Militantisme

"Guerrières de la paix" : les femmes, une autre voix pour la paix au Proche-Orient

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guerrières de la paix

Des centaines de militantes israéliennes, palestiniennes et d'autres pays se sont rassemblées le 4 octobre 2023 à Jérusalem à l'appel de @Womenofthe sun, @Womenwagepeace et @LesGuerrièresdelapaix. 

©Les Guerrières de la Paix
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Porter une autre voix au nom de la paix, c'est la mission que s'est fixé le collectif "Les Guerrières de la paix", qui rassemble des femmes israéliennes, palestiniennes, iraniennes, françaises, sénégalaises ou encore ouighoures. Face au conflit qui fait rage au Proche-Orient, elles se mobilisent pour lancer haut et fort un message de sororité et de solidarité à toutes les victimes, quel que soit leur camp.

Le 4 octobre dernier, trois jours avant l'attaque du Hamas contre Israël, elles marchaient côte à côte à Jérusalem. Des mères. Israéliennes, palestiniennes et venues d'autres pays, ces femmes voulaient porter haut leur voix pour la paix. 

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Parmi elles, des militantes iraniennes, ouighoures, marocaines, sénégalaises, ukrainiennes, une opposante russe et aussi des françaises musulmanes, juives, chrétiennes ou athées, venant de Sarcelles, de Paris et d'Aubervilliers, toutes membres du collectif "Les Guerrières de la paix". Un mouvement "de femmes pour la Paix, la Justice et l’Egalité" fondé en 2022 sous l'impulsion de la réalisatrice Hanna Assouline, dans le sillage du documentaire qu'elle avait réalisé quelques années auparavant.  

Dans le cortège, également présente ce jour-là, la militante féministe israélienne Vivian Silver, 74 ans, dont les proches n'ont plus de nouvelles depuis trois semaines. Elle vivait dans un des kibboutz ciblés par le Hamas, à la frontière de Gaza, et on ignore si elle fait partie des victimes ou si elle a été prise en otage.

"J'ai choisi mon camp. J'ai choisi la paix"

À l'aune du drame qui se déroule sous les yeux du monde depuis le 7 octobre 2023, le collectif a signé un manifeste "J'ai choisi mon camp. J'ai choisi la paix" et organisé un rassemblement sans slogan ni bannières le dimanche 22 octobre place du Châtelet à Paris. 

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Selon une étude d'ONU-Femmes, sur les 31 processus de paix ayant eu lieu entre 1992 et 2011, les femmes ne représentaient que 4 % des signataires, comme des médiateurs en chef, et 9% des négociateurs. Et c'est bien dommage... 

Prises en otage par le Hamas, ou sous les bombes israéliennes à Gaza, les femmes se retrouvent en première ligne du conflit qui fait rage au Proche-Orient. Face aux images terribles des massacres, au milieu du brouhaha des polémiques stériles et l'impuissance diplomatique, les femmes peuvent montrer qu'une autre voix/voie est possible. Regards croisés de deux "guerrières de la paix" : Fariba Razavi, militante iranienne Education Far away et Ken Bugul, militante féministe et écrivaine sénégalaise. 

Terriennes : trois jours avant l'attaque du Hamas, les guerrières de la paix participaient à un rassemblement des mères israéliennes et palestiniennes pour la paix. Que reste-t-il de l'espoir lancé par ces mères ?

Fariba Razavi : Le conflit israélo-palestinien a commencé en 1948. Une guerre que les hommes ont menée pendant soixante-quinze ans, les femmes ne peuvent pas la finir en quelques jours. La paix juste est une procédure sociale, longue et parfois douloureuse à mettre en place, à protéger et à promouvoir. C’est pourquoi chaque action a son importance et sa place. Ce rassemblement des femmes était une prise de position politique claire et nette qui est déterminante dans la suite de la vie sociale envisageable pour les deux peuples qui partagent cette terre.

Cette détermination dans le contexte actuel, montre et prouve que leur appel n'est pas vain, au contraire. Leur appel va continuer à retentir et survivre à l’horreur. Ken Bugul, écrivaine sénégalaise

Ken Bugul

Ken Bugul, pseudonyme choisi par l'écrivaine sénégalaise et militante engagée pour le droit des femmes Mariètou Mbaye Bileoma.

©Guerrieres de la paix

Ken Bugul : L'espoir lancé par les femmes israéliennes et palestiniennes est plus que retentissant, plus que nécessaire, devant l’atrocité et l’horreur. Ces femmes, ces mères de famille, sont obligées de poursuivre leur lutte pour la paix entre les deux peuples. L’espoir que leur rassemblement a suscité ne doit pas être anéanti.

L'une d'elles à qui je demandais récemment des nouvelles m’a répondu que c'est horrible d’entendre le récit des survivants, mais qu’elle et les autres femmes et mères doivent continuer à avancer pour la paix, malgré tout. Cette détermination, dans le contexte actuel, montre et prouve que leur appel n'est pas vain, au contraire. Leur appel va continuer à retentir et survivre à l’horreur.

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La voix des femmes est portée par des femmes, pas uniquement pour des femmes, mais pour l’humanité toute entière. Fariba Razavi, militante iranienne

Terriennes : otages du Hamas ou sous les bombes  israéliennes, les femmes sont toujours en première ligne... Qui pour les défendre, qui pour porter leur voix ? 

Fariba Razavi : La voix des femmes est portée par des femmes, pas uniquement pour des femmes, mais pour l’humanité toute entière. Aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir communiquer plus facilement entre nous, à travers des réseaux sociaux. Des associations se forment partout dans le monde et organisent des actions communes et simultanées. Ces associations permettent aux femmes de transmettre et échanger leur savoir-être et leur savoir-faire entre elles. Alors elles peuvent porter leur voix d’une manière audible et efficace.

De plus en plus d'hommes éclairés, qui défendent une nouvelle vision d’un monde qu'ils souhaitent laisser à leurs enfants, se joignent à ces mouvements. Leur présence est très enrichissante et importante pour les femmes. Car nous souhaitons que l’avenir de l’humanité soit désormais une coconstruction équitable.

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Ken Bugul : Il y a des hommes, des femmes, qui se mobilisent sur place pour leur apporter leur soutien, malgré tout. Le reste du monde ne sait peut-être pas que, là-bas, des femmes, des hommes, des jeunes, des moins jeunes, des très âgés, de toutes confessions, se battent chaque jour pour leur apporter leur soutien et les défendre. De plus en plus de femmes à travers le monde se joignent à elles, leur apportent leur soutien moral et affectif, faisant tout pour diffuser leur message de paix, comme "Les guerrières de la paix" et tant d’autres.

Il y a une mobilisation de plus en plus forte pour les défendre et porter leurs voix. Il faut que le monde entende leur voix et que leurs combats soient plus connus par tous et à tous les niveaux. Les médias aussi ont un rôle à jouer. 

Hanna Assouline et Fariba Razavi

Hanna Assouline et Fariba Razavi, le 4 octobre 2023 lors du rassemblement des "Mères pour la paix" à Jérusalem.

©Guerrieres de la paix

Terriennes : comment expliquer que les femmes sont depuis toujours écartées des processus de négociations pour la paix ? 

Fariba Razavi : Nous vivons dans une société patriarcale où l’autorité est détenue par les hommes. Ceci ne concerne pas uniquement des processus de négociations pour la paix et ne concerne pas que les pays du Moyen-Orient.

Aujourd’hui, nous sommes toujours en train de nous battre pour nos droits essentiels, et parfois basiques, dans le monde. Regardez le cas de l’Iran, où depuis des années les femmes meurent pour pouvoir vivre. La participation des femmes dans la prise des décisions qui concernent l’ensemble de la société a aujourd’hui démontré son intérêt et sa nécessité. L’humanité qui s’éveille ne peut se passer de sa moitié.

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Ken Bugul : Les femmes sont écartées de tous les processus. Elles sont reconnues pour leur capacité de mobilisation, mais elles sont absentes au niveau des prises de décisions, au niveau des négociations. Les quelques rares femmes qui siègent à certains de ces niveaux sont mandatées. Elles ne parlent pas en tant que femmes. Cette situation doit changer. Les femmes doivent être impliquées en tant qu’elles-mêmes avec leurs expériences, leurs compétences, leur vision d’un monde meilleur, un monde de paix, de justice et de sécurité.

Terriennes : que pourraient-elles apporter, de quels moyens concrets pourraient-elles disposer pour faire avancer la paix ?

Fariba Razavi : En octobre 2000, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1325, pour reconnaitre l’impact des conflits armés sur les femmes et les filles. Elle garantit la protection et la participation des femmes aux accords de paix. Depuis plus de vingt ans, il existe de nombreuses preuves qui démontrent que les femmes sont des acteurs essentiels pour une paix durable. La Colombie, l’Irlande du Nord, l’Afrique du Sud et l’Ouganda sont quelques exemples à citer.

Comme nous l'avons dit de la part des mères pendant ce rassemblement à Jérusalem, nous ne mettons pas au monde des soldats, mais des femmes et des hommes libres et nous souhaitons leur offrir une vie pleine d’espoir et un avenir prometteur dans un monde meilleur.

Tant que les larmes des femmes et des mères couleront, le monde ne sera pas en sécurité. Ken Bugul

Ken Bugul : Par leurs voix déjà, mais il faut qu’elles s’engagent plus au niveau des instances de prises de décision et de négociations pour faire avancer la paix. Il faut qu’elles investissent ces instances de décisions avec des actions fortes et convaincantes. Les Nations unies, l’Union européenne , la Cour de Justice, toutes ces instances doivent être interpellées, harcelées, obligées, forcées à faire de la paix la priorité des priorités.

Tant que les larmes des femmes et des mères couleront, le monde ne sera pas en sécurité. Les femmes doivent s’impliquer davantage en politique, prendre peu à peu le pouvoir et apporter le changement dans la gestion des affaires du monde.

  • (Re)voir Hanna Assouline, invitée de MOE sur TV5monde pour parler de son documentaire. 

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