Fil d'Ariane
Le Nobel de littérature a été attribué à l’autrice sud-coréenne Han Kang. Le jury a voulu ainsi récompenser "sa prose poétique intense qui affronte les traumatismes historiques et expose la fragilité de la vie humaine".
Han Kang, 53 ans, prix Nobel de littérature 2024.
"Thanks ! Thanks ! Thanks !", trois mercis : voilà la première réaction de la nouvelle lauréate du prestigieux prix Nobel de littérature Han Kang sur son compte X.
"Son roman Le végétarien (2015) lui a permis de faire une percée internationale majeure", détaille l’institut des Nobel. "Écrit en trois parties, le livre dépeint les conséquences violentes qui s’ensuivent lorsque sa protagoniste Yeong-hye refuse de se soumettre aux normes de l’alimentation. Sa décision de ne pas manger de viande suscite des réactions diverses et variées." L'autrice raconte dans ce roman comment Yeong-hye sera exploitée "érotiquement" par son beau-frère, un artiste vidéo, qui développe une obsession pour son "corps passif", relève l'Académie.
"L'oeuvre de Han Kang se caractérise par cette double exposition de la douleur, une correspondance entre le tourment mental et le tourment physique, en lien étroit avec la pensée orientale", a précisé l'Académie suédoise.
Parallèlement à l'écriture, Han Kang se consacre à l'art et à la musique, ce qui se reflète dans l'ensemble de sa production littéraire.
Han Kang, 53 ans, écrit des poèmes et des romans en coréen. Elle est née le 27 novembre à Gwangju. Elle est la fille de l'écrivain Han Seung-won. Elle a 9 ans lorsque sa famille s’installe à Séoul, où plus tard elle étudiera la littérature, à l’université Yonsei.
Sa carrière littéraire débute à ses 23 ans avec la publication de cinq poèmes dont Hiver à Séoul (Seo-urui gyeo-ul), dans le numéro d'hiver de la revue Littérature et Société (Munhakgwa sahoe) en 1993. Sa carrière dans le genre de la fiction démarre l'année suivante avec son œuvre Ancre rouge (Bulgeun dat) qui remporte le concours printanier du quotidien Seoul Shinmun. Plusieurs de ses ouvrages ont été adaptés au cinéma. Certains de ses romans ont été traduits en français, comme Pars, le vent se lève (2014), Celui qui revient (2016), Leçons de grec (2017) ou encore Impossibles adieux (2023).
Han Kang est la première Sud-coréenne à remporter le Prix Nobel de littérature. Elle succède au Norvégien Jon Fosse, récompensé en 2023, et devient la 116e récipiendaire du prestigieux prix
"Personnellement, je n'ai jamais eu de religion, mais j'ai grandi dans un univers bouddhiste et toute ma pensée y trouve son origine", confie-t-elle au moment de la sortie de son roman Leçon de grec (Editions du Serpent à plumes) en 2018.
Son oeuvre a souvent comme toile de fond l'histoire contemporaine de la Corée du sud, notamment la période dictatoriale. Celui qui revient publié en 2014 s'inscrit dans le soulèvement de Gwangju en 1980. Elle découvre le sujet en ayant découvert par hasard à l'âge de 12 ans dans un livre de famille des photo de corps mutilés à la baïonnette venant de sa ville natale.
Une prose fine et précise, d’une poésie plongeant volontiers dans le fantastique, mais suffisamment complexe pour dissimuler, sous ses éloges du songe et de l’imaginaire, une peinture implacable de la cruauté humaine. A propos de Hang Kang, Le Monde, août 2023
Ses engagements lui valent d'être mis sur la liste noire de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye, filles de l'ancien dictateur Park Chung-hee. Une liste comportant près de 10 000 noms et censée permettre aux autorités de surveiller les artistes hostiles au gouvernement et de les priver de subventions.
"Han Kang. Derrière ces deux syllabes se cache une romancière à l’image de sa dernière œuvre traduite, Impossible adieux : une prose fine et précise, d’une poésie plongeant volontiers dans le fantastique, mais suffisamment complexe pour dissimuler, sous ses éloges du songe et de l’imaginaire, une peinture implacable de la cruauté humaine", écrit Le Monde dans un article qui lui est consacré en août 2023. "Quel que soit le livre que j’écris, la violence ressort", confiait-elle au journal.
Han Kang, lauréate du prix international Man Booker 2016 pour la fiction, pose pour les médias avec son livre The Vegetarian après la cérémonie de remise des prix à Londres, lundi 16 mai 2016.
117 prix Nobel de littérature ont été décernés depuis 1901, dont 4 partagés entre plusieurs lauréats. 18 femmes ont été récompensées à ce jour.
La dernière en date avant Han Kang étant Annie Ernaux en 2022 . La courbe est en progression depuis les années 2000 : 8 femmes ont été récompensées sur les 24 lauréats, ainsi un tiers des primés depuis 2000 sont des femmes.
Le Nobel de littérature s'accompagne du versement de 11 millions de couronnes suédoises – soit 960 000 euros – à son lauréat. Comme le veut la tradition, la lauréate recevra son prix le 10 décembre prochain, jour de l'anniversaire d'Alfred Nobel.
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