Fil d'Ariane
Les québécois en plein délire : Une transgenre préside la Fédération des femmes du Québec (FFQ), le principal organisme représentant les femmes au Québec. Denise Bombardier | Le Journal de Montréal https://t.co/4WKNBqIRA7
— Lucie Desfleurs (@LDespls) 5 décembre 2017
Dire qu'on est une femme alors qu'on a été construit socialemt comme 1 homme, cela voudrait dire qu'ils ont accès aux espaces, toilettes, aux compétitions sportives, aux subventions, aux quotas politiques & corporate déjà minces d femmes ? Les femmes doivent encore CEDER la place
— Hypathie (@HypathieBlog) 16 décembre 2017
Un grand pas avant contre la transphobie (qui existe aussi chez les féministes)! Gabrielle Bouchard devient présidente de la Fédération des femmes du Québec https://t.co/maTpLxLdsR
— dimitri della faille (@dimitridf) 14 décembre 2017
Jusqu'à ce texte violemment hostile signé dans Le Devoir par une philosophe et une anthropologue : "Précisons que Gabrielle Bouchard est biologiquement un homme et que cela ne peut changer, même après l’obtention de nouveaux papiers d’identité mentionnant qu’il s’agit d’une femme. De même, on ne peut changer l’ADN d’une personne. Même après de nombreuses interventions, chirurgicales ou esthétiques, visant à transformer des caractéristiques extérieures liées à un sexe, comme la pilosité ou la pomme d’Adam, les organes internes ne sont pas changés. (.../...) Le problème avec Gabrielle Bouchard, c’est qu’elle s’est approprié un poste réservé aux personnes ayant un vécu de femmes — poste par ailleurs pensé pour elles —, ce qui n’est pas son cas."
Une polémique dont Gabrielle Bouchard ne se dit pas surprise. Celle qui travaillait depuis 2011 comme coordonnatrice au Centre de lutte contre l’oppression des genres, s’y attendait même. En entrevue avec Terriennes, elle réplique : « Cette question revient fréquemment et elle est posée souvent par des gens qui ont des problèmes avec les personnes trans. Premièrement quelle femme est capable de représenter l’ensemble des expériences de toutes les femmes ? Si on prend une femme blanche francophone de classe moyenne, comment peut-elle représenter les expériences des femmes noires ou des lesbiennes ? On pourrait poser la même question, mais on ne la pose jamais. Donc on pose toujours ces questions-là aux femmes qui ont des expériences dans la marge. Ensuite, on présume de mon passé, on présume de mon expérience : on présume que mon expérience, quand j’étais un homme, est quelque chose qui était satisfaisant pour moi, avec lequel j’étais à l’aise et contre lequel je ne me suis pas battue. C’est important d’en parler parce qu’il y a des choses à déconstruire avec ça ».
Marlihan Lopez, la co-vice-présidente de la Fédération a volé au secours de sa présidente dans une lettre rendue publique à la suite des chroniques polémistes. Marhilan Lopez, qui est noire, immigrante et queer, déclare : « Est-ce qu’il y a de la place pour nous, les femmes aux marges, au sein du mouvement des femmes ? La réponse est oui. Pas parce qu’on nous donne la parole, mais parce qu’on la prend. Pas parce qu’on est incluses, mais parce que, en ce moment historique au sein du mouvement des femmes au Québec, il y a des femmes qui prennent l’espace public et qui remettent au centre certaines expériences qui étaient systématiquement effacées auparavant. On existe ».
Gabrielle Boulianne-Tremblay:
— NIKKI (@DjMissDoodlez) 5 décembre 2017
«Lettre ouverte à Denise Bombardier» pic.twitter.com/G1xxxZhhPg
Par ailleurs, Gabrielle Bouchard tient aussi à préciser qu’elle n’a jamais voulu éradiquer les mots « mère » et « maternité » comme l’affirme Denise Bombardier : « ce que j’ai dit en commission parlementaire, c’est qu’il faut ouvrir la porte à différentes expériences. Quand j’ai parlé des mots mère et père, ce que j’ai voulu dire, c’est que c’est important d’ouvrir des espaces où les expériences uniquement reconnues comme étant des expériences « mères », qu’il y a plein de gens qui accouchent et qui ne s’identifient pas comme mère, que la personne soit trans ou non, donc de qualifier l’acte ou l’état d’être enceinte ou d’avoir un enfant dans son corps en étant strictement maternel nie l’existence et l’expérience de plein de gens. On doit ouvrir la porte pour que le mot « mère » ne soit pas le seul par défaut et que d’autres personnes puissent utiliser d’autres mots. Donc ce n’est pas de l’enlever, mais d’ouvrir d’autres portes ».
Plusieurs s’inquiètent aussi qu’avec l’arrivée de Mme Bouchard à la tête de la Fédération soit privilégiée la défense des femmes marginalisées versus celles de la majorité. Gabrielle Bouchard dit qu’elle comprend ces craintes et elle confirme que oui, sa priorité sera de défendre les femmes qui sont dans la marge.
« Quand on défend l’ensemble des femmes, celles qui paient pour cette défense-là sont toujours les femmes dans la marge, explique-t-elle. Quand on fait ça, on fait du féminisme de ruissellement et ça, je n’y crois pas. Je veux m’assurer qu’on ne reproduise pas les erreurs du passé où on a centré nos batailles vers une majorité qui au final n’ont pas profité aux femmes qui sont dans la marge. Alors oui, je vais lancer nos batailles à partir des femmes en marge. Par exemple, au lieu de parler d’une iniquité salariale de 20% entre les hommes et les femmes, il faut parler d’une iniquité de 40%, car pour les femmes les plus marginalisées, c’est un écart de plus de 40% et non de 20% par rapport aux salaires des hommes ».
Le féminisme de ruissellement, c’est de dire que la défense des droits de la majorité va par la suite profiter, « ruisseler » sur ceux des femmes marginalisées. Gabrielle Bouchard veut donc, en quelque sorte, inverser la pyramide : on part de la marge pour ruisseler sur la majorité, et non l’inverse. Il faudra voir à l’avenir si ce nouveau paradigme portera fruit…
La journaliste Pascale Navarro ne remet pas du tout en cause la légitimité de la nouvelle présidente de la Fédération, mais s’inquiète plutôt pour l’organisme dans un article publié dans le quotidien montréalais La Presse + : « Est-ce normal qu’une seule femme ait brigué la présidence de la FFQ ? Les défis ne sont sûrement pas nouveaux, mais vu l’actualité des dernières années, de l’affaire Gomeshi au mouvement #MoiAussi, en passant par la loi 151 sur les agressions sexuelles sur les campus, ainsi que la remise en cause du système judiciaire, j’aurais cru que plus de femmes se porteraient candidates pour représenter cette institution. Que penser de cette situation ? »
La journaliste croit que le gros défi de Mme Bouchard sera de relancer la Fédération, un organisme qui, croit-elle, semble dépassé par les nouvelles réalités de nos sociétés : « Il y a quelque chose d’anachronique à constater à quel point le féminisme au Québec a évolué à vitesse grande V, s’est enrichi, diversifié, complexifié alors que la Fédération ne parvient pas à toucher plus de femmes désireuses de s’y exprimer. Ce sera donc un autre grand défi que de redonner un souffle à l’organisation »… Une organisation qui devra faire entendre sa voix, dit Pascale Navarro, au cours de l’année électorale qui commence bientôt, car les Québécois devront élire un nouveau gouvernement l’automne prochain.
Un avis partagé par celle qui a été l’une des plus remarquables présidentes de la Fédération, l’ex-politicienne Françoise David. En entrevue à Terriennes, elle précise qu’elle ne connaît pas personnellement la nouvelle présidente de l’organisme, mais qu’il faut lui laisser sa chance : « La seule façon de savoir si elle est capable, c’est de la laisser travailler. Qu’elle soit trans n’est absolument pas un problème en soi, elle a de gros défis devant elle : d’abord se faire accepter comme elle est bien sûr, mais aussi, et surtout rassembler et mobiliser les femmes et toutes les femmes ».
Françoise David s’inquiète elle aussi pour l’avenir de la Fédération des femmes du Québec : l’organisme a eu de gros problèmes de financement dans la foulée des compressions majeures imposées par l’ex-premier ministre conservateur Stephen Harper. La Fédération a aussi eu des débats déchirants à l’interne sur des questions difficiles comme la prostitution ou la laïcité, des débats qui ont divisé les membres. « Pourquoi en effet est-ce qu’il n’y a eu qu’une seule candidature pour devenir présidente de la Fédération ? Ça, c’est la vraie question ! » conclut Françoise David.
Gabrielle Bouchard réplique que oui, elle était la seule candidate, mais que ce n’est pas la première fois que cela se produit à la Fédération et qu’il n’y a pas eu d’élection par acclamation, mais un réel choix à faire via un vote électronique : « Les femmes avaient un choix réel de dire : on veut cette candidate-là ou non ». Le vote électronique a aussi permis d’avoir un fort taux de participation, affirme-t-elle.
En France, le débat semble bien lancé aussi via la page Facebook de Terriennes :
Loin des disputes, la nouvelle présidente, qui a travaillé longtemps comme gestionnaire en technologies de l’information, veut s’attaquer en priorité au cours des prochains mois à une révision en profondeur des structures internes et des pratiques de la Fédération, afin de trouver des solutions fiables aux problèmes financiers liés aux coupures drastiques des subventions gouvernementales.
La nouvelle présidente, qui a travaillé longtemps comme gestionnaire en technologies de l’information, veut s’attaquer en priorité au cours des prochains mois à une révision en profondeur des structures internes et des pratiques de la Fédération, afin de trouver des solutions fiables aux problèmes financiers liés aux coupures drastiques des subventions gouvernementales.
Elle veut aussi aborder les questions délicates et susciter des conversations difficiles entre les membres de l’organisme : « cela va faire partie de mon mandat de m’assurer que je crée de l’espace pour avoir ces conversations autour du racisme, les enjeux de religion et de laïcité, et l’industrie du sexe ».
La Fédération des femmes du Québec se donnera au printemps 2018, lors de sa prochaine assemblée générale, les grandes orientations qu’elle comptera défendre avec Gabrielle Bouchard à sa tête.