaux et associatifs, des archives de chercheuses, d’artistes, d’intellectuelles, etc."
Les archives de femmes manquent pour écrire leur histoire
Françoise Banat-Berger, directrice des Archives nationales
Une importance toute particulière est donné aux documents portant sur les conditions de vie des femmes, leur place dans la société et leurs conditions de travail. Qu'importe qu'elles soient célèbres ou d'illustres inconnues, tous documents les concernant sont acceptés. Pour permettre au public de participer, tous les échelons de l'administration sont mobilisés, du national au municipal.
Interviewée par nos consoeurs du quotidien La Croix, Françoise Banat-Berger, directrice des Archives nationales à l'origine de l'initiative, déclarait que "les archives de femmes manquent pour écrire leur histoire". Avant d'ajouter dans ce même entretien : "D’elles-mêmes, beaucoup de femmes auraient tendance à détruire des documents privés, par exemple des lettres d’amour, en pensant qu’elles sont de l’ordre de l’intime, en doutant de leur intérêt pour les collections nationales. Nous voulons les sensibiliser au fait que leurs traces ont une importance pour l’histoire commune. Après, ce qui reste plus difficile, c’est de collecter la mémoire des plus invisibles : les femmes sans papiers, immigrées, en situation précaires… Dans ces cas-là, nous essayons de solliciter les associations qui interviennent auprès d’elles."
Un manque qui sera peut-être comblé par cette Grande Collecte... Ou pas.
En tous les cas, les citoyen.nes répondent à l'appel. Ainsi à cette occasion, la famille de Simone Veil a remis une immense partie de ses archives privées, celles portant sur sa carrière, tandis que des citoyens tombent sur des perles qui leur font voir autrement leur mère...
La grande collecte 2018 axée sur la vie des femmes, et plus particulièrement leur rapport au travail, m'a fait penser à ma mère qui il y a plus de 30 ans, avait choisi une voie pour le moins inhabituelle :)#archives pic.twitter.com/6f9X8S1BB8
— Mr Moony (@Dans_la_pensine) 10 juin 2018
La Grande Collecte, un bon projet ? Pas si sûr...
Si, sur le papier, la Grande Collecte de cette année semble donner une place importante aux femmes, l'initiative est critiquée par des historiennes spécialisées dans le genre et par des chercheuses.Dans les faits, elles considèrent que cette démarche ne constitue pas un travail de recherche historique sérieux : les archives personnelles des citoyens ne sauraient être suffisants pour refléter la réalité du passé. Si on fait le parallèle avec l'actualité, ce problème apparaît plus clairement : de nombreuses problématiques occupent les débats, de nombreux événements sont relayés à travers le monde... Les lettres et les journaux intimes de nos contemporains seraient-ils à même de réfleter notre époque ?
Pour que la Grande Collecte puisse être autre chose qu'une "mesure pansement", il faudrait, selon elles, récolter les archives des associations militantes, de bibliothèques, d'artistes impliquées... Mais tout cela demande un budget dont ne bénéficie pas vraiment le service des Archives nationales.
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