Fil d'Ariane
Au milieu des cortèges nationaux, elles ont désormais leur propre étiquette, voilà les Amajaunes, que certaines d'entre-elles tiennent maintenant à se présenter.
A Paris, elles sont à peu près 150 ce dimanche 20 janvier, au lendemain de
l'acte dix du mouvement des gilets jaunes en France, qui lui a réuni 84.000 personnes dans toute la France selon les chiffres officiels. Leur point de ralliement : 11 h à la Tour Eiffel. Elles ont ensuite marché jusqu'à la place de la Bastille. Certaines avaient écrit sur leur gilet "mamans en colère" ou encore "je suis ta soeur, je suis ta maman", d'autres étaient coiffées du bonnet phrygien.
"C'est un beau message de dire que les femmes ont aussi le droit de s'exprimer sur les sujets de société", a commenté Priscillia Ludosky, l'une des principales initiatrices du mouvement des "gilets jaunes", venue les soutenir et qui a publié une vidéo du cortège sur sa page Facebook .
"Comme il y a quinze jours, lors de la première marche, on voulait voir la réaction des policiers face à des femmes. Parce que dans les autres manifestations de gilets jaunes, même quand le parcours est déclaré, qu’on est pacifiques, ils ne finissent pas de nous bloquer et c’est là qu’il y a des violences", dénonce Muriel, assistante de direction, dans le journal L'Humanité. Outre les violences policières, ces manifestantes sont aussi venues pour rappeller d'autres revendications de fond, "premières victimes de la pauvreté, elles se sentent d’autant plus attaquées par les politiques gouvernementales", dit l'article de notre confrère. "Les femmes sont encore plus exploitées par le système néolibéral, c’est un combat qu’on paye chaque jour dans notre chair", dit une autre manifestante, ex-prostituée.
Même ton dans le HuffPost, où plusieurs femmes expliquent pourquoi ce mouvement est aussi le leur. "La femme subit encore plus de plein fouet le capitalisme", explique l'une d'elle, gardienne d'immeuble à Paris, "C'est difficile pour certaines, surtout les femmes seules, de terminer les fin de mois", ajoute l'une des organisatrices de la manifestation parisienne.
Comme le 6 janvier, date de sa première édition, l'appel à une "marche des femmes" a essaimé un peu partout en France.
A Douai, dans le Nord, elles sont environ 200. A Saint-Brieuc, dans les Côtes d'Armor, on en recense près de 300. En tête de cortège, certaines portent de fausses traces de blessures au visage pour symboliser les "coups portés par le gouvernement" et dénoncer les "violences policières" dans les rassemblements antérieurs. Même message à Lorient, où elles étaient une centaine pour dénoncer "police partout, justice nulle part".
Comme le rapportent nos confrères de France 3, à Nancy, une centaine de personnes se sont réunies place Simone Veil où chacun était invité à prendre la parole après qu'un hommage a été rendu aux victimes depuis le début du mouvement. Leur intention est de se démarquer des événements qui se succèdent depuis maintenant dix week-ends et d'organiser une manifestation tranchant avec les actes violents et de vandalisme présents lors des dernières mobilisations des gilets jaunes des précédents samedi.
Couverture de l’événement; “Les Amajaunes s’en mêlent ..!” https://t.co/HGF7W3sr6H pic.twitter.com/cmIa3xLU9q
— Funkographer (@Funkographer) January 20, 2019
"On n’est pas des femmes de gilets jaunes, mais des femmes gilets jaunes tout court !", ont scandé les manifestantes nancéennes, comme le rapporte un diaporama photos de la manifestation publié par L'Est républicain.
"Nous, les femmes, sommes un peu lasses des conflits violents entre les Gilets jaunes et les institutions", assure Samia dans un article du Républicain Lorrain. "Nos hommes sont dans l’impulsion alors que nous allons essayer d’ouvrir le dialogue. Mais attention, il ne s’agit pas d’un combat de féministes ! Nous voulons mettre un terme à la fracture sociale, à l’injustice et aux inégalités", tient à préciser la manifestante lors du défilé de femmes Amajaunes à Metz, qui a rassemblé près de 200 manifestantes, entourées par un cordon composé d'hommes en brassard blanc .
Ces femmes sont là pour leur combat à elles, explique de son côté une autre manifestante. "On galère plus que les hommes. On s'occupe des enfants, on a un travail, etc. Donc c'est bien que l'on soit là pour faire entendre notre mécontentement", dit Céline au micro du journaliste de Radio France venu couvrir la manifestation.
#Nancy Rassemblement #GiletsJaunes devant la gare Majoritairement des femmes Une 100aine Mvt baptisé « Amajaunes » Reportage ce soir 19/20 @F3Lorraine pic.twitter.com/kgJ8L2EK4x
— JC Panek Pro (@JCPFTV) 20 janvier 2019
A Toulouse, environ 130 personnes, dont quelques hommes, ont défilé dans le calme dimanche matin, au lendemain d'un cortège record qui a réuni quelque 10.000 personnes. Cette affluence "veut dire que les gens sont malheureux parce que méprisés, pressés comme des citrons", estime Michelle, une commerçante retraitée qui a participé à toutes les manifestations depuis le début du mouvement fin novembre. "Trop de taxes, trop de mépris de la part de nos gouvernants", dit-elle, gilet jaune sur le dos. Si les gens continuent de se mobiliser, c'est parce qu'ils "sont conscients que le gouvernement ne les écoute pas", estime Léa, 40 ans.
A Bordeaux, 120 personnes, selon la préfecture, femmes et hommes, ont pris le départ du défilé. "Le dimanche, il y a moins de CRS pour nous trousser", plaisante Geneviève Deyres, dite "Zézette". "Malheureusement, on ne parle pas de notre mouvement (ndlr, la "marche des femmes") car on est pacifiste", estime cette retraitée de 63 ans. "On ne parle que des casseurs. C'est dommage qu'il faille qu'il y ait de la casse pour qu'on soit entendu." Pour elle, le débat national lancé par Emmanuel Macron, "c'est de l'enfumage, on n'y participera pas."
Des propos qui nous invitent à citer cet extrait de Tendre est la nuit, de Francis Scott Fitzgerald : "Combien de siècles faudra-t-il encore, avant qu'une nouvelle génération d'Amazones finisse par comprendre qu'un homme n'est vulnérable que si l'on touche à son orgueil?". Celles qui se présentent comme des "Amajaunes" n'ont peut-être pas tiré de ces antiques guerrières que le nom mais aussi un peu de leur combat en défiant un homme, un président...