Fil d'Ariane
La lutte contre le harcèlement est ouverte. « Aucune gare, aucun train, aucune rame de RER ne doit être une zone de non-droit. Aucun délit, aucun crime ne restera impuni – nulle part », lance le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve, dans un communiqué pour présenter le plan national français contre le harcèlement sexiste quotidien et les violences sexuelles qui portent atteinte à la sécurité des femmes et qui affectent leur liberté de déplacement.
Le ministre de l’Intérieur et les secrétaires d’Etat aux droits des femmes et aux transports – Pascale Boistard et Alain Vidalies - ont ainsi présenté, ce jeudi 9 juillet, douze engagements largement inspirées des recommandations formulées dans un rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (HCEfh).
L’étude menée par cet organisme indépendant, saisi par le gouvernement, fait un constat choc : « l’ensemble des femmes ont un jour été victimes de harcèlement sexiste ou d’une agression sexuelle dans les transports en commun ». La France est bien décidée à y remédier mais avec quels moyens ?
Une nouvelle campagne de sensibilisation doit être lancée cet automne pour dissuader les « auteurs potentiels » d'agir en rappelant qu'en France le harcèlement et les violences sexuelles sont punis par la loi, de 6 mois à 15 ans de prison, selon le délit (A lire sur le rapport).
Il s’agit aussi d’inciter à la solidarité des témoins alors que, selon l’institut de sondage Yougov, « 85% des Parisiennes pensent qu’elles ne seraient pas aidées en cas d’agression dans le métro. »
Outre ces démarches attendues dans une telle campagne, ce plan prévoit aussi deux expérimentations. Tout d’abord, la généralisation des « marches participatives ». Venues du Canada, elles ont déjà été lancées dans plusieurs gares SNCF françaises. Il s’agit d’organiser des visites de gares avec les voyageuses, les élus et les responsables des transports pour identifier les « aménagements insécurisants » qui requièrent une amélioration comme « l’éclairage, la présence humaine, la vidéoprotection, les rames d’un seul tenant... ».
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L’autre expérimentation de ce plan, et qui devrait être testée en premier à Nantes, c’est l’arrêt à la demande des bus de nuit. Le but est d’éviter que les passagères effectuent un trop long trajet entre l’arrêt établi et leur domicile.
Avec ce plan, le gouvernement français vise également à améliorer les moyens d’alerte quand une femme subi un harcèlement ou des violences sexuelles. Le numéro d’urgence 3117 recueillera les signalements. Avant la fin de l’année 2015, il sera également possible d’utiliser ce numéro pour envoyer une alerte par texto. Un moyen qui assure aux victimes une plus grande discrétion pour signaler un agresseur.
Des spécialistes du numérique et des développeurs informatiques seront aussi mobilisés pour créer des « outils technologiques » permettant, par exemple, de géolocaliser les violences commises.
Si cette initiative est saluée par les associations qui se préoccupent du harcèlement, elles s’inquiètent aussi de la mise en œuvre de ce plan et des moyens qui lui seront alloués. Chris Blache, sociologue et cofondatrice de "Genre et Ville" regrette, elle, la dimension sécuritaire de ce programme gouvernemental « qui place les femmes dans une situation de victimes », regrette-t-elle dans une interview donnée au monde.fr.
Mais la France n’est pas la seule à s’engager à lutter (enfin) contre le harcèlement sexiste quotidien subi, souvent en silence, par les femmes, dans l'espace public non seulement dans les transports, mais aussi dans la rue.
Depuis mars dernier, le Pérou s’est également doté d’une loi pénalisant le harcèlement de rue jusqu’à douze ans de prison. Le débat national avait été relancé dans le pays quand une actrice péruvienne célèbre, Magaly Solier, avait raconté dans les médias qu'un homme s'était masturbé derrière elle dans un bus de Lima. Choquée et en pleurs à la télévisions péruvienne, elle avait ému le pays qui s'était mobilisé sur Internet pour dénoncer le harcèlement.
Peu de temps après, une autre initiative avait alimenté le débat. L’athlète péruvienne Natalia Malaga a frappé fort dans une campagne lancée par une marque de boxe au nom très évocateur « Siffle ta mère ! » Le principe est simple : on voit des hommes filmés en caméra cachée qui accostent des femmes dans la rue sans savoir qu'il s'agit en fait de... leurs mères.
L'Argentine se mobilise aussi. Des projets de lois sont actuellement en discussion pour prévenir et sanctionner le harcèlement de rue qui pourrait ainsi être puni par des amendes, assorties de peines de prison.
Cette réaction du pouvoir politique intervient après une large mobilisation populaire qui s'est soulevée lors de la diffusion de la vidéo d'une étudiante. Dans cette vidéo vue des milliers de fois et intitulée "Du compliment au viol", elle y raconte le harcèlement de rue qu'elle a subi quotidiennement.
Dans ce pays aussi, des actions citoyennes voient le jour. Six étudiantes de Buenos Aires ont créé une carte interactive, le 5 juin dernier, afin de dénoncer des actes de harcèlement en géolocalisant propos sexistes et machistes proférés sur la voie publique.
Depuis son ouverture, leur site a rapidement recueilli des dizaines de dénonciations. Le nom de leur plateforme hablamebien.com ("parle-moi bien") sonne comme une injonction des victimes en direction de ces harceleurs pour imposer le respect et en finir avec leur impunité.
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