Grayson est Claire, Claire est Grayson
« Même d’un hélico, on peut voir que je suis un homme qui porte une robe ». On confirme. Claire est aussi protéiforme dans son habillement que l’est Grayson dans son travail artistique. Claire est, selon les circonstances, chic comme une hôtesse de l’air, attifée comme une lady anglaise, maquillée comme une voiture volée, ou enfantine comme une Alice, reine travelo d’un étrange Pays des merveilles. Dynamiter le bon gout, dynamiter les concepts de féminité et masculinité, dynamiter postures et conventions, voilà ce qui intéresse Grayson PerryDepuis les années 1980, l’ancien colocataire de Boy Georges, autre dandy chanteur adepte du travestissement, promène jupes et culottes dans un monde alternatif. Il a fait partie de la Beaumont Society, la plus vieille organisation de travestis du Royaume Uni, a écumé le Blitz, boite de nuit réputée, et l’âge venant a fait de son refus de la norme la base de son travail d’artiste.
Des vases, des robes et des scoubidou, bidou, dou…
A la Monnaie de Paris, l’étage G. Perry, c’est un peu comme aux Galeries Farfouillette (Lafayette, ndlr), on trouve de tout. Les robes de Mlle Claire dessinées par les étudiants de la célèbre école d’art londonienne St Martin School. Les vases, les tapisseries, les motos, l’ourson iconique Alan Measles (Mr rougeole) de Monsieur Grayson.
Ne pas s’y tromper : celui qui se définit comme un intellectuel organique a plus d’un tour dans son sac pour attirer, sans le heurter, le chaland jusqu’à l’œuvre pour mieux le retourner et lui inoculer ses interrogations.
Brexit or not Brexit ? That is the question.
Le 23 juin 2016, la Grande-Bretagne était appelée aux urnes : Leave or Remain ? Quitter ou Rester dans l’Union Européenne ? Avec le résultat que l’on sait. 51,89 % des votants répondent « Quitter ». Une petite majorité qui interroge G. Perry. Lequel s’embarque sur les routes pour aller à la rencontre de ses concitoyens, notamment dans les régions les plus divisées du pays. Il lance alors un appel au public pour l’aider à créer une œuvre sur le divorce. Il commencera par deux tapisseries grand format. Suivront deux grands vases ("Leave" et "Remain"). Puis un documentaire pour Channel 4 intitulé Divided Britain.

Son appel à idées recevra de nombreuses réponses. Le plus troublant c’est qu’elles sont souvent... identiques. Pro-Brexit et anti-Brexit semblent partager les mêmes valeurs mais n'en ont pas la même interprétation. Exemple : Comfort Blanket la tapisserie de l'avant-Brexit, montre un monde lumineux et attrayant. Son pendant post-Brexit montre le même paysage mais sombre et désolé. Entre les deux : l’instant du vote. Deux mondes, qui ont vécu de façon opposée la mondialisation et la crise économique, se confrontent. On y constate la rupture entre le monde des villes et celui des champs, les classes de la petite bourgeoisie urbaine et des banlieues touchées par la paupérisation et le déclassement.
Greyson Perry
Dans cette vidéo, il explique (en anglais) sa démarche pour comprendre l'abstraction du Brexit et la genèse de "Leave" et "Remain" :
Les Britanniques n’en ont clairement pas fini avec les classes, sinon les castes, sociales. Mais Grayson Perry veut le démontrer, ils sont moins divisés qu’ils ne le pensent. « Le Brexit a été une réponse émotionnelle plus que rationnelle aux problèmes du pays ». Et même si le Brexit est pour lui un grand « motif de honte », ne lui demandez pas de condamner celles et ceux qui le soutiennent : l’artiste a pour les classes populaires une affection largement plus grande que pour les Bobos, « recycleurs consciencieux et mangeurs de racines bio qui veulent être des gens bien ». La posture, vraiment silly, isn’t it ?
« Vanité, Identité, Sexualité » ► une exposition de la Monnaie de Paris, jusqu’au 3 février 2019
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