Fil d'Ariane
Désagréable, gênant, parfois angoissant ou douloureux, l’examen pelvien, de même que le frottis cervical, une méthode permettant de dépister des lésions précancéreuses ou cancéreuses au niveau du col de l’utérus, sont encore trop systématiquement effectués lors de consultations gynécologiques de routine.
C’est ce que démontre une étude américaine parue le lundi 6 janvier 2020 dans la revue JAMA Internal Medicine et basée sur 2,6 millions de femmes âgées entre 15 et 21 ans.
Les résultats de ce travail épidémiologique reposant sur des données collectées entre 2011 et 2017 sont pour le moins édifiants. Plus de la moitié des touchers vaginaux et plus de 70% des frottis réalisés durant cette période aux Etats-Unis n’étaient potentiellement pas nécessaires sur un plan médical.
La pratique automatique du toucher vaginal chez les patientes ne présentant pas de symptômes (tels que des douleurs pelviennes ou des pertes vaginales) ou des facteurs de risque particuliers (comme une déficience du système immunitaire) devrait également être proscrite, selon l’American College of Physicians, dont les conclusions se sont basées sur une importante revue de la littérature scientifique publiée entre 1946 et 2014.
Selon ces mêmes experts, un examen pelvien ou un frottis cervical ne devraient en outre plus être considérés comme des prérequis à la prescription d’une pilule contraceptive. «L’anamnèse, à savoir les réponses aux questions posées par le médecin, suffit amplement à déterminer si l’on peut prescrire ou non une pilule», précise Martine Jacot-Guillarmod, spécialiste en gynécologie de l’enfant et de l’adolescent et médecin associée au département femme-mère-enfant du CHUV, à Lausanne.
«Dans les faits, les gynécologues ne devraient recourir au toucher vaginal qu’au cas par cas, en fonction de plaintes spécifiques émises par les patientes ou de conduites sexuelles à risque, afin de détecter d’éventuelles maladies sexuellement transmissibles, continue la médecin lausannoise. Même dans ce dernier cas, l’examen pelvien n’est pas forcément nécessaire, la patiente pouvant tout aussi bien procéder à un auto-prélèvement vaginal à l’aide d’un écouvillon.»
Bien que des registres spécifiques ne soient pas tenus à l’échelle nationale, il semble que ce recours trop important à des gestes invasifs ne soit pas limité à la population américaine. «En Suisse aussi, les gynécologues réalisent trop d’examens pelviens en pensant être rassurants, alors qu’en réalité ceux-ci ne permettent qu’exceptionnellement de dépister des pathologies graves, analyse Martine Jacot-Guillarmod, corédactrice de recommandations pour la prévention du cancer du col de l’utérus pour la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique. Non seulement ce type d’examens n’a pas lieu d’être chez les femmes ne présentant pas de symptômes, mais l’appréhension peut en outre conduire à une forme d’évitement des soins chez certaines patientes, en particulier les adolescentes.»
Reste la question de savoir pourquoi certains médecins continuent à pratiquer des examens non nécessaires. Pour Melissa A. Simon, professeure de gynécologie et obstétrique à la Northwestern University de Chicago et auteure d’un commentaire sur les résultats de l’étude américaine publiée dans JAMA, cette inertie tient notamment à la difficulté, pour les médecins, de se défaire de pratiques parfois profondément enracinées. «Il faut aussi reconnaître que les lignes directrices concernant les examens pelviens et le dépistage du cancer du col de l’utérus ne sont que deux sujets parmi les centaines dont les cliniciens doivent se tenir au courant, décrit au Temps Melissa A. Simon. Cela peut compliquer leur mise en place.»