Harcèlement de rue : les Tumblr répliquent

Si le documentaire de la jeune étudiante belge Sofie Peeters a déclenché de vives polémiques, il aura eu le mérite de délier les langues. Le "harcèlement de rue" s'est imposé autant aux twittos récalcitrants qu'aux législateurs belges et accueille désormais des témoignages toujours plus nombreux sur la toile. De "Paye ta schnek" à "Hé mademoiseau", petit tour des meilleurs blogs sur le sujet.
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Harcèlement de rue : les Tumblr répliquent
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Harcèlement de rue : les Tumblr répliquent
Actualisation le 22/08/12, avec les témoignages des créatrices de "Paye ta shnek" et "Hé mademoiseau"
 
 
"Hey ma p'tite rondelle miaouuu miaouuu!", "Hey, jolie toi, elle est comment ta chatte?" ou le plus classique "Tu suces?" Ces "tentatives de séduction en milieu urbain" se retrouvent postées chaque jour sur le Tumblr qui leur est dédié. "Paye ta schnek" accumule les témoignages de harcèlement de rue, localisations en prime.
 
Le nom "Paye ta shnek" vient de l'argot alsacien, "en fait le mot shnek désigne un escargot et c'est devenu en argot... Le truc qui pendouille quoi" explique la créatrice du Tumblr, Anaïs Bourdet. "Donc c'est super vulgaire et c'est du coup à la hauteur du contenu du blog."
 
Un contenu alimenté par 900 posts par semaine, "de France, de Suisse, de Belgique, du Mexique, d'Angleterre, avec des pics à plus de 30 000 visites par jour." Un vrai "buzz" pour un blog qui n'est en ligne que depuis une dizaine de jours. "En fait, j'ai créé ce blog après avoir vu la vidéo de Sofie Peeters. Le lendemain; je me suis faite poursuivre en voiture par un homme dont je n'avais pas relevé les avances au feu rouge. Ca a ouvert un débat avec mes copines, et on s'est dit qu'il fallait qu'on fasse un blog comme ça, pour récolter des anecdotes, parce qu'on s'est rendu compte qu'on en avait toutes des dizaines à raconter".
 
Mais la blogueuse prend tout de même ses distances avec les "Femmes de rue" de Sofie Peeters. "Moi ce qui m'a dérangé, c'est que sa vidéo était très ciblée sur un quartier, que tout le monde qualifie de 'très populaire', mais concrètement, il est très musulman tout simplement, et ça m'a beaucoup gênée. Moi je voudrais écarter ce débat de tout racisme, car ça se passe vraiment partout et ça concerne tout le monde." Chaque post est ainsi localisé, pour bien montrer que le harcèlement de rue n'est l'apanage d'aucune minorité, ni la spécialité d'un quartier populaire.
 
La "p'tite rondelle" par exemple, c'était en Belgique au parc Duden. Le charmant "jolie toi" et sa suite distinguée, ça s'est passé dans le 11ème arrondissement parisien. Le "Tu suces?" quant à lui, est une litanie universelle, que l'on retrouve de Mexico à la Canebière marseillaise. "Moi je reçois des messages qui viennent des quartiers populaires, mais aussi des quartiers les plus chics, du cour Mirabeau à Aix en Provence aux Champs Elysées à Paris, j'ai même des anecdotes de femmes qui me racontent ce qui leur arrive au bureau aussi! Ca se passe vraiment partout, du petit lascar au père de famille en costard trois pièces, tous les types d'hommes peuvent avoir ce genre d'approche."
 
Le blog participatif "Paye ta schnek" n'est d'ailleurs pas le seul à géolocaliser les témoignages de harcèlement de rue et à faire le constat de l'hétérogénéité des personnes qui le pratiquent. Sur Terriennes, nous vous avions parlé de "Quaweme Harrassment"("résistez au harcèlement"), un blog libanais qui indique sur une carte de Beyrouth les endroits où les femmes en sont le plus victimes, le plus souvent dans des quartiers chics d'ailleurs.

Et si on inversait les rôles? 
 
La toile s'éveille donc pour exercer une veille et apporter des témoignages précis, histoire de montrer que l'existence du harcèlement de rue ne fait pas débat. A côté de cette affirmation, la riposte se joue dans l'échange des rôles. A la manière presque enfantine d'un jeu qui tourne trop rarement à l'avantage des femmes, les blogs s'amusent à l'hypothèse. "Et si on disait que toi tu étais le papa et moi la maman?" a fait place à une autre uchronie: "et si on disait que c'était les femmes qui harcelaient les hommes?" Un jeu auquel s'étaient s'ailleurs prêté les militantes d'Osez le féminisme dans une série de vidéos intitulées "Vie de meuf"


Dans la même veine, le Tumblr "He mademoiseau" commence à faire autant d'émules que d'adeptes. Le site propose de laisser libre cours à votre imagination féminine en répondant au harcèlement par le harcèlement. Remplacez par exemple l'élégant "Tu suces?" par le non moins distingué "Toi, t'as une tête à lécher des chattes". Petit florilège de cette savoureuse inversion des genres, à retrouver sur hemadmoiseau.tumblr.com

Harcèlement de rue : les Tumblr répliquent

Harcèlement de rue : les Tumblr répliquent

A l'origine de ce Tumblr, Andrea K. tient a préserver le reste de son nom pour le "vrai métier" qu'elle exerce dans la culture. Les blogs, c'est un "passe-temps", "Hé mademoiseau" n'est d'ailleurs pas son premier, puisqu'elle est aussi à l'origine de "Vie de Garces", "des anecdotes de petits coups bas que les filles font à un peu tout le monde, aux garçons en particulier." 
 
C'est "Paye ta shnek" qui a inspiré "Hé mademoiseau", mais c'est surtout pour pouvoir en rire! "Parce que je trouvais ça drôle, et que c'est quelque chose que l'on ne voit pas, donc j'étais curieuse de connaître la réaction des gens à un blog comme ça, et ça s'est avéré très intéressant" explique Andrea K. "Sur certains forums, j'ai vu des mecs qui disaient que 'paye ta shnek' donnait vraiment de bonnes idées pour draguer dans la rue, et que certains en avaient même testé. Par contre, ceux là disaient que 'Hé mademoiseau' était sans intérêt, pas drôle... Ils n'arrivent pas du tout à se remettre en question et à se rendre compte qu'on parle de la même chose! Après, il y en a aussi qui ont dit que les filles devraient oser draguer comme ça dans la rue, mais je pense que c'est n'est pas une solution non plus..."
 
A l'image de la société "qui n'imagine pas que l'on puisse interpeler un mec comme ça", lorsque l'on tape "Hé mademoiseau" sur Google, le moteur de recherche s'empresse de nous corriger: "Vous voulez dire hé mademoiselle?" Non, nous voulons bien dire "Hé mademoiseau!".