Haïti : une femme au coeur de la bataille contre les déchets plastiques
Chaque jour, des tonnes de déchets plastiques s'amoncellent sur les plages et dans les rues d'Haïti. Pour Duckencia Fleurival de Bourdierd, ce fléau n'est pas une fatalité. Cettte jeune entrepreneure rêve d'une Haïti propre et y travaille concrètement. Depuis 2011, elle dirige une entreprise de recyclage des déchets dans la région de Port-au-Prince.
Cela n’a pas été facile pour elle, mais grâce à sa tenacité, elle a réussi à faire de son rêve une réalité. La trentaine joviale, ouverte, perfectionniste, tels sont les principaux traits de caractère de Duckencia Fleurival de Bourdierd. Patiente, toujours prête à accueillir les gens qui font appel à ses services, difficile de ne pas se sentir à l'aise en sa présence.
« On me reproche une trop grande franchise et certaines personnes me trouvent compliquée. La différence est que je suis exigeante. Mes émotions, je les garde pour moi mais je n’ai pas de demi-mesure, exemple je suis affreusement contente ou affreusement triste. », nous raconte-t-elle.
Duckencia Fleurival de Bourdierd intervient dans les écoles pour enseigner l'art du recyclage des déchets et tenter de faire naitre de nouvelles vocations chez les plus jeunes.
Duckencia Fleurival de Bourdierd a été au collège Classique Féminin depuis la 10ème. Elle a fréquenté l’Université Notre Dame d’Haïti et le Centre de Formation Professionnelle d’Haïti, le (CFPH)-Canado-Technique. Elle a étudié l’administration des affaires, les sciences politiques puis l’électromécanique. « La petite fille en moi a voulu être comme son papa. Mais, j’ai survolé rapidement les sciences politiques pour finalement opter pour l’électricité et la mécanique », se souvient-elle.
Mariée depuis neuf ans, elle est la maman de deux garçons. Même si elle se réjouit du soutien de sa famille, elle confie que concilier travail et foyer n’est pas toujours facile. Son mari étant lui aussi dans les affaires, cela permet à Duckencia de respirer un peu. Passer du temps avec sa famille est capital pour elle, surtout le dimanche, jour consacré au repos et au recueillement.
Le séïsme de 2010 : un tournant
Après le passage du séisme qui a causé plusieurs milliers de morts en Haïti en 2010, Duckencia Fleurival de Bourdierd a sillonné les rues de Port-au-Prince ou dans les villages de province, à pied ou à bord de camions pour sensibiliser les habitant.e.s. L’idée, c’est de faire comprendre à la population l’importance du recyclage et aussi montrer que cela peut même devenir une source de revenus. Ces journées de présentation, de collectes, de formation duraient parfois près de 12 heures nous livre la jeune femme. Et le fait qu’elle faisait partie d'un groupe de jeunes femmes ajoutait à la difficulté de cette mission: « Combien de fois nous a-t-on importunées dans la rue parce qu'on était des filles !»
20 janvier 2010, quelques jours après le séîsme de magnitude 7 qui a ravagé Haïti, et fait entre 200 000 et 300 000 morts.
Les rues dévastées, des montagnes de gravats ... Les stygmates du séïsme ont été pour elle l'élément déclencheur de son engagement pour la sauvegarde de l'environnement. Aujourd'hui encore, elle a le sentiment de ne pas avoir assez fait. C'est pourquoi elle poursuit son combat chaque jour en contribuant à changer la manière de recycler les déchets, avec pour objectif de rendre Haïti propre.
Faire des déchets une richesse
Duckencia Fleurival de Bourdierd dirige Haïplast Recycling S.A, une entreprise de recyclage et de transformation de matières plastiques à Cité Militaire, qu'elle a fondée en 2011. Des centaines de femmes y travaillent directement et indirectement car l'entreprise compte à peu près 250 points de collecte un peu partout à travers le pays,
« L’avantage du recyclage est que tout le monde peut y adhérer, sans condition. Elles viennent de partout. De tout âge confondu, elles sont soit des mères seules ou des femmes qui s’occupent de leurs familles. Elles se regroupent parfois aussi au sein d'associations ».
Duckencia Fleurival de Bourdierd au milieu de ses troupes féminines !
Elle est convaincue que ce secteur d'activité pourrait servir de tremplin aux jeunes haïtiens, particulièrement aux femmes, leur permettre d'accéder à l’entrepreneuriat, et ainsi créer plus d’emplois et de richesses. La problématique des déchets devrait être abordée de manière différente en Haïti, selon elle. Cela implique la participation de toutes et tous, ainsi que la formation des jeunes à la gestion et à la valorisation des déchets. Pour la fondatrice de Haïplast Recycling S.A, il faut développer un autre rapport avec les déchets, et apprendre à les utiliser pour créer des richesses.
Les déchets plastiques, un fléau mondial
Plus de 80% des déchets marins dans le monde sont en plastique, selon un rapport de la Banque Mondiale, publié le 10 juin 2019.